L'ours polaire

L'ours polaire

Plumes rouges : 2: Naissances et renaissances

 

PLUMES ROUGES (2)

2 : Naissances et renaissances

 

1) Introduction

2) Les Auteurs

a) Scott Momaday (1934-)

b) Gerald Vizenor (1934-)

c) Paula Gunn Allen (1939-2008)

c)James Welch (1940-2003)

d) Simon J. Ortiz (1941-)

e) Joseph Bruchac (1942-)

f) Linda Hogan (1947-)

g) Leslie Marmon Silko (1948-)

h) Wendy Rose (1948-)

i) Joy Harjo (1951-)

j) Luci Tapahonso (1953-)

k) Louise Erdrich (1954-)

l) Sherman Alexie (1966-)

m) Tommy Orange (1982-)

3) Bibliographie - Filmographie-Webographie

 

1) Introduction

 

En 1940, 334000 amérindiens vivent aux Etats Unis et 160000 au Canada.

Au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, ils feront preuve de leur patriotisme en s'engageant en masse.

On les retrouvera dans toutes les armes et sur tous les fronts des jungles de Guadalcanal aux glaces de l'Alaska, de la Tunisie à l'Allemagne en passant par la Normandie. Et aussi dans la conception de brochures de propagande, comme ci-dessous.

 

Dessins de propagande faits par des artistes amérindiens de Santa Fe en 1942

 

Ils se déplaceront aussi pour travailler sur les chantiers navals de l'Atlantique ou du Pacifique, dans les usines d'armement. Même dans les réserves les plus stériles, ils créeront des "Jardins de la Liberté" pour produire difficilement de maigres récoltes.

 

Affiche de propagande du BAI incitant les amérindiens à s'installer en villeCet investissement et le déplacement de nombreux indiens vers les villes (et l'emploi!) persuada le gouvernement américain engager la " Termination", à savoir accorder aux Amérindiens tous les droits et privilèges des citoyens américains en mettant fin à l'existence des traités conclut entre le gouvernement fédéral et les nations indiennes. Autrement dit : plus de réserve, plus de droit particulier et assimilation complète.

En théorie, on devait demander l'avis des amérindiens avant cette "Termination". Dans la pratique, on l'imposera. Bien évidemment, la majeure partie des terres amérindiennes appartenant à des nations "Terminées", tomberont entre les mains d'euro-américains.

Le gouvernement, par le biais de reportage de propagande tentera d'attirer en ville les Amérindiens en leur promettant un emploi et un logement décent (voir ci-dessus).

  

Seulement les temps avaient changés. Déjà en 1945, les Amérindiens se divisaient en deux groupes, l'un souhaitait tenter sa chance hors des réserves, tout en maintenant des liens culturels et cultuels avec celles-ci. L'autre voulait y retourner pour y retrouver la protection de la communauté tribale.

Beaucoup de ceux qui auront choisi la ville le regretteront. Leur manque de qualification et leur faible niveau d'études les cantonnait aux métiers les plus ingrats ou au chômage dans des hébergements insalubres. 

Ceux qui revenaient sur les réserves y retrouvaient la misère et les dures conditions de vie.

 

Dans un cas comme l'autre, l'alcoolisme et la toxicomanie, solutions face à au manque d'avenir, à la perte des racines et au racisme faisaient des ravages.

 

Au milieu de tout cela se leva une nouvelle génération, inspirée par les luttes desManifestants de l'AIM devant le bureau des Affaires Indiennes en1972
noirs américains. Elle se structura politiquement en mouvements dont le plus extrême, l' American Indian Movement se forma  à  Minneapolis à partir d'indiens déracinés de différentes communautés de la région ( Ojibwe, Sioux) en 1968 (à droite).

 

Extrémistes ou pas, ces différents mouvements avaient des revendications communes : faire cesser la politique de "Termination", rétablir les droits des nations amérindiennes l'ayant subi, donner la main aux amérindiens sur l'éducation de leurs enfants, mettre fin à la politique d'assimilation par la destruction des cultures amérindiennes, obtenir la liberté totale de culte et pouvoir décider souverainement sur les terres tribales de leur propre politique sociale et économique.

 

Cette renaissance politique s'accompagnera d'une renaissance culturelle avec un retour vers la racine et les traditions amérindiennes. Toutefois, ceci va de pair avec une intégration (et non pas assimilation) dans la culture dominante.

 

Les écrivains de cette période sont inscrits dans cette dynamique. Tous ne sont pas des militants, loin s'en faut, mais le désir de marier les modes d'expression traditionnels avec les courants littéraires modernes est manifeste. Ils viennent tous d'un groupe minoritaire dans la minorité, mais dont l'importance allait croître avec le temps, celui des amérindiens ayant suivi des études de niveau universitaires. 

 

Ils allaient non seulement s'imposer comme auteurs reconnus en Amérique du Nord, mais aussi bien au-delà.

 

Voilà pourquoi cette partie s'appelle "naissance et renaissance". Naissance d'une nouvelle génération d'écrivains et Renaissance Culturelle de peuples que l'on croyait moribond, ravagés par l'alcool et les drogues. Une leçon de résilience, de survie, de révoltes et d'évolutions.

 

Parade lors de l'inauguration du Musée des Amérindiens à Washington (2004)

 

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a) Scott Momaday (1934-)

On peut dire que tout commença avec un homme, un Kiowa, N. Scott MomadayScott Momaday (2023)
avec le livre " House made of Dawn" (La Maison de l'Aube ou la Maison faite d'aube), premier livre d'un écrivain amérindien a recevoir un  prix Pulitzer et à acquérir une renommée mondiale. C'état en 1969. Mais n'anticipons pas ...

 

Commençons tout d'abord par parler un peu des Kiowas. Ce peuple, originaire du cours supérieur du Missouri est progressivement descendu vers le sud et l' Oklahoma, poussé par d'autres peuples amérindiens tels que les  Cheyennes et les Sioux. Malgré cela, plusieurs de leurs sites sacrés, notamment  Devil’s Tower et les  Black Hills sont restés fréquentés par eux jusqu'à nos jours.

 

Douze dignitaires Kiowas (1880)En Oklahoma, ils se sont alliés aux Comanches, menant avec eux des raids dévastateurs dans le Texas, le Mexique, le Nouveau Mexique et le Kansas. Bien évidemment, l'armée américaine interviendra contre eux et en 1875, ils devront accepter de vivre sur une réserve. Celle-ci n'aura qu'une courte vie! Dès 1901, avec la naissance de l'état d'Oklahoma, elle sera supprimée. Chaque famille Kiowa recevra un lot de terres, celles en trop étant vendues à des euro-américains. Seules quelques parcelles qui avaient été loués à des éleveurs de bétail en réchappèrent.  Malgré les adaptations qu'ils durent faire, les Kiowas gardèrent un fort sens de la communauté.

En 1968, ils reconstituèrent un gouvernement tribal. Ils possèdent trois casinos et vendent des plaques minéralogiques de voitures. C'est aussi un peuple dont l'artisanat est très réputé, tant dans la fabrication de tenues traditionnelles que dans la peinture, la sculpture et la littérature. Leur nombre était de 12000 en 2011.

 

C'est dans ce peuple que naît le 27 février 1934 à Lawton (Oklahoma) Navarre ScottPlain Winter 1965 Afred Scott Momaday
Momaday au " Kiowa and Comanche Indian Hospital" Sa mère  Mayme "Natachee" Scott Momaday était une écrivaine, son père Alfred Morris Momaday, un artiste peintre (voir ci-contre).

 

L'année suivant sa naissance, toute la famille se déplaça en Arizona, ses parents devenant enseignants sur une réserve de la région. le jeune Momaday y grandira en apprenant les traditions non seulement des Kiowas, mais aussi celles des Navajos,  Pueblos et Apaches. En 1946, ils s'installent au pueblo de Jemez (Nouveau Mexique). N. Scott Momaday y restera jusqu'à son entrée à l'université du Nouveau Mexique d'où il sortira avec en poche un diplôme de littérature. Il continuera ses études à  Stanfort d'où il sortira avec un doctorat en littérature.

 

En 1963, il devient professeur adjoint d'anglais à l'Université de  Californie-Santa Barbara

 Deux ans plus tard, il publie son premier livre 'The complete poems of Frederick Goddard Tuckerman", d'après l'une de ses dissertations.

 

Ce n'était qu'un timide galop d'essai, car dans la foulée, il écrit une véritable "bombe littéraire" qui paraît en 1969 : "House of dawn", " La maison de l’aube ou "Une maison faite d'aube". Le succès de ce livre qui reçoit le Prix Pulitzer pour la fiction en 1969 fait apparaître au grand jour la littérature amérindienne, le roman connaissant également une reconnaissance mondiale.

 

Couverture de la maison de l'aubeLe roman, qui se divise en quatre parties commence avec le retour d'Abel qui revient sur sa réserve du Nouveau Mexique après avoir combattu lors de la Seconde Guerre mondiale. Traumatisé parce qu'il a vécu, il est si saoul qu'il ne reconnaît même pas Francisco, son grand-père qui l'a élevé. Peu à peu, Abel se rend compte que cela a été une erreur de revenir là et devient de plus en plus confus. Lors d'une bagarre, il tue un homme et est envoyé en prison.

 

Abel réussira t-il à surmonter ses traumatismes et à renouer avec son peuple ? Pour y arriver, il devra emprunter un chemin long et difficile.

 

D'abord conçu comme une série de poèmes par Momaday, "House made of dawn" fut finalement transformé en un roman largement inspiré par la vie au pueblo de Jemez. Comme le personnage principal du livre, Abel, Momaday avait grandit sur une réserve avant d'aller plus tard étudier en dehors de celle-ci. Dans son récit, il mêle expériences personnelles et imaginations, selon l'enseignement de ses parents.

 

"House made of dawn" intègre des événements qui se sont réellement produits. Dans son autobiographie, "The names", Momaday mentionne un incident qui se déroula à Jemez et qu'il utilise comme base pour le meurtre dans son roman. Les croyances et coutumes amérindiennes du sud-ouest sont celles des peuples qu'à rencontré Momaday dans sa jeunesse, les lieux cités, ceux qu'il a fréquenté.

 

Abel, son personnage principal, a été créé à partir de plusieurs jeunes garçons qu'il avait connu à Jemez. A ce sujet Momaday dit "Un nombre effroyable d'entre eux sont morts ; ils sont morts jeunes et ils sont morts de mort violente. L'un d'eux était ivre et s'est fait écrasé. Un autre était saoul et est mort de froid. (Il était le meilleur coureur que j'ai jamais connu.) Un homme a été assassiné, massacré par un parent sous un poteau télégraphique juste à l'est de San Isidro. Et encore un autre qui s'est suicidé. Un bon nombre de ceux qui ont survécu se sont installés dans le cadre du programme de "relocation" à Los Angeles, Chicago, Detroit, etc... Mais ils sont malheureux".

 

Selon un historien, le roman décrit avec exactitude la cérémonie du peyotl, mais enCérémonie du Peyotl chez les Crows (Culture des Plaines du Nord) vers 1950
Californie du Sud, où elle est censée se dérouler, une telle cérémonie se tient plus dans le désert qu'en ville.

 

Les premières critiques ont été ambigües. Tandis que certains s'étonnaient qu'un amérindien, à la culture purement orale, utilise l'écrit et la langue des "vainqueurs", d'autres n'y voyaient qu'une transposition de thèmes "indigènes" sur un canevas romanesque classique. Quelques critiques considéraient aussi que l'écriture de Momaday était trop lourde et trop emphatique.

 

Mais la majeure partie des critiques furent élogieuses, voire enthousiastes. La description de "la vie au quotidien des indiens", "la puissance et la beauté de l'histoire" revinrent souvent, tout comme la mention d'images puissantes ou "la synthèse remarquable faite entre la poésie et et un aperçu émotionnel et intellectuel profond du statut humain persistant des Indiens" (sic!).

 

En 1972, un film indépendant basé sur "House of Dawn" avec un script rédigé par Momaday et le cinéaste  Richardson Morse sera tourné avec  Larry Littlebird dans le rôle principal,  Judith Doty et Jay Varela. Il n'aura pas, et de loin, le succès du livre !

 

Beaucoup de romanciers amérindiens le reconnaissent. "House of Dawn" a été pour eux importants, soit en les confortant dans l'idée d'écrire, soit comme source d'inspiration.

 


 

Pour tous les historiens de la littérature américaine, il marque le début de la Renaissance Amérindienne, et l'entrée dans le courant "mainstream" des écrivains de ce mouvement.

 

Illustration d'Alfred Momaday pour "The way to the rainy mountainL'année suivante, il publie " The way to Rainy Mountain" (Le chemin de la montagne de pluie), illustré par son père (voir ci-contre)

 

Comme d'autres écrivains amérindiens commençaient à se faire connaitre, Momaday se tourna vers la poésie, écrivant le recueil "Angle of geese" en 1974, que certains considèrent comme sa pièce maîtresse, suivi par "The gourd dancer" (1976). La plupart de ses travaux suivant mélangent la prose et la poésie.

 

Universitaire renommé, Momaday se consacre en 1966-1967 à la recherche littéraire à Harvard, avant de devenir en 1969 professeur d'anglais à l' Université de Californie-Berkeley y enseignant l'écriture créative et créant un programme basé sur la littérature et la mythologie amérindienne

 

Titulaire de Stanford, de l'Université de l'Arizona, de celle de Californie-Berkeley et de Californie-Santa Barbara, Momaday a été invité par celles de Columbia et de  Princeton et à été le premier enseignant en littérature américaine à l' Université de Moscou.

En 35 ans de carrière universitaire, il s'est imposé comme un spécialiste éminent des traditions orales amérindiennes et des concepts religieux des différentes cultures autochtones, ce qui lui vaudra une douzaine de récompenses universitaires !

 

Scott Momaday fait aussi parti de la " Kiowa Gourd Society" depuis 1969. Cette société dont l'origine remonte aux débuts de l'histoire des Kiowas reçoit les Kiowas qui se sont Danseur membre de la "Kiowa Gourd Society"
particulièrement illustrés pour leur peuple, soit comme guerrier, diplomate ou artiste. On y entre par cooptation. Les membres de cette société (voir ci-contre) sont dépositaires de chants et de danses qui ne peuvent être exécutés que par les membres de celle-ci. En devenant membre, on rehausse bien évidemment son prestige personnel, on entre dans un réseau de solidarité qui lie les différents clans Kiowas entre eux.

 

Depuis son enfance, Momaday a visité des sites tels que Devil’s Tower ou  Medecine Wheel à plusieurs reprises.

 

Il a été à maintes occasion invité comme intervenant pour des documentaires, comme " The West" (1996) ou des sujets tels que les " Boarding Indian School", Little big Horn, Billy The Kid, etc ...

 

En 2007, Momaday revint vivre en Oklahoma pour que sa femme y suive un traitement contre le cancer. C'état la première fois qu'il y revenait depuis son enfance et son retour coïncidait avec le centenaire de l'état. Il reçu à cette occasion le titre de "Poète officiel de l'Oklahoma".

 

Momaday travaille activement pour protéger les cultures amérindiennes. Il est le fondateur de la "Rainy Mountain Association" et du " Buffalo Trust". Il est aussi un peintre renommé qui a illustré lui-même l'un de ses livres " In the Bear’s House".

 

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b) Gerald Vizenor (1934-)

Même si sa mère avait des racines suédoises et euro-américaine, Gerald Vizenor est Gerald Vizenor
bel est bien un Anishinaabe ( Ojibwe) par son père.

Né à  Minneapolis (Minnesota) en 1934, il sera surtout élevé par sa mère, sa grand-mère paternelle et ses oncles, son père ayant été assassiné alors qu'il n'avait pas encore deux ans. Le meurtre ne sera jamais résolu. 

 

Il grandira à Minneapolis et sur la réserve de White Earth. Sa mère s'étant mis en couple avec un autre homme, ce dernier agira comme son beau-père et s'occupera de lui jusqu'à sa mort en 1950.

 

A cette date, mentant sur son âge (15 ans!), Vizenor entrera dans la Garde Nationale du Minnesota.

 Libéré de son service dans la Garde Nationale, Vizenor s'engagea deux ans plus tard dans l'armée en pleine guerre de Corée. Il ne verra pas les combats, étant affecté aux forces d' occupation américaines au Japon, un pays qui se relevait tout juste des dévastations de la guerre précédente. Durant cette période il lira beaucoup de littérature japonaise, dont des recueils de Haikus.

 

A son retour aux Etats Unis en 1953, Vizenor tirera profit du " G.I. Bill" pour reprendre ses études à l' Université de New York. Il continua ensuite à étudier à Harvard et à l'Université du Minnesota. Il se mariera et aura un fils.

 

Après avoir enseigné à l'université, Vizenor devient en 1964 avocat et prend la direction de l'American Indian Employement and Guidance Center de Minneapolis, où il rencontre de nombreux amérindiens venant des réserves en ville pour y trouver un emploi. Beaucoup ont du mal à s'adapter à la vie citadine et doivent lutter contre le racisme et la tentation de l'alcool bon marché. Il restera à ce poste jusqu'en 1968.

 

Dans le recueil de nouvelles "Wordarrows : white and indians in the new fur trade", il parle de ses expériences avec les sans-abris et les pauvres.

C'est sans doute à cause de celles-ci qu'il a vu naître à Minneapolis l' American Indian Movement avec un regard critique , jugeant ses fondateurs, tels que  Dennis Banks ou Clyde Bellecourt, plus préoccupés par leur publicité personnelle que par les problèmes des Amérindiens.

 

Vizenor devint à cette date journaliste au Minneapolis Tribune, dont il ne tardera pas à devenir un contributeur régulier. Il enquêtera notamment sur le cas de  Thomas White Hawk, un étudiant amérindien de l' Université du Dakota du Sud, accusé de meurtre et de viol. Son travail permettra à White Hawk d'échapper à la peine de mort, Vizenor soulevant la question de la nature d'une justice s'appliquant à des peuples colonisés.

 

Commençant à enseigner au  Lake Forest College (Illinois), Vizenor fut chargé de créer un département d'études amérindiennes à la  Bemidji State University (Minnesota). Il deviendra par la suite professeur d'études amérindiennes à l' Université du Minnesota de 1978 à 1985. Il se moquera par la suite du monde universitaire dans plusieurs de ses fictions. Durant cette période, il a été aussi professeur invité à l' Université Tianjin de Pékin.

 

Il travaillera et enseignera ensuite durant quatre ans à l'U niversité de Californie - Santa Cruz et sera aussi le Doyen du Kresge College. Pendant un an, il sera titulaire d'une chaire à l'Université d'Oklahoma, puis ensuite professeur à l'Université de Californie - Berkeley et professeur d'études américaines à l'Université du Nouveau-Mexique.

 

Cet amoureux de Jacques Derrida et  Jean Baudrillard ne fait paraître son premier roman "Darkness in Saint Louis Bearheart" (plus tard réintitulé après révisionCouverture de "Bearheart"
"Bearheart : the heirship chronicles") qu'en 1978.

Ce livre attire aussitôt l'attention, car il s'agit d'un livre de science-fiction, cas rare chez les écrivains amérindiens d'alors.

Il raconte les pérégrination d'un groupe de métis dirigé par Proude Cedarfair en pèlerinage dans une Amérique dystopique ravagée par une catastrophe environnementale causée par l'avidité et la soif de pétrole des euro-américains.

Elle contient déjà des thèmes récurrents chez Vizenor comme l'utilisation de l'image traditionnelle du "Trickster" (un personnage utilisant son intelligence et/ou des connaissances secrètes pour abuser les autres, défier les normes sociales et transgresser les règles).  Les personnage sont souvent des métis amérindiens utilisés dans un contexte s'éloignant du schéma dramatique du personnage déchiré entre deux cultures. Il manie aussi fréquemment le "réalisme merveilleux", qu'il nomme "mythic verism" (réel mythifié) et sa conception d'une identité "post-indienne". Dans ce récit, il utilise aussi beaucoup la parodie, en l'occasion " Les Contes de Canterbury" de Chaucer et la vision de la " Frontier" de Frederick Jackson Turner

L'influence de Scott Momaday (voir plus haut) est également perceptible dans ce roman.

 

Dans l'un des passages les plus remarqué et sujet à controverses, le personnage Belladonna Darwin Winter-Catcher meurt après avoir mangé des cookies empoisonné, suivant une déclaration où elle proclame que "Les Amérindiens sont meilleurs et plus purs que les Blancs". 

 

Dans ses romans suivants, Vizenor continue à utiliser le personnage du "Trickster" dans des contextes allant d'une université anglaise à la Chine et passant par la réserve de White Earth.

Fréquemment, il cite ses idoles : Umberto EcoRoland Barthes et bien sûr Jean Baudrillard.

 

Très sérieux dans sa description de l'Amérique "Indigène", il écrit cependant des fictions humoristiques et ludiques. Vizenor refuse de romancer les personnages amérindiens et prend une posture d'opposition face à la volonté hégémonique de la culture euro-américaine.

Pour lui, le personnage de "l'indien" ou même son idée est une invention des envahisseurs européens. Il argumente son propos en disant fort justement qu'avant l'arrivée de  Christophe Colomb aux Antilles en 1492, personne ne se définissait comme "indien".

Il n'y avait que des peuples divers (comme les Anishinaabe ou les Dakotas), divisés par des langues et des cultures différentes, chacun considérant son vis à vis comme "L'autre".

 

Pour déconstruire ce concept "d'indien", Vizenor utilise l'ironie et la technique du "texte de jouissance" cher à Roland Barthes, c'est à dire celui qui fait vaciller lesCouverture de "The heirs of Colombus"
certitudes historiques, psychologiques et culturelles.

Ainsi, lors du 500e anniversaire de la découverte de Christophe Colomb par les Taïnos en 1492, Vizenor publie le roman " The heirs of Colombus".

Dans ce roman Vizenor imagine que durant l'Antiquité les  Mayas ont découverts l'Europe et s'y sont, pour certains, implantés.

L'un de leurs descendants, un juif  Séfarade nommé Christophe Colomb, est poussé par sa mémoire ancestral à retourner au pays de ses ancêtres. Comme il n'est pas très doué en navigation, il arrive aux Antilles. Il fait alors la rencontre d'une guérisse, Samana, qu'il trouve "intéressante" et couche avec elle. Samana se retrouve enceinte et donne naissance à une lignée familiale.

Bien plus tard, ses descendants décident de rendre honneur à leurs ancêtres en récupérant les ossements de Colomb et de ...  Pocanhontas !.

 

A côté de ses romans, Vizenor a écrit des études tout à fait sérieuses sur la politique américaine vis à vis des Amérindiens, comme "Manifest manners" ou "Fugitive Poses". D'autres ouvrages sont des travaux académiques sur la littérature amérindienne. Il est aussi le créateur du magazine "American Indian Literature and critical studies" aux University of Oklahoma Press qui fournit un espace où des critiques amérindiens peuvent critiquer des ouvrages d'auteurs amérindiens.

 

Pour en revenir à Vizenor, il s'applique dans ses études à déconstruire la sémantique de "l'indianité". Par exemple, son titre "Fugitive poses" vient de son assertions selon laquelle le terme "indien" est une construction des sciences sociales qui remplace les "peuples autochtones" qui deviennent alors "absents" ou "fugitifs".

De même, il critique l'expression "manifest manners" (manières manifestes) comme une référence à celle de "Manifest destiny" ( Destinée manifeste).

Plutôt que d'employer que le terme "indiens" pour désigner les peuples autochtones, ce qui est pour lui un symbole de domination, il suggère que ceux ci soient désignés par leur identité spécifique, tout comme les euro-américains désignent les "autres" par le terme de français, brésilien ou polonais. 

 

Pour donner un nom aux études générales sur les nations autochtones, Vizenor propose d'utiliser le terme "postindian" (postindienne) pour signifier que les différentes cultures amérindiennes  ne pouvaient être abordées en masse ou "unifiés" que par des attitudes et des actions euro-américaines à leur égard.

 

Il a aussi créé le néologisme de "survivance", croisement entre "survie" et résistance" pour remplacer "survie" en termes de peuples tribaux. Il l'a créé pour décrire un processus en cours, et non pas une fin : les manières des peuples autochtones continuent de changer, tout comme celles des autres. Il note aussi que la survie des peuples minoritaires passe par la résistance à la culture dominante.

 

Pour Vizenor, le nationalisme amérindien est aussi critiquable que les attitudes colonialistes ou néo-colonialistes des euro-américains.

 

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c) Paula Gunn Allen (1939-2008)

Née à  Albuquerque (Nouveau Mexique) Paula Gunn Allen passa toute son enfance Paula Gunn Allen
et son adolescence à  Cubero (Nouveau Mexique), un village " Chicanos" bordé par la réserve des  Lagunas Pueblos. D'ascendance Laguna, Sioux, Ecossaise et Libanaise, Allen s'est toujours considérée comme une Laguna.

 

Son père Elias Lee Francis, un américano-libanais, possédait la "Cubero Trading Company" et servira de 1967 à 1970 comme gouverneur adjoint de l'état du Nouveau Mexique. Son frère Lee Francis, était un poète, un conteur et un enseignant Laguna Pueblo et Anishinaabe. l'une de ses soeurs,  Carol Lee Sanchez est aussi écrivaine.

 

Allen commença sa scolarité à l'école de la mission de Laguna Pueblo avant d'être envoyée dans une " Indian Boarding School", baptisée "Sisters of Charity" (sic!) à Albuquerque.

Entrée à l'Université du Nouveau Mexique, elle suivra les conseils du professeur de poésie  Robert Creeley qui lui fera découvrir les créations de Charles Olson, Allen Ginsberg et  Denise Levertyov

 

Elle ira ensuite poursuivre des études en écriture créative à l'Université de l'Oregon, où son professeur de poésie, le Cherokee  Ralph Salisbury aura une forte influence sir elle.

Elle reviendra ensuite à l'Université du Nouveau Mexique pour y obtenir un doctorat et commencer des recherches sur les religions traditionnelles des Amérindiens.

 

Elle mènera ensuite une brillante carrière universitaire au Colorado, en Californie, et au Nouveau Mexique, poursuivant des recherches en anthropologie.Couverture de "The sacred hoop"

En se basant sur ses propres expériences et ses études sur les cultures amérindiennes, elle rédigera en 1986 " The sacred hoop : recovering the feminine in American Indian Traditions" dans lequel elle argumente que la vision culturelle dominante des sociétés amérindiennes était biaisée par le fait que les explorateurs et colonisateurs européens les interprétaient à travers le prisme de leur société patriarcale. Allen décrit le rôle important que jouaient les femmes dans les beaucoup de cultures amérindiennes, y compris celui de dirigeantes, ce qui a été mal interprété, nié ou minoré par les explorateurs et chercheurs influencés par leur culture européenne patriarcale.

Allen théorise qu'à l'époque du contact avec les européens, la majeure partie des cultures amérindiennes étaient  matrilocale et  égalitariste avec seulement quelques unes se conformant au schéma patriarcal.

 

Sa thèse n'a pas fait, loin de là, l'unanimité. D'autres universitaires, comme Gerald Vizenor (voir plus haut) l'ont accusé de simplement inverser les valeurs de l' essentialisme, selon lequel les hommes et les femmes sont différents par leur physiologie, mais aussi dans une certaine mesure par l'être et l'agir.

 

Il faut noter à ce sujet que l' American Indian Movement (AIM) sera critiqué par des féministes pour sexisme. Par ailleurs, les cultures amérindiennes n'ont jamais cessé d'évoluer pour s'adapter, et pas forcément dans un sens féministe ! Ainsi, lors de l'apogée de la "Culture du Bison", avoir plusieurs épouses (cas des Comanches) montrait tout à la fois sa richesse (faut les nourrir!) et ses qualités de chasseurs (plus on a de peaux à tanner, plus il faut de femmes). Plus charitablement, cela pouvait aussi permettre à la veuve d'un ami ou d'un parent de sombrer dans la précarité. Ainsi, le célèbre  Quanah Parker avait huit femmes. Quand les missionnaires chrétiens lui soufflèrent qu'il y en avait sept de trop, il leur ria au nez ! 

 

Malgré ou grâce aux critiques, le livre d'Allen s'est révélé très influent, suscitant de nombreuses études féministes sur les cultures amérindiennes, y compris le développement du féminisme autochtone. il est aujourd'hui un classique des programmes d'études amérindiennes et féministes.

 

Ceci ne doit pas faire oublier qu'Allen est avant tout une romancière et une poétesse. Tout comme Leslie Marion Silko (voir plus loin), qui comme elle est Laguna, elle s'inspire beaucoup des contes traditionnels de son peuple, notamment de "Grand-Mère Araignée" (Kokyan-wuhti) et de la "Jeune Fille du Maïs".

 

Marqué par son expérience personnelle, Paula Gunn  Allen publia en 1983 le roman Couverture de "The woman who owned the shadows"
"La femme qui possédait les ombres" (The woman who owned the shadows) où elle raconte l'histoire d'une jeune métisse, fille d'une femme elle-même métisse et de sa lutte contre l'exclusion sociale.

 

Allen a aussi écrit un recueil contenant trente années de poésie "Life is a fatal disease : collected poems 1962-1995).

 

Bien que citée parmi les auteurs membres de la "Renaissance Amérindienne", Paula Allen Gunn a toujours refusée cette catégorisation.

 

Décédée en 2008, Paula Gun Allen s'est mariée deux fois et a eu quatre enfants. De ceux ci, deux moururent, Fuad Ali Brown, mort peu après sa naissance en 1972 et Eugene John Brown en 2001.

Ses deux autres enfants, Lauralee Brown et Suleiman Allen lui ont survécut.

 

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d)James Welch (1940-2003)

C'est à Browning (Montana) que nait le 18 novembre 1940 James Welch, membre de James Welch (2000)
la nation  Blackfeet (Pikunis) par son père James Philip Welch, un soudeur et éleveur, et d'ascendance  Gros Ventre (A'aninnin) par sa mère Rosella Marie O'Bryan, sténodactylographe pour le Bureau des Affaires Indiennes. Bien qu'ayant aussi des racines irlandaises du côté de ses parents, Welch fut élevé et grandit chez les Backfeet et dans la réserve de Fort Belknap. Welch grandira dans un environnement culturel et religieux amérindien qui marquera fortement ses futurs romans.

  

Cependant, ayant ensuite beaucoup vécu hors de la réserve, il souffrira toujours du sentiment d'un manque de liens avec sa communauté tribale.

 

En 1958, il achève ses études à la  Washburn High School de Minneapolis (Minnesota). Il travaille ensuite comme pompier pour l' U.S. Forest Service, puis  ouvrier avant de reprendre des études pour obtenir à l' Université du Montana une maîtrise en Beaux-Arts.

 

C'est son professeur, le poète Richard Hugo (ci-dessous), qui lui signalera que ses poèmes manquaient de "vécu" et qu'il devait écrire au sujet de ce qu'il connaissait. C'est àRichard Hugo (1923-1982)
dire écrire sur les indiens et leurs cultures. Ecrire sur sa "maison". Il sera diplômé en 1965 avec une licence (BA degrees) en arts libéraux.

Peu de temps après, il sort son premier poème en 1967.

 

Après un bref passage au Northern Montana College, Welch commença sa carrière d'écrivain en publiant des poésies et des romans, qui l'inscrivent dans le courant  de la Renaissance Amérindienne. Il base sa carrière littéraire sur la vie des amérindiens, dans ses bons et mauvais côtés et sur leur lutte contre les tentatives d'imposer la culture euro-américaine. Son style d'écriture, très particulier, appréhende ses personnages amérindiens comme s'il était un observateur extérieur possédant une compréhension de ce qui se passe en eux.  Il met aussi en scène les paysages du Montana comme un personnage à part entière.

 

A ce sujet, James Welch notera : "En grandissant autour des réserves, j'ai juste gardé les yeux ouverts et les oreilles ouvertes, écouté beaucoup d'histoires. On pourrait dire que mes sens ont vraiment été ravivés par cette culture. J'en ai appris plus que je ne le pensais. Ce n'est qu'après avoir commencé à écrire à ce sujet que je me suis rendu compte que j'avais appris. J'en savais pas mal, à certains égards, sur les modes de vie Blackfeet et Gros Ventre".

 

Tant pour ce livre que pour les suivants, les critiques éprouvent une difficulté à la Couverture de "A la grâce de Marseille"
catégoriser. Certains le voient comme un conteur amérindien, d'autre comme un auteur américain. En fait, Welch n'est ni l'un, ni l'autre : il a réussit à fusionner les traditions et les concepts culturels des nomades des Plaines du Nord avec les conventions littéraires occidentales pour créer des récits convaincants. Une grande partie de ceux ci tournent autour des interactions entre les Amérindiens et les euro-américains.

 

Avec " The heart song of Changing Heart" (A la grâce de Marseille), publié en 2000, Welch brise même les codes en transportant son héros (un jeune Lakota) à Marseille à la fin du 19e siècle. Laissé en arrière par le  Wild West Show de  Buffalo Bill Cody suite à une affaire sordide de meurtre, Changing Elk y découvrira l'amour et devra tenter de faire sa place dans une société qui lui est complétement étrangère.

 

En 1968, James Welch épouse Lois Monk, une professeur de littérature comparée de l'Université du Montana. Elle en dirigera le département de littérature en langue anglaise jusqu'à sa retraite. Durant leurs vacances, ils voyageront en France, Grèce, Italie et au Mexique. Welsh utilisera souvent ces périodes pour achever ses romans.

Très investis dans la préservation de la langue des Blackfeet, ils feront régulièrement des dons au programme d'immersion en langue Piegan.

 

En 1971 sort son seul recueil de poésie "Riding the earthboy 40". Ces poèmes courts, expressifs, parlent des saisons, des animaux et des histoires racontées par les amérindiens des réserves.

 

Il tourne après son intention vers l'écriture romanesque et publie en 1974 son Couverture de "Winter in the blood"
premier roman " Winter in the blood" (L'hiver dans le sang) qui attire aussitôt l'attention des critiques.

 Walsh y présente un narrateur sans nom, qui, comme lui, à des racines Blackfeet et Gros Ventre. Il se présente comme le "serviteur de la mémoire des morts", poursuivi par le souvenir de son père mort de froid et de son frère disparu à 14 ans. Il mène une vie errante, balloté entre le amérindien et le monde euro-américain. 

 

En 2012, ce roman sera adapté au cinéma par  Alex et Andrew Smith, avec Chaske SpencerDavid Morse et Gary Farmer. L'écrivain Sherman Alexie, dont nous parlerons plus bas, aidera à produire ce film

 

Il reprendra ce thème dans son roman suivant " The death of Jim Loney" (La mort de Jim Loney) en 1979.

 

Avec "Fools Crow" (Comme des ombres sur la terre), sorti en 1986, Welch écrit un roman historique. Son personnage principal "White man's dog (qui obtiendra plusCouverture de "Fools Crow"
tard le nom de Fools Crow) est l'histoire d'un jeune Blackfeet et de son clan, les Lone Eaters ("Ceux qui mangent seuls", des Blackfeet  Piegans ou Pikunis) confrontés durant les années 1870 à l'irruption de la société euro-américaine qui menace leur mode de vie. Ils doivent faire un choix : se battre ou accepter l'assimilation. Welch y intègre des éléments parlant de sa propre famille.

L'histoire culmine avec le  massacre de la Marias le 23 janvier 1870, dans laquelle une unité de la cavalerie américaine commit l'exploit héroïque et historique de massacrer un groupe amical de Blackfeet ne comprenant principalement que des femmes et des enfants. 217 seront assassinés, les glorieux attaquants n'ayant qu'un mort et un blessé.

  

En 1992, il co-écrira avec Paul Stekler le documentaire PBS du documentaire " Last stand at Little Big Horn" qui gagnera un Emmy Awards dans la catégorie documentaire.

 

En 1993, il recevra un doctorat honoraire du Rocky Mountain College, et en 1997 de l'Université du Montana.

Auteur reconnu internationalement et traduit dans neuf langues, il sera fait Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en France en 1995.

 

Petit retour sur la première partie de ce dossier consacré aux auteurs amérindiens, Welch a fait parti du Comité Directorial du Centre D’Arcy McNickle à la Newberry Library de Chicago.

 

Welch est décédé le 4 août 2003 d'un cancer du poumon dans son Montana à Missoula.

 


 

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d) Simon J. Ortiz (1941-)

  Bien au sud du Montana, dans le Nouveau Mexique, se trouve un village Pueblo

Simon J. Ortizqui est la plus ancienne ville d'Amérique encore peuplée, Acoma. Cette localité a été en effet fondée au 12e siècle, alors que les Croisades avaient lieu au Moyen Orient !

 

C'est là que naquit le 27 mai 1941 Simon J. Oriz, écrivain et poète. Enfin, pas dans le vieux Pueblo même (ou Sky City), mais à "McCartys village" (ou "Deezeyaamah" en Keresan, hameau dépendant du Pueblo d'Acoma.

 

Ortiz est membre du Clan de l’Aigle. Durant son enfance, on ne parlait que le Keresan à la maison. Son père, un cheminot et un sculpteur sur bois, était l'un des anciens chargé de garder vivantes la religion traditionnelle et les anciennes coutumes du Pueblo.

 

Ortiz commença sa vie scolaire à l'école de McCartys, après quoi, comme beaucoup d'autres enfants amérindiens de 11 à 12 ans, il sera envoyé dans une " Indian Boarding School", Saint Catherine's Indian School à Santa Fe. Là, il recevra un enseignement basé sur la connaissance et la pratique de l'anglais. La mission de ses écoles était d'éradiquer la culture autochtone pour favoriser l'assimilation des enfants dans la culture euro-américaine. Il y était interdit de parler le Keresan, ou tout autre langue autochtone, sous peine de punitions pouvant aller jusqu'à des sévices physiques. Le jeune Ortiz, dès cette époque, commença à combattre en lui une dissonance culturelle entre sa part Amérindienne et l'enseignement reçu. Pour surmonter son sentiment de frustration, il se mit à écrire sur son quotidien et sur ses pensées dans son journal, composant des nouvelles. Dans le même temps, il devient un lecteur vorace et développe un amour du langage. Il lisait tout ce qui lui tombait sous les mains, y compris des dictionnaires, la découverte de nouveaux mots l'émerveillant à chaque fois.

 

Mais  son séjour à Saint Catherine lui déplaisait en raison de son éloignement de sa famille et de son peuple. A sa demande, il fut envoyé à l'Albuquerque Indian School où l'on pouvait apprendre la plomberie et la mécanique. Il y choisit d'étudier le travail du bois et celui du métal, mais son père, qui ne voulait pas que son fils devienne un travailleur manuel, ne tarda pas à s'opposer à ses projets. En vain!

 

Dès que Ortiz ressorti de Grants High School (Grants, Nouveau Mexique), il trouva Couverture de Fight Back
un emploi dans la mine d'uranium Kerr-McGee. Désirant devenir chimiste, il postula d'abord pour un poste technique ... et se retrouva devant un clavier de machine à écrire ! Retiré d'un poste mal fait pour lui, il sera rétrogradé en concasseur avant d'être promu opérateur semi-qualifié.

Son expérience dans la mine lui inspirera plus tard le livre "Fight back : for the sake of the People, for the sake of the Land" qui rend hommage aux luttes ouvrières et à la Grande Révolte Pueblo de 1680.

 

Grâce à ses économies, Ortiz parviendra à entrer au  Fort Lewis College (Durango, Colorado) pour y étudier la chimie avec l'aide financière du Bureau des Affaires Indiennes. Bien que toujours passionné par le langage et la littérature, Ortiz ne considérait toujours pas de poursuivre sérieusement l'écriture. Il considérait alors que la profession d'écrivain était une profession de "blancs" et qu'un Amérindien n'y aurait jamais sa place.

 

Ortiz passa ensuite trois années dans l'armée américaine et s'inscrivit à l'Université du Nouveau Mexique en 1966 pour y étudier la littérature anglaise et l'écriture créative. Il n'allait pas tarder à s'apercevoir que la majorité des auteurs importants de la littératures américaine étaient des euros-américains. S'intéressant du coup à la littérature "ethnique", Ortiz découvrit qu'alors que l'activisme Amérindiens avait repris de la vigueur, la création littéraire avait crû en parallèle.

Sa découverte du livre de Scott Momaday (voir plus haut) "House made of dawn" allait se montrer décisive.

La renaissance des cultures Amérindiennes et l'absence d'auteurs issus de minorités ethniques dans les études littéraires allait aussi marquer un virage dans l'écriture d'Ortiz qui allait basculer de l'expression de ses sentiments vers le manque d'écoute des voix amérindiennes. Et en cette année 1968, il obtient une bourse d'écriture à l'Université d'Iowa dans le cadre d'un programme sur les écrivains internationaux.

 

Son premier recueil de poésies, "Going for the rain" est publié en 1976. Il est très
Couverture de Going for the raininspiré par des histoires provenant de divers peuples Amérindiens des Etats Unis. En 1970, Ortiz avait sillonné les différents états pour y découvrir des histoires inédites provenant de peuples autochtones.

 

Ortiz a depuis abondamment publié des recueils de poésies, des nouvelles et des romans. Ortiz parle souvent de la lutte des habitants du Sud-Ouest des Etats-Unis contre la pression des sociétés des chemins de fer, la spéculation foncière et les mines d'uranium comme celle où il avait travaillé.

En 1976, Ortiz participa à l'étude indépendante menée par l'Evergreen State College sur l'état de santé des gens vivants à proximité des mines à ciel ouvert et des bassins de décantation.

 

Depuis 1968, Ortiz enseigne l'écriture créative et la littérature amérindienne en université, de la Californie à l'Ontario (Canada), mais le plus fréquemment à l'Université d'Arizona.

 

Ortiz deviendra en 1988 l'interprète officiel des Pueblos Acomas, après être devenu en 1982 l'éditeur consultatif des "Pueblo of Acoma Press".

Cela peut être vu comme une récompense de l'engagement d'Ortiz dans la préservation et le développement des histoires littéraires et orales des Acomas. Cet engagement explique bon nombre des thèmes et techniques composant son travail. Ortiz lui-même ne s'identifie pas comme un  poète, mais comme un conteur (Storyteller). Il fait remarquer à ce sujet que les récits sacrés associés à la religion traditionnelle Acoma lorsqu'ils sont récités à voix haute, ont une structure poétique.

 

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e)Joseph Bruchac (1942-)

Nous parlons dans cette page beaucoup des amérindiens de l'Ouest du Mississipi. Cependant, il y en a aussi à l'Est de ce fleuve. Beaucoup ont réussi àJoseph Bruchac
échapper aux déportations en se cachant, en collaborant, ou tout simplement parce que l'on considérait que cela coûterait trop cher de les déporter!

 

Le peuple de Joseph Bruchac, les Abenaquis, échappera à l'exil par sa position à cheval sur la frontière américano-canadienne et le fait qu'ils étaient apparemment alors (1830-1840) sur le chemin de l'extinction rapide. De 40000 au premier contact avec les européens, ils furent durement frappés par des épidémies de typhus, rougeole et variole au point de n'être guère plus de 1500 vers 1800. Alliés fidèles des français (même s'ils ne rechignaient pas à faire du commerce avec les anglais), ils furent chassés de leurs territoires les plus méridionaux et vivent aujourd'hui sur de petites réserves au Canada et aux Etats Unis (Québec, Maine, Vermont, New Hampshire, New York). Et ils sont à présent plus de 21000 (18000 environ au Québec, 3000 aux Etats-Unis).

 

C'est à Saratoga Springs, dans l'état de New York que naît le 16 octobre 1942 Joseph Bruchac. Comme beaucoup d'amérindiens de l'Est, dont les effectifs ont été longtemps plutôt réduits, Bruchac est métissé, mais revendique son héritage Abenaki, sans renier ses ascendances anglaises et slovaques. Il est membre de la Nulhegan Abenaki Nation, un groupe reconnu par l'état du Vermont, mais pas par l'état fédéral.

Certains contestent sur le net son ascendance amérindienne et son identité Abenaquis. N'ayant pas son ADN à ma disposition, je me contente de voir qu'il y a un consensus presque unanime en sa faveur.

 

Après des études universitaires en littérature anglaise aboutissant à un doctorat en littérature comparée il devint un auteur très prolifique. Il en en fait publié pas moins de 120 livres entre 1971 et 2020, dont huit en collaboration avec son fils  Jim. Il a aussi édité un grand nombre d'anthologies de poésie contemporaine et de fictions.

 

Principalement centré sur les vies et le folklore des Amérindiens du Nord-Est et des euro-américains de la même zone géographique, ses créations comprennent les deux suites romanesques "Dawn Land" (1993) et "Long River" (1995) qui relatent les aventures d'un jeune Abenaqui peu avant l'arrivée des colons.

 

Son roman "March toward the thunder" parle des amérindiens qui combattirent lors de la Guerre de Sécession. Il est largement basé sur les mémoires de son arrière grand-père, Louis Bowman, volontaire dans les rangs de l'armée de l'Union (Nordistes). Il aussi écrit "Code talker : a book about the Navajo Marines".

  

Membre fondateur du " Wordcraft circle of Native American Writers and Storytellers", il a aidé de nombreux auteurs amérindiens ou s'identifiant comme tels à faire publier leurs créations.

 

Co-auteur avec Michael J. Caduto de la série " Keepers of the Earth" qui propose
Couverture de Keepers of the Earthdes histoires amérindiennes et des activités écologiques aux enfants, Bruchac a aussi abondamment publié des des revues telles que "Akwesame Notes", "The American poetry revue" ou le "National Geographic Magazine".

 

Bruchac vit a à Porter Corners, un hameau dépendant de la ville de  Greenfield (New York). En plus d'écrire, il est aussi un conteur et un musicien multi-instrumentaliste, notamment avec le tambourin, la flûte amérindienne et la double flûte en bois qui permet de produire deux notes à la fois. Il joue dans une formation, "The Dawnland singers" avec sa soeur Marge (Bruchac, pas Simpson) et ses deux fils Jim and Jesse.

 

Très investi dans l'humanitaire et le social, Bruchac s'est porté volontaire pour enseigner quatre ans au Ghana, puis, pendant huit ans, il a dirigé un programme d'enseignement dépendant du Skidmore College à l'intérieur d'une prison de haute sécurité. Avec son épouse, aujourd'hui décédé, Carol Bruchac, il a fondé la "Greenfield Review Literary Center" et la "Greenfield Review Press".

 

Dans son jeune temps, Bruchac était un lutteur universitaire poids lourd à l'Université Cornell. Pendant plus de trente ans, il a été aussi un pratiquant assidu de divers arts martiaux : T'ai Chi, Capoiera, Kung Fu Wushu et Jiu-Jitsu brésilien.

 

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 f) Linda Hogan (1947-)

Cette poétesse, conteuse, universitaire, dramaturge, romancière et militante écologiste est membre de la nation Chickasaw.

Linda Hogan Linda Hogan, naît le 16 juillet 1947 à  Denver (Colorado). Son père, Charles Henderson, venait d'une importante famille Chickasaw. Celle-ci comprenait dans ses rangs plusieurs conteurs qui contribueront à façonner l'écriture de Linda Hogan. Sa mère Cleona Bower Henderson est d'ascendance euro-américaine.

Son oncle maternel, Wesley Henderson, aida dans les années 1950 à ouvrir le White Buffalo Council à Denver pour venir en aide aux Amérindiens de tous peuples attirés en ville par la promesse (fallacieuse) d'avoir de meilleures opportunités d'emploi et de meilleurs logements, conséquence du " Relocation Act" de 1956. Il a eu sur elle une forte influence.

Linda Hogan passera son enfance avec sa famille Chickasaw en Oklahoma et dans la communauté amérindienne de Denver. Son père étant dans l'armée des Etats Unis, elle ira aussi beaucoup à l'étranger, notamment en Allemagne où sa famille passera trois ans.

 

En 1978, elle obtient une maîtrise à l' Université du Colorado de Boulder. Elle part alors un temps au  Maryland avec son mari pour revenir continuer ses études à Boulder.

Elle prend son premier poste d'enseignante au  Colorado College en 1980, avant de partir à Minneapolis à l' Université du Minnesota enseigner sur les études amérindiennes et américaines.

 

Linda Hogan est surtout connu dans les milieux universitaires pour ses travaux sur la littérature et la poésie écologique.  Elle a été conférencière au Forum des Nations Unies et aussi à la conférence sur la littérature environnementale en Turquie (2009).

 

Hogan a été aussi pendant six ans autrice en résidence pour la nation Chickasaw et à tenu un poste de professeure à l ’Indian Arts Institute de Santa Fe (Nouveau Mexique).

 

C'est après avoir travaillé avec des enfants handicapés à  Boulder (Colorado) qu'Hogan commença à écrire. Durant ses pauses déjeuners, elle lisait des livres de KennethCouverture de Calling myself home
Rexroth, ce qui l'encouragea à "sauter le pas" et à commencer à tenir un journal personnel. Elle s'investit ensuite dans l'écriture d'essais et de fictions.

Elle commença par écrire de la poésie et fit éditer son premier recueil "Calling myself home" en 1978, avec des poèmes centrés sur des thématiques historiques et politiques. Cela la fait  alors considérer comme une activiste littéraire amérindienne. Elle-même explique la présence de la politique dans ses textes parce qu'une vision mondialiste ne peut être dissociée de la politique.

Elle a ensuite publiée deux autres ouvrages "The book of medicines" en 1993 et "Rounding the human corner" en 2008, ainsi qu'un recueil de poésie contenant des poèmes écrits entre 1978 et 2014.

 

Elle porte un intérêt particulier aux recherches historiques et à la création narrative, ainsi, dans son long poème " Indios", qui date de 2012, elle mélange les mythes grecs antiques à la mythologie pour mettre en valeur les luttes universelles de la maternité.

 

Dans son second roman, "Power" (1998), Linda Hogan tire son inspiration du procès Couverture de Power
"United States versus Billie" datant de 1987, qui remettait en cause la souveraineté politique et religieuse des amérindiens. Elle met en scène deux façons différentes de concevoir le pouvoir entre la société occidentale et la tradition amérindienne.

 

Pour elle, dans la société occidentale, l'identité des détenteurs du pouvoir est déterminée par le rang social, l'âge ou la richesse qui dominent les plus jeunes ou ceux d'un rang inférieur. Le pouvoir y est essentiellement matériel.

 

Ceci, dit Hogan, est en contraste avec les sociétés indigènes et elle présente alors le personnage d'Oni (le Vent). Dans le roman, le lecteur apprend qu'Oni donne la vie à toute chose. Toutes ayant la même puissance, elle forment un ensemble unique, car toutes procèdent d'Oni.

 

Elle utilise ce point de vue pour illustrer son héritage Chickasaw et se croyance dans la nature. Elle s'efforce de démontrer que l'équilibre entre pouvoir féminin et masculin a était perturbé par l'arrivée des premiers colonisateurs européens.

 

Pour en revenir au roman lui-même, le personnage principal, Omishto, est aussi la narratrice, membre d'un peuple fictif de la taïga. Au début de l'historie, Omishto est une jeune fille de seize ans qui grandit dans un monde qui s'occidentalise de plus en plus. Elle lutte pour défendre son identité et son peuple, personnifié par sa tante Ama, contre le mode de vie euro-américain, exposé à travers ses parents et sa soeur.

La dégradation du respect envers le peuple de la taïga et ses usages est exposée. Ama elle-même trahit les valeurs de sa tribu en tuant une panthère, son esprit-animal et l'ancêtre de son peuple. Pour Omishto, tout espoir semble alors perdu.

A travers ce fait, Hogan expose  l'idée que personne n'est totalement "indigène" ou occidentalisé et que les deux ne s'excluent pas mutuellement.

 

Ama est alors jugé pour son acte par le conseil tribal, puis par une cour de justice, ce qui est l'occasion pour Hogan de montrer deux façons différentes d'essayer de parvenir à la justice. Elle donne aussi au lecteur la possibilité d'appréhender le système judiciaire américain et de s'interroger sur ses propres valeurs et ce qui est pour lui la "justice".

Chacun de des systèmes évalue la gravité de sa faute selon leurs propres échelles de valeur et leurs verdicts respectifs varient considérablement.

 

En tant qu'autrice de romans et d'essais, elle accorde une large place au monde amérindien du sud-est des Etats Unis et à l'environnement du point de vue de sa propre expérience.

 

Hogan est en effet une protectrice convaincue de l'environnement et de la biodiversité. pendant 8 ans, elle a travaillé comme bénévole dans centre de réhabilitation de la faune sauvage. Deux de ces années se sont déroulées dans une école vétérinaire et six autres au "Birds of Prey Rehabilitation Center" du Colorado. Elle a arrêté cette activité car le travail était très physique et elle s'épuisait. 

Elle n'a toutefois jamais cessé d'apporter son appui à la cause animale en parlant de celle-ci et en écrivant sur le sujet.

Linda Hogan se préoccupe beaucoup du sort des générations futures, de ses enfants et de ses petits enfants. Elle a aussi la conviction qu'il est important de maintenir les traditions et la langue  Chickasaw (moins de 50 locuteurs en 2019)

 

 Hogan a aussi travaillé pour le "National Geographic" en collaborant avec Brenda Peterson sur l'écriture du livre "Sightings, the mysterious journey of the gray whales".

Elle a aussi rédigé le script du documentaire "Everything has a spirit" sur le thème de la liberté religieuse des amérindiens.

 

Linda Hogan est retournée vivre sur les terres des Chickasaw en Oklahoma, à Tishomingo. Epouse de Pat Hogan, elle a deux filles, Sandra Dawn Protector et
Tanya Thunder Horse.

Tout ce qu'elle entreprend est dédié à ses enfants et petits enfants.

 

Elle aide aussi les apprentis écrivains en donnant des cours de technique d'écriture, y compris particuliers.

 

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h)Leslie Marmon Silko (1948-)

Laguna Pueblo, Leslie Marmon Silko est née à  Albuquerque (Nouveau Mexique) de Leslie Marion Silko
Leland Howard Marmon, un photographe renommée et de Mary Virginia Leslie, une enseignante. Elle grandit sur la " Laguna Pueblo Indian Reservation". Elle était à la marge de la société Laguna. Sa maison était en effet située à la limite de la réserve et il ne lui était pas permis de se joindre aux cérémonies traditionnelles ou de rejoindre l'une des sociétés religieuses des Lagunas, étant "métisse". Ses parents, en effet, avaient du "sang" Cherokee, mexicain et pire, euro-américain dans les veines ...

 

Mais, comme ses parents travaillaient et ne pouvaient s'occuper d'elle, Leslie Silko fut gardée par sa grand-mère Lillie "A'mooh" Stagner, et son arrière grand-mère, Helen Romero. Le hasard faisant bien les choses, toutes deux étaient des conteuses traditionnelles Laguna. Elle apprit d'elles bien des histoires traditionnelles, ainsi que de sa tante Susie et de son grand-père Hank. Du coup, elle s'identifiera toujours comme une Laguna, disant lors d'un interview : "Je suis d'ascendance métisse, mais je tout ce que je connais est Laguna".

 

Silko commencera ses études à l'école de la réserve, gérée par le Bureau of Indian Affairs et les poursuivit à l' Albuquerque Indian School (une école privée), ce qui obligeait son père à faire plus de 100 kilomètres journellement pour lui éviter l'usine de désindianisation qu'était la boarding indian school.

En 1969, elle obtient un diplôme en littérature anglaise à l' Université du Nouveau Mexique. Elle entame ensuite un cursus de droit à l'Université de droit du Nouveau Mexique, mais ne tarde pas à se décider à devenir écrivaine à temps plein et abandonne ses études.

 

Elle commence avec une nouvelle qui attire sur elle l'attention des critiques "The man to send rain clouds" et poursuit avec d'autres nouvelles et poèmes qui seront inclus en 1974 dans le recueil "Laguna woman", mais c'est le roman " Ceremony" (1977) qui lui apportera son premier véritable succès.

 

Ce récit raconte l'histoire de Tayo, un blessé revenant de la Seconde Guerre Mondiale après un court séjour à l'hôpital à Los Angeles. Il revient chez lui àCouverture de "Cérémonie"
Laguna Pueblo, mais demeure marqué par les traumatismes subis durant la guerre, dont la mort de son cousin Rocky lors de la " Marche de la mort" de Bataan en 1942. Pour y échapper, il sombre dans la boisson, mais sa grand-mère et un guérisseur l'aident à travers des cérémonies traditionnelles à retrouver son équilibre et sa place dans le monde.

 

Le roman a été appelé par les critiques "une fiction du Graal" où le personnage principal doit surmonter une série d'épreuves pour atteindre un but précis.

Ce point de vue a été lui-même critiqué comme "eurocentré" car son contexte et amérindien et ne doit rien aux mythologies occidentales, la technique d'écriture de Silko étant quant à elle fort proche de la narration orale traditionnelle.

La poétesse Pueblo  Paula Gunn Allen (une proche parente de Silko) a quant à elle reproché à Silko d'avoir révélé au monde extérieur des traditions religieuses dont la connaissance est réservée aux seuls Lagunas.

 

Le roman a eu un impact particulier sur les vétérans de la guerre du Vietnam qui en ont repris le thème de la guérison des traumatismes psychologiques et de la réconciliation entre les peuples et individus.

"Ceremony" figure en bonne place dans les programmes des lycées et universités américaines.

 

Quatre ans plus tard est publié " Storyteller", un recueil combinant poésies, nouvelles, contes traditionnels et éléments autobiographiques, avec un succès égal à "Ceremony"

 

1986 voit paraître sous le titre "Delicacy and strength of lace" la correspondance entre Silko et son ami  James Wright dont elle fit la connaissance après la parution de "Ceremony". Wright étant mort en 1980, c'est la veuve de ce dernier qui éditera le livre.

 

Après dix ans de travail, elle sort son second roman "Almanac of the dead" en 1991. Tout comme dans "Ceremony", le roman se concentre sur le conflit entre Amérindiens et euro-américains. Le cadre du roman s'étend sur l'Amérique du Nord et Centrale avec les révolutionnaires de l' Armée Zapatiste de Libération Nationale du Chiapas, au sud de Mexique et englobe toute une galaxie de personnages.

L'accueil des critiques et du public a été mitigé, certains critiquant le fait que Silko ait représenté dans son roman des personnages masculins homosexuels ou bisexuels qui sont de façons différentes abusifs et cruels.

 

Deux ans après, elle sort en édition limitée et en auto-impression "Sacred Water". Chaque copie est tapée par Silko elle-même sur sa machine à écrire en combinant textes et photographies prises par l'auteure. L'ouvrage est un recueil de poésie, de prose et de mythologie Pueblo mettant l'accent sur l'importance de l'eau dans la vie. Elle fera imprimer en série limitée "Sacred Water"  pour le rendre accessibles aux étudiants et universitaires.

 

En 1997 paraît " Yellow woman and a beauty of the Spirit : essays on Native Life Couverture de "Yellow Woman"
Today". Il s'agit d'un recueil d'histoires traitant de différents sujets. 

On y trouve un essai autobiographique sur son enfance à Laguna Pueblo et le racisme qu'elle a subie étant métisse; des critiques envers la politique d'immigration du  Président Clinton, un texte sur la perte des codex Aztèques et Mayas, ainsi que des commentaires sur la philosophie Pueblo.

La nouvelle "Yellow Woman" se rattache à la mythologie Pueblo en racontant le mythe d'une femme mariée et mère de famille qui est kidnappée par un autre homme et devient amoureuse de son ravisseur.

 

Tous ces récits englobent les techniques traditionnelles de narration, les discussions sur le pouvoir des mots pour les Pueblos, des souvenirs rattachés à des photographies, des récits effrayants sur la police frontalière, des explications sur les  Codex Mayas et des commentaires sur la relation du gouvernement fédéral avec les nations indiennes, et notamment les Pueblos.

 

La même année, elle fait paraître sur le même mode opératoire que "Sacred Water", le court volume intitulé "Rain", combinaison de courts textes en prose et de poésie incrusté de photographies personnelles, le tout centré sur l'importance de la pluie pour la survie physique et spirituelle dans le sud-ouest américain.

 

Elle termine son 20e siècle avec le roman " Gardens in the dunes" en 1999. Elle y Couverture de "Gardens in the dunes"
raconte l'histoire d'Indigo, une jeune fille membre d'un peuple fictif de l'Arizona, le "Sand Lizard People".

Devenue "dame de compagnie" d'Hattie, une euro-américaine très riche, elle la suit dans l'Arizona et dans ses voyages européens.

 

Le roman, dont l'action se situe à la fin du 19e siècle, se situe dans le contexte de l'instauration des " Indian Boarding School", des ruées vers l'or et de l'apparition du mouvement de la " Danse des Esprits".

Il mêle des thèmes très divers : féminisme, esclavage, botanique et conquête de l'Ouest.

 

Ce n'est pas avant 2010 qu'elle fera paraître un nouvel ouvrage : "The turquoise ledge : a memoir". Ce livre, dont le style d'écriture est fortement influencée par la tradition orale amérindienne. Elle y explore ses racines, le monde naturel et sacré, l'écologie dans le cadre du sud-ouest des Etats Unis. Même si la façon dont le livre est fait évoque une fiction, il s'agit en réalité d'un essai documentaire.

 

En plus des écrits précédents, Silko a écrit un nombre important d'essais sur la politique envers les Amérindiens et la littérature. Parfois, avec une plume acérée !

 

Ainsi, en 1978, elle s'en prend dans "An old fashioned Indian Attack in two parts" à l'écrivain anarchiste  Gary Snyder qu'elle accuse de tirer un profit illicite avec sa collection "Turtle Island", dont le nom a été "emprunté" à la mythologie Pueblo.

 

Huit ans plus tard, c'est Louise Erdrich (voir plus haut) et son roman "The beet queen" qui lui servent de cible. Elle lui reproche d'avoir abandonné une écriture portant sur la lutte des Amérindiens pour leur autodétermination au profit d'une écriture post-moderne autoréférencielle.

 

Durant toute sa carrière d'écrivaine et d'enseignante, Silko est restée attachée à la culture Laguna Pueblo, alimentant un courant favorable à la préservation des traditions culturelles et à la connaissance de l'histoire Pueblo.

Elle se distingue aussi par un activisme féministe, antiraciste et la volonté de s'opposer à la domination culturelle euro-américaine. Les personnages de ses romans tentent de revenir aux traditions amérindiennes dans une Amérique moderne gangrenée par la violence, thème récurrent dans la région qui est marqué par la recherche difficile d'un équilibre entre les mondes amérindiens,  chicanos et euro-américains.

 

A travers ses textes, elle tente d'ouvrir la tradition littéraire américaine aux traditions, priorités et idées des civilisations amérindiennes..

En 1995, lors d'une interview en Allemagne, elle insistera sur le fait que ses écrits ne sont que la continuation d'une tradition orale du peuple Laguna. Qu'ils ne sont pas des réinterprétations d'anciennes légendes, mais portent les mêmes messages que celles ci.

Ainsi, concernant la perception de l'écoulement du temps chez les Laguna Pueblo, elle dira : "Le peuple Pueblo et les peuples autochtones des Amériques voient le temps comme rond et non comme une longue chaîne linéaire. Si le temps est rond, si le temps est un océan, alors quelque chose qui s'est passé il y a 500 ans peut être tout à fait immédiat et réel, alors que quelque chose sans conséquence qui s'est produit il y a une heure pourrait être loin".

 

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 i) Wendy Rose (1948-)

 Les  Miwoks sont un peuple amérindien de Californie bien ignorés des "Westerns". Ils n'ont jamais formé un peuple unique sous l'autorité d'un chef suprême et avaientDanseurs Miwoks (Côte Pacifique) en 2018
appris à tirer le meilleur parti de leur environnement, se répartissant en trois groupes : ceux des bords de l'océan Pacifique, ceux des rives du lac Miwok et enfin ceux vivant sur les terres arides du flanc est de la Sierra Nevada et dans les plaines californiennes.

A leur premier contact avec des européens, les Miwoks étaient plus de 10.000. Par la "grâce" des épidémies, des massacres et des suicides, ils n'étaient plus qu'à peine 500 en 1930. Aujourd'hui, leur nombre dépasse les 3500.

 

C'est à Oakland que naît Bronwen Elizabeth Edwards, alias Chiron Khanshendel, Wendy Rose
alias Wendy Rose, le 8 mai 1948. D'ascendance  Hopi et Miwok, elle passa son enfance à San Francisco dans un environnement urbain, loin des réserves ou rancherias des Miwoks. Elle n'avait que peu de contacts avec d'autres amérindiens et était largement coupée de ses racines.

 

Bien que son père était un "full-blood" Hopi, Wendy Rose n'était pas reconnue par ce peuple en raison de l'héritage Miwok de sa mère. Cette dernière d'ailleurs, métisse Miwok euro-américaine rejetait son héritage et se réclamait d'ascendance Ecossaise, Anglosaxonne et Allemande.

 

A sa majorité, elle abandonna abruptement ses études et partit à San Francisco pour rejoindre l'AIM qui était alors en train d'occuper l'ancien pénitencier d' Alcatraz (photo ci-contre).Militants de l'AIM à Alcatraz, 1969

C'est pendant cette période que Wendy Rose redécouvrira son héritage Miwok et Hopi et s'interrogera sur la place de celle-ci dans le monde du 20e siècle, ce qui l'amènera à s'intéresser à l'anthropologie et aux sciences sociales.

 

Elle s'inscrit alors en faculté et rentre en 1974 à l'Université de Californie-Berkeley. En 1976, elle se marie avec Arthur Murata et obtient un diplôme en anthropologie, puis un master en 1978 et commence un doctorat qu'elle obtiendra.

Durant cette période, elle publiera cinq recueils de poésies.

 

Anthropologue, artiste peintre, historienne, illustratrice, poétesse, Wendy Rose est aussi une chercheuse en sciences sociales et anthropologie, une bibliographe, une conférencière, une conseillère, une consultante, une éditrice et une enseignante.

Elle enseigne en effet dans les universités de Californie sur les "études ethniques", notamment sur le sujet des Amérindiens depuis 1979.

Actuellement à l' Université de Fresno depuis 1984, elle y dirige le programme des "American Indian Studies" et édite le " American Indian Quarterly". Pour autant, elle ne se considère elle-même comme une anthropologue.

 

Elle a joué le rôle d'une conseillère pour "l' Association of Non-Federally Recognized California Tribes" (Association des tribus de Californie non reconnues par le gouvernement fédéral). Celle-ci comprend un grand nombre de communautés amérindiennes allant de l' Amah Mutsun Band of Ohlone/Costanoan Indians aux  Winnemen Wintu photo ci-dessous) qui furent effacés "par erreur" Danse des Winnemem Wintu en 2023
de la liste des tribus reconnues par le gouvernement fédéral dans les années 1980 ! Il n'y a pas qu'en France que la bureaucratie fait des ravages !

 

En effet, une communauté amérindienne pour bénéficier des aides fédérales et de la protection des traités doit parcourir un long parcours d'obstacles semés d'embuches!

 

Il lui faut d'abord être reconnue comme telle au niveau de l'état (cas des " Beaver Creek Indians" de Caroline du Sud) en fournissant un dossier montrant tout à la fois leur rattachement à un peuple autochtone (pour notre cas, les Pedee), la continuité de leur présence, leur mention comme "indian", "metis" ou "coloured" sur les recensements, des informations généalogiques, des traités ou contrats, etc...).

Les demandes peuvent traîner des années, voire des décennies !

 

Et être reconnu par le gouvernement fédéral est encore plus difficile !!! Sans compter l'opposition éventuelle d'autres communautés amérindiennes prompte à dénoncer d'éventuels imposteurs (il y en a eu) qui cherchent à escroquer le gouvernement fédéral ou celui des états ! 

Ainsi à la fin du 19e siècle, les  Lumbees de Caroline du Nord devront attendre une quinzaine d'années avant d'être reconnu par cet état (le statut d'amérindien les faisait échapper à la ségrégation raciale). Mais ils devront attendre 2021 pour être reconnu au niveau fédéral !

 

Dans les thèmes majeurs figurant dans la poésie de Wendy Rose on retrouve bien sûr son expérience d'amérindienne (y compris personnelle), ainsi que celles d'autres cultures marginales. L'arrogance des euro-américains, le colonialisme, la dénonciation des conditions actuelles de vie, les dépendances, le désespoir, le féminisme, l'impérialisme, l'injustice, la nostalgie, le refus de tout compromis, le respect des anciens, le sort des amérindiens des réserves et des villes, les tourments du métissage et l'attachement à la terre.

 

Wendy Rose est aussi une militante qui combat l' appropriation culturelle fait par certains poètes euro-américains qui pratiquent le "chamanisme blanc".Couverture de "Bone dance"

Ce terme créé par le critique Cherokee  Geary Hobson désigne les poètes non amérindiens qui assument dans leur poèmes la personnalité d'un guérisseur amérindien. Tant Hobson que Rose y voient une manifestation d'impérialisme culturel consistant à s'emparer et à transformer à son profit la culture des autres.

Rose s'oppose à l'idée que quelqu'un de non amérindien puisse prétendre être un porte-parole de l'expérience amérindienne simplement en lisant et en entendant parler des cultures amérindiennes. Wendy Rose dit : "Le problème avec les "whiteshaman" est un problème d'intégrité et d'intention, pas de sujet de style, d'intérêt ou d'expérimentation".

Pour elle, le fait que des gens d'autres cultures et origines écrivent des histoires sur les amérindiens n'est pas un problème tant qu'elles sont écrites de leur point de vue et non d'un personnage factice de "shaman blanc".

 

Ce "whiteshaman" est d'autant plus mal perçu par Wendy Rose que celle-ci lutte pour trouver sa place  au sein de sa lignée et de ses cultures. Pour elle, le "shaman blanc" est un voleur de culture et ce thème est important dans sa poésie comme en témoigne l'introduction de son anthologie " Bone Dance".

D'une façon plus générale, les amérindiens voient le "whiteshaman" avec humour et même mépris.

 

Ainsi, dans son poème "For the white poets who would be Indian", elle évoque le "Whiteshaman" pour dire qu'il n'est pas possible de comprendre quelque chose dont on ne fait pas partie. Utilisant le sarcasme et l'ironie, elle se moque de ceux qui pensent qu'il suffit de porter des mocassins et de marcher quelques temps avec pour comprendre ce qu'est être indien, exposant l'hypocrisie du "Shaman blanc".

 

Dans un autre poème, "I expected my skin and my blood to ripen", Rose fusionne ses tourments intérieurs et la violence du monde.

Le poème commence par les fosses communes de  Wounded Knee recevant les corps Mise en fosse commune des victimes du massacre de Wounded Knee
des victimes du massacres (photo ci-contre) pendant que les objets qu'ils portaient sur eux soit vendus comme oeuvres d'art, montrant que la vie humaine vaut moins que l'argent.

Wendy Rose s'y dépeint sous l'image d'un fruit tombé, plein de jus, de pulpe et de chair qui est pelé, goûté et jeté comme les morts de Wounded Knee dans leur fosse.

Il contient aussi l'image d'une mère mangeant son bébé pour le sauver du monde, "parce qu'il n'y a pas assez de magie" pour arrêter les balles, la foi et les traditions ne pouvant rien contre l'oppression.

 

Dans "Notes on a conspiracy", tout est centré autour de la colonisation euro-américaine à partir de l'exhumation de 40 crânes.

Elle ouvre son poème par l'image du "rêve de l'antilope" et ses "yeux ouverts pour les grandes visions anciennes/du cougar et de l'ours, mais avec un serpent à sonnette/alors que je passe et écoute sa chanson". Cette image de rêve est renforcée par son lien avec les animaux, faisant référence aux images de la culture amérindienne traditionnelle.

Avant de se lancer dans une dénonciation du colonialisme et du " Manifest Destiny", elle établit un lien entre les colonisateurs d'autrefois et l'Amérique euro-américaine contemporaine en dénonçant la commercialisation des crânes d'indiens morts. Elle se moque des colons qui pensaient avoir droit à la terre parce qu'ils avaient traversé la mer et qui ne parlaient que de celles-ci et d'argent, alors que pour les indiens, ils auraient dû venir avec des cadeaux !

Elle se questionne ensuite : où sont les danses, où sont les forces d'autrefois, pourquoi il semble que la dernière chanson qui reste soit dans sa poésie ?

Elle parle ensuite de l'attitude euro-américaine qui consister à rejeter sur les indiens la responsabilité de ce qui leur est arrivée : "Ils nous reprochent leur culpabilité. Ils disent que nous sommes quelques privilégiés. Ils disent que nous jouons trop". Wendy Rose dit aussi que les colonisateurs affirment qu'ils ont donné des terres aux indiens, alors que celles ci étaient en premier lieu les leurs. Elle dénonce l'attitude qui consiste à dépeindre les indiens comme des privilégiés alors qu'ils sont constamment préjugés sur l'alcool et le jeu.

Elle termine son poème par l'image d'un archéologue retirant une balle du crâne d'une petite fille, concluant sur le fait que les découvertes archéologiques ne sont pas de l'histoire ancienne, mais ont toujours un impact direct sur ces personnes et leurs descendants.

 

Avec "Truganinny", Wendy Rose montre qu'elle peut dépasser l'expérience amérindienne en l'étendant à la lutte identitaire d'autres "métis" ou peuples. ElleTruganinny
raconte dans son poème l'histoire de  Truganinny (1812-1876), longtemps considérée comme la dernière des  Aborigènes Tasmaniens (photo ci-contre). Celle-ci avait vu son mari être assassiné, empaillé, monté et exposé dans un musée. Avant de mourir, elle exprima le désir d'échapper à ce sort. Bien évidemment, on en fit rien, et pour des "motifs scientifiques". Elle sera exhumé en 1904 et son squelette sera présenté dans une vitrine du " Tasmanian Museum" jusqu'en 1947.

Le poème permet au lecteur ou à l'auditeur de vivre son dernier souhait alors qu'elle nous supplie de nous approcher et d'écouter ce qu'elle a à dire, tout en sachant que sa volonté ne sera pas respectée.

 

Dans sa poésie, Wendy Rose utilise surtout des vers libres, des traces des chants et des traditions orales transparaissent dans son style lyrique.

Elle les commence souvent en utilisant un fait, un personnage historique ou une découverte archéologique.

Wendy Rose utilise volontairement un langage assez simple, mais cette simplicité lui permet d'exprimer dans ses écrits une palette plus large d'émotions qu'avec une écriture sophistiquée. Comme elle le dit elle-même : "Je crois que la poésie inaccessible ne marche pas. Si l'auditeur doit suivre un cours particulier sur la façon de l'apprécier, alors le poème a échoué."

 

L'une des grandes voix de la Renaissance Indienne, Wendy Rose se considère comme une gardienne d'histoires relatant les souffrances des personnes déplacées ou biraciales à travers le monde, en plus de parler d'écologie et de féminisme.

Profondément ancré dans l'ethnographie et la mythologie amérindienne, son travail détaille aussi sa recherche d'identité tribale et personnelle. Une grande partie de ses créations examine les expériences de métis amérindiens aussi éloignés des communautés indigènes que du monde euro-américain. Elle a d'ailleurs indiqué un jour : "Tout ce que j'écris est fondamentalement autobiographique, quelque soit le style ou le sujet".

 

Les ossements sont souvent évoqués dans ses poèmes en raison de ses liens avec l'anthropologie. Ils tissent un lien avec le sens de soi des Amérindiens. Dans sa poésie, elle redonne vie aux fantômes des indiens morts et leur permet d'accéder à une nouvelle vie.

 

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 j) Joy Harjo (1951-)

Native de Tulsa en Oklahoma, Joy Harjo est née le 9 mai 1951. Son père, Allen W. Foster, était membre de la nation Muskogee (Creek) d'Oklahoma. Sa mère,Joy Harjo
Wynema Baker Foster était une métisse  Cherokee de l' Arkansas. Par son père, Harjo est une Muskogee.

 

Très tôt, elle devra se confronter à son père, qui tentait de se dégager de son alcoolisme ainsi qu'à un beau-père violent.

 

Pour elle, l'art, la création seront les moyens de s'évader d'un quotidien pesant.

 

A 16 ans, expulsée de chez elle par son beau-père, Harjo étudia à l' Institute of American Arts de Santa Fe (Nouveau Mexique), qui à l'époque était une " Indian Boarding School". Elle finançait ses études en servant de "femme à tout faire" dans cet établissement.. Harjo aimait alors particulièrement peindre, y trouvant un moyen d'expression personnelle. Elle prenait alors comme source d'inspiration les créations de son arrière grand-tante, Lois Harjo Ball, qui était  une artiste peintre de renom.

 

Elle s'inscrivit ensuite à l'Université du Nouveau Mexique à Albuquerque et suivit des cours préparatoire à l'apprentissage de la médecine. Après un an, elle changera sa "majeure" en art, quittant la peinture pour l'écriture créative où elle s'inspirera de plusieurs écrivains amérindiens. C'est alors qu'elle fera la rencontre d'un autre étudiant, Phil Wilmon. Tout deux auront un fils, Phil, en 1968.

 

Ils se sépareront en 1972, Harjo ayant rencontré le poète Simon Ortiz (voir plus haut), du Pueblo d' Acoma. Cette union verra la naissance d'une fille en 1973, Rainy. A noter que Harjo élèvera seule ses deux enfants.

 

Dès 1975 paraît "The last song", son premier recueil de poésie, début d'une longue 
Couverture de Weaving sundownsérie puisque elle a depuis écrit dix autres recueils, dont le dernier en date (2022) " Weaving sundown in a scarlet light : 50 poems for 50 years".

Citons entre autres " In mad world and war" (1990); " Conflict resolution for Holy Beings" (2015);  " An american sunrise" (2019)

 

En 1976, elle obtient son diplôme et suit des cours de cinéma au "Anthropology Film Center" de Santa Fe. Elle part ensuite faire sa maîtrise en écriture créative à l' Université de l’Iowa et la quitte en 1978 avec sa maîtrise en poche.

 

Harjo devient alors enseignante à l' Institute Indian Arts en 1978-1979. . Elle aura d'ailleurs la bougeotte, puisqu'on la retrouve à l'Arizona State University de 1980 à 1981, de nouveau à l'Institute Indian Arts de 1983 à 1984, puis à celle du Colorado de 1985 à 1988. Elle revient en Arizona de 1988 à 1990, passe à celle du Nouveau Mexique de 1991 à 1997, gagne l'University of California - Los Angeles, etc ... etc ... ! Bref, elle sillonne les Etats Unis du Nord au Sud, de l'Ouest à l'Est en passant par le centre.

A noter qu'alors qu'elle enseignait à l'Université du Nouveau Mexique, elle aura parmi ses étudiantes Deb Haaland, future membre du Congrès et Secrétaire de l'Intérieur.

 

Puisque l'on parle enseignement, parlons enfants. En effet, Joy Harjo est aussi autrice de livres pour enfants et à été récompensé à trois reprises pour les albumsCouverture de "For a girl becoming"
"The good luck cat"; " For a girl becoming" et "Remember"

 

En 1989 elle rédige pour le photographe et astronome Stephen Storm les textes du livre "Secret from the center of the world".

 

Autrice de théâtre pour ses propres "one-woman show", Joy Harjo créé en 2009 le spectacle "Wings of night sky, Wings of morning light" qui sera plus tard publié en livre.

 

A l'âge de quarante ans, Harjo découvre le saxophone. Elle pense alors qu'elle peut jouer des intermèdes musicaux lorsqu'elle lit sa poésie pour trouver un autre moyen pour toucher le coeur de ses auditeurs. Quand elle lit ses poèmes, elle parle avec une tonalité musicale dans sa voix, transformant chacune de ses poésies en chanson.

 

Elle ne s'est pas arrêté là. Depuis 1998, elle a sorti sept albums.

Couverture de l'album "Winding through the Milky Way"Pour le premier, " Native Joy for real", elle recevra de nombreuses récompenses, . En 2003, " Letter from the end of the Twentieth Century" est un album de "slam" qui recevra un Native American Music Award (Nammy) pour la meilleure artiste féminine de l'année. Son dernier album en date est " Winding through the Milky Way : I pray for my eyes"

 

Elle joue souvent de son saxophone en solo, mais aussi de différents types de flûtes. Harjo joue parfois au sein d'une formation musicale plus ou moins improvisée qu'elle appelle le "Arrow Dynamics Band". Elle a joué sur différentes scènes du monde, de l'Europe à l'Amérique du Sud et de l'Inde à l'Afrique.

 

En 2012, elle rédige ses mémoires sous le titre "Crazy Brave : le chant de mes combats", mémoires qui seront complétées en 2021 avec " Poet Warrior". Tous deuxCouverture de "Poet Warrior"
recevront un accueil chaleureux du public et des critiques.

 

Couverte de récompenses, Harjo sera nommée en 2019 poétesse officielle des Etats Unis. Elle sera la toute première amérindienne à recevoir cet honneur, aucun autre amérindien ne l'ayant été avant elle.

Mieux, l'un de ses poèmes a été gravé sur une plaque fixée à la sonde "Lucy" qui est parti en 2021 vers les satellites " troyens" de Jupiter qu'elle devrait reconnaître entre 2027 et 2032 !

 

Moins spectaculaire, mais tout aussi symbolique, elle a été la première artiste à faire une résidence au " Bob Dylan’s Center" de Tulsa.

 

Harjo ne se limite d'ailleurs pas à l'écriture. Elle est aussi éditrice de recueils de poésies et de nouvelles amérindiennes contemporaines. Cette femme qui a autant de domaines d'activités que la déesse  Shiva a de bras est aussi éditrice de formats audio,  numériques et d'univers interactifs.

Elle a d'ailleurs son propre site où elle présente toutes ses activités et actualités, 

https://www.joyharjo.com/

 

L'activité d'Harjo n'est pas seulement artistique. Elle est aussi une ardente militante. Elle s'est souvent exprimée par écrit ou oralement sur la politique des Etats Unis et les sujets touchant aux Amérindiens. Pour elle, qui est aussi très active au sein de la nation Muskogee, écrire de la poésie, c'est donner "une voix aux peuples autochtones".

 

Sa poésie explore les thématiques de l'impérialisme et de la colonisation et leurs effets sur les violences antiféministes. 

Souvent, elle l'utilise aussi pour explorer ses origines et la spiritualité Muskogee en l'opposant à la culture euro-américaine dominante et leurs tentatives pour anéantir les cultures amérindiennes.

Elle s'oppose aussi aux formes d'écriture euro-américaine qui menacent d'effacer les formes littéraires et orales amérindienne.

 

Dans la plupart de ses réalisations, on voit figurer les valeurs, les mythes et les croyances Muskogee. Elle parvient à toucher ses auditeurs en leur faisant le récit des crimes commis non seulement envers les Amérindiens, mais aussi envers toutes les communautés qui sont l'objet d'une oppression.

 

L'activisme pro-amérindien et féminisme de Harjo procède de sa croyance en l'unité du monde vivant (humains, animaux, plantes, ciel et terre).. Elle pense que nous devenons plus fort quand nous comprenons le lien qui unis tous les êtres vivants. Elle a la conviction que le colonialisme a engendré l'oppressions des femmes amérindiennes au sein même de leurs propres communautés et travaille pour encourager une plus grande égalité entre les sexes.

 

Harjo fait aussi partie des Muskogees qui tentent de défendre des endroits sacrés, à caractère religieux ou historiques comme Oce Vpofa (Hickory Ground), lieu de la dernière capitale des Muskogees avant la déportation de la majorité d'entre eux à l'ouest du Mississipi en 1832.

 

Harjo a déclaré au sujet de la poésie contemporaine "Je vois et j'entends la présence de générations faisant de la poésie à travers les nombreuses cultures qui expriment l'Amérique. Elles vont de l'oralité cérémonielle qui vient de la parole aux formes fixes européennes, aux nombreuses traditions classiques présentes dans toutes les cultures , y compris les formes abstraites théoriques qui entrent en résonance avec la page ou l'image. La poésie reflète toujours directement ou par inadvertance l'état de l'Etat, directement ou non. Les sonnets américains de  Terence Hayes s'imposent comme des poèmes d'amour post-électoraux. Ceux de  Layli Long Soldier viennent de l'histoire  Lakota où les siècles s'empilent. Le sacré et le profane s'emmêlent et sont inclus dans les terres gardées par les quatre montagnes sacrées dans la poésie de Sherwin Bitsui. L'Amérique a toujours été multiculturelle, avant que le terme ne devienne omniprésent, avant la colonisation, et elle le sera après".

 

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j) Luci Tapahonso (1953-)

Carte des terres NavajosProches parents des Apaches(Indé), les  Navajos (Diné) sont avec plus de 400000 
citoyennes et citoyens le peuple amérindien le plus important numériquement devant les Cherokees. Possédant plus de 70000 km2 de terres (plus de deux fois la taille de la Belgique !), le "Navajo Land", qui comprend en grande partie leurs territoires ancestraux, s'étale sur l'Arizona, le Nouveau Mexique et l'Utah et encercle la réserve de leurs ennemis "héréditaires", les Hopis. Même s'il est en grande partie désertique, le pays comprend des sites comme Monument Valley, le  Canyon de Chelly et d'autres lieux remarquables. Il est aussi riches de ressources minières (charbon et uranium) qui firent à la fois le bonheur (revenus, emplois) et le malheur des Navajos  (pollution, destruction de l'environnement, maladies). Reste que ce véritable état dans l'état, avec sa police tribale forte de près de 2000 membres est parfois surnommé "Navajoland" ou le "53ème état des Etats Unis".

 

Il n'est donc pas étrange qu'un peuple avec une telle importance ait donné naissance en son sein à nombre d'artistes et d'écrivains, comme par exemple Luci Tapahonso,Luci tapahonso
qui voit le jour le 8 novembre 1953 à  Shiprock (Nouveau Mexique).

 

Ses parents, Eugene Tapahonso Sr. et Lucille Deschenne ne parlait pas un mot d'anglais à la ferme familiale. Elle ne l'apprendra qu'en entrant à la " Navajo Methodist School" de  Farmington (New Mexico). Elle poursuivit ensuite ses études à la  Shiprock High School d'où elle sortit diplôme de fin d'études en poche en 1971.

 

Elle se lance alors dans une carrière de journaliste d'investigation avant de reprendre des études à l'Université du Nouveau Mexique. Elle y rencontre Leslie Marmon Silko (voir plus haut) qui l'incite à se diriger vers l'écriture créative. Elle aura une forte influence sur elle. Tapahonso obtiendra son diplôme en 1980, suivit en 1983 par une maîtrise en Ecriture Créative. Elle enseigna ensuite cette matière au Nouveau Mexique, puis au Kansas et en Arizona.

 

Silko l'aidera en 1978 à faire éditer sa première histoire, "The snake man". Son premier recueil de poésies qu'elle avait écrites durant son adolescence, "One more Shiprock night".

Sous l'influence de Silko, ses premières créations sont souvent empreintes de mysticisme et de l'idée que les femmes sont une source de pouvoir et d'équilibre dans le monde. De même, elle cite souvent sa famille ou ses amis d'enfance dans sa poésie.

D'autres recueils suivront, ainsi que des pamphlets et des articles de magazines..

 

Elle devra toutefois attendre 1993 pour être reconnue avec le recueil "Saânii Couverture de Saânii Dahatall
Dahataal" (The women are singing)" ouvrage bilingue Navajo-Anglais, réputation consolidée par "Blue horses rush", un livre de poésies et de souvenirs paru quatre ans plus tard, puis "A radiant curve", sorti en 2008.

 

Au contraire de la plupart des écrivains amérindiens, Tapahonso écrit d'abord en Navajo, sa langue maternelle, puis traduit ensuite en anglais. Ceci inclut des chansons et des chants pour des spectacles. C'est pour cette raison que ses écrits en anglais sont très rythmés et utilisent des structures de syntaxe peu courantes dans la poésie de langue anglaise.

 

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k) Louise Erdrich (1954-)

 Allons maintenant dans le  Dakota du Nord sur la Louise Erdrich
réserve de la " Turtle Mountain Band of Chippewa Indians", l'une des composantes de la nation  Ojibwe.

C'est près d'ici que naît en 1954 Karen Louise Erdrich. Son père, Ralph Erdrich avait des racines allemandes et sa mère, Rita Gourneau,  était une  Chippewa avec des racines françaises éloignées.

 

Ses deux parents servaient comme enseignants dans une " Indian boarding school" à  Wahpeton (Dakota du Nord). Son grand-père maternel, Patrick Gourneau avait été président du  conseil tribal pendant de longues années.

Si elle ne fut pas élevé sur la réserve même, elle y était souvent pour rendre visite à des parents et reçut une éducation catholique stricte.

 

Sa vocation d'écrivaine se manifesta très tôt et son père l'encouragea en lui "payant" chaque histoire qu'elle écrivait en lui donnant en échange une pièce de cinq cents (one nickel).

Après ses études primaires, elle entra en 1972 au Darmouth College parmi les Michael Dorris
premières femmes à y être admises. Elle y obtiendra une licence en langue anglaise.

Erdrich y fera la connaissance de l'anthropologue et écrivain Michael Dorris (à droite) qui dirigeait alors le tout nouveau programme d'étude amérindienne. Pendant qu'elle assistait à ses cours, elle commença à faire des recherches sur ses ancêtres, y trouvant matière à inspiration pour ses ouvrages (poèmes, nouvelles et romans). 

Pour financer ses études elle sera tour à tour sauveteuse, serveuse, documentaliste cinématographique et éditrice pour le journal "The Circle", publication du " Boston Indian Council".

 

En 1978, elle s'inscrivit dans une maîtrise es Arts à l' université John Hopkins de Baltimore (Maryland) qu'elle obtient l'année suivante. Elle reviendra ensuite à Dartmouth comme "écrivaine en résidence". 

Après avoir terminé ses études dans cette université, elle demeurera en contact avec Michael Dorris. Assistant à une lecture publique de poèmes écrits par Louise Erdrich, il sera très impressionné par son travail et commencera à collaborer avec elle sur des nouvelles, bien que Erdrich soit à Boston et Dorris en Nouvelle Zélande.

Ce partenariat littéraire déboucha sur une histoire d'amour.  Tous deux se marièrent en 1981 et élevèrent six enfants. Trois ont été adopté par Dorris (Reynold Abel, Madeline et Sava) et les trois autres issus de leur mariage (Persia, Pallas et Aza Marion). Reynold Abel, qui souffrait d'un syndrome d’alcoolisme foetal, sera tué à l'âge de 23 ans en 1991 par une voiture qui le heurta.

 

En 1979, elle fit paraître "The world's greatest fisherman" (Les meilleurs pêcheurs du monde). L'histoire parle de June Kashpaw, une Ojibwe divorcée morte d'hypothermie. Son décès ramène ses proches sur une réserve imaginaire du Dakota du Nord. Elle l'écrivit "barricadée dans la cuisine". Pressé par son mari, elle présenta sa nouvelle dans un concours en 1982 et remporta le prix de 50000 dollars. Voilà qui était d'un meilleur rapport que les 50 cents de son père!

Erdrich racontera plus tard "Quand j'ai appris l'existence du prix, je vivais dans une ferme du  New Hampshire près de l'université que je fréquentais. J'étais fauchée et je conduisais une voiture avec des pneus lisses. Ma mère me tricotait des pulls et j'achetais les vêtements qui me manquait dans les friperies. La reconnaissance a illuminé ma vie. Plus tard, je suis devenue amie avec  Studs Terkel et  Kay Boyle , les juges envers qui j'éprouverais une gratitude éternelle. Ce prix a complétement changé ma vie."

Couverture de Love MedicineCe court récit deviendra ensuite le premier chapitre de son premier roman paru en 1984, "Love Medicine" ( L’amour sorcier).

 

"Love medicine" gagnera en 1984 le "National Book Critics Circle Award. C'était la seule et unique fois où un premier roman a reçu cet honneur. Erdrich en fera le premier volet d'une série comprenant "The beet queen" (1986), "Tracks" (1988) et "The bingo palace" (1994), comme nous le verrons plus loin.

 

Lors de leurs premières années de mariage, Erdrich et Dorris travaillèrent souvent ensemble, disant qu'ils "complotaient" leurs livres ensemble, parlant d'eux avant même que le travail d'écriture commence et partageant à deux chaque jour le travail fait par l'une ou l'autre. Toutefois, le nom figurant sur la couverture du livre était toujours celui de la personne qui a fait le plus gros du travail d'écriture. "Nous avons débuté avec des trucs domestiques et romantiques publiés sous le nom de plume "Milou North" (Michael + Louise + là où ils vivent = North)

 

Lors de la publication de "Love Medicine", Erdrich publia aussi son premier recueil de poèmes, "Jacklight" qui contient des textes sur la lutte entre les cultures
amérindiennes et les autres, la célébration de la famille, les liens de parenté, des méditations autobiographiques, des monologues et des poésies sur l'amour. Elle incorpore à ses poèmes des éléments provenant de mythes et légendes Ojibwe. Elle continue depuis à écrire des poèmes édités dans des recueils.

 

En 1986 paraîtra donc la suite de "Love Medicine", "The beet Queen" ( Le pique-nique des orphelins) dans laquelle elle continue d'utiliser plusieurs narrateurs et décrire plus en détail la réserve fictiveCouverture de "The beet queen"
de "Love Medicine" pour y inclure la ville voisine d'Argus. Le roman se déroule pour sa plus grande partie après la Seconde Guerre Mondiale. Comme vu plus haut, une querelle éclatera entre Erdrich et Leslie Marmon Silko, cette dernière reprochant à la première d'être plus impliquée dans les techniques d'écriture postmoderne que dans les luttes politiques des amérindiens.

 

Le troisième volet de la série, "Tracks" (La forêt suspendue) sort en 1988. Il revient sur la création de la réserve au début du 20ème siècle et y introduit le personnage de Nanapush, un " trickster" (farceur) qui s'inspire clairement de la figure mythologique Ojibwe  Nanabozho.

"Tracks" montre aussi les premiers affrontements entre les croyances traditionnelles et le christianisme que le clergé catholique entend imposer.

 

Elle continue sa série avec "The bingo palace" en 1994 qui se situe cette fois dans les années 1980 et décrit les conséquences de l'implantation sur la réserve d'un casino et d'une usine. Elle achève sa saga en terminant en 1997 l'histoire de Soeur Leoploda, un personnage récurrent des autres volumes de la série, dans " Tales of burning love" et en amenant sur l'univers de la réserve d'autres personnages euro-américains.

 

Entretemps, sa vie personnelle était bouleversée. Son mariage avec Dorris se délita quand leur fils Sava l'accusa de pédophilie sur ses enfants. Il se séparèrent en 1995. Après le suicide de Dorris en 1997, sa fille adoptive Madeline dira que Dorris l'avait violé  à plusieurs reprises et que Erdrich n'avait rien fait pour que cela cesse. Dans son testament, Dorris ne mentionnera ni Louise, ni Sava, ni Madeline.

Comme il s'est suicidé avant le procès, sa culpabilité n'a jamais été prouvée.

A noter que Dorris prétendait avoir une ascendance  Modoc. Celle-ci n'est pas formellement établie. Les Modocs actuels pensent que Dorris descendait d'un euro-américain adopté adulte par les Modocs dans les années 1860 environ.

 

En dépit de ces malheurs, Erdrich continue à créer. En 1998, elle publie " The antelope wife" (L'épouse antilope), premier livre à s'écarter de la continuité de ses livres précédents. Apparemment mécontente de son travail sur ce livre, elle le remaniera en 2009 et il ressortira dans cette nouvelle version en 2016.

 

En 2001, Erdrich, alors âgée de 47 ans, donna naissance à une petite fille, Azure, Tobasonakwut Kinew
dont le père était un amérindien. Erdrich refusera de donner son identité. Dans son livre " Books and Islands in Ojibwe Country", paru en 2003,  où elle parle de la naissance d'Azure et de son père naturel, elle nomme ce dernier "Tobasonakwut". Elle le décrit comme un guérisseur et un enseignant, plus âgé de 18 ans qu'elle, et comme un homme marié.

 

Bon nombre de gens pensent, sans preuve définitive, qu'il s'agissait de Tobasonakwut Kinew (ci-dessus), qui est décédé en 2012.

 

Elle ne se contente pas d'enfanter : elle continue aussi à écrire, en revenant à sa réserve imaginaire et publie à partir de 1998 cinq romans s'y déroulant, dont "The last report on the miracles at Little No Horse" ( Dernier rapport sur les miracles à Little No Horse) en 2001 et "The Master Butchers Singing Club" ( La chorale des Maîtres Bouchers) en 2003 dans lequel elle explore le côté euro-américain (et allemand) de ses origines. Il décrit l'arrivée d'un émigré allemand dans une petite ville du Dakota du Nord peu après la fin de la Première Guerre Mondiale. Tous ces romans ont des liens géographiques et des connections avec les personnages de "The beet queen".

 

"A plague of doves" ( La malédiction des colombes) raconte un fait historique, le lynchage de quatre amérindiens accusés à tort d'avoir assassinés une famille euro-américaine et les effets de cette injustice sur les générations suivantes.

 

En 2020, elle gagne le Pulitzer avec "The night watchman" ( Celui qui veille) concernant une campagne menée pour supprimer le " Termination Bill" (proposé  par le Sénateur Arthur Vivian Watkins) où Erdrich rend hommage à son grand-père maternel, l'un des meneurs de cette lutte à la réserve de Turtle Mountain.

 

Son roman le plus récent, " The sentence" raconte l'histoire (fictive!) d'une hantise à la librairie Erdrich de Minneapolis, dans le contexte de l'épidémie de Covid, du meurtre de George Floyd et des manifestations qui en ont résulté.

 

Notons ici qu'Erdrich possède réellement une librairie à Minneapolis. Celle-ci héberge de temps à autres des lectures publiques et d'autres événements autour du livre, pour célébrer les travaux ou la carrière d'autres écrivains, notamment des nations amérindiennes du Dakota du Nord ( Arikaras, DakotasHidatsas , etc ...). Erdrich et son équipe considèrent cette librairie, " Birchbark Books" comme étant une "librairie d'enseignement". En plus des livres, la boutique vent aussi des créations artistiques amérindiennes, de la médecine traditionnelle et de la bijouterie amérindienne. En lien avec la librairie, Louise Erdrich fonda avec l'une de ses soeurs " Wiigwaas Press" , une petite maison d'édition à but non lucratif.

 

Erdrich n'écrit pas que pour les adultes, elle écrit aussi pour les plus jeunes. Son livre "Grandmother's pigeon" est un imagier et " The birchbark house" (Omakayas) une série de livres  pour

Couverture de "Grandmother's pigeon"enfant, tout comme le second livre de cette série " The game of silence" (Le jeu du silence) qui gagnera un prix de fiction historique et  sa suite " The porcupine year".

 

Elle écrit aussi dans le registre documentaire. En 1995, elle publie "The blue Jay's dance" sur sa grossesse et le naissance d'Aza Marion. " Books and islands in Ojibwe country" (2003) parle quant à lui de son périple dans le nord du Minnesota et la région du Lac Ontario après la naissance d'Azure.

 

 Ses écrits sont influencés par l'héritage culturel que ses parents lui ont transmis.

Les liens entre ses différents romans ont amené des comparaisons avec le comté de Yoknapatawpha  inventé par  William Faulkner pour servir de cadre à plusieurs de ses romans. Comme lui, Erdrich installe plusieurs récits dans la même zone géographique imaginaire et mêle l'histoire locale avec des thèmes modernes.

  

Lors d'une interview, on lui demanda si l'écriture lui demande de mener une vie solitaire, elle répondit : "Etrangement, je pense que oui. Je suis entouré par une grande famille et beaucoup d'amis et cependant je suis seule quand j'écris".

 

Sa soeur  Heid est une poétesse qui publie sous le nom de Heid E. Erdrich. Une autre de ses soeurs, Lise, écrits des livres d'enfants, de la fiction et des essais.

 

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l) Sherman Alexie (1966-)

 Au nord-est de l'état de Washington se trouve la réserve des Spokanes. Chasseurs Spokanes en tenue de cérémonie
de daims, pêcheurs de saumons et agriculteurs saisonniers, ces semi-nomades se divisaient en trois sous-groupes selon leur emplacement sur la rivière Spokane. Ils ne semblent jamais avoir été très nombreux. Avant leur premier contact avec des européens à la fin du 18e siècle, leur nombre ne devait pas dépasser les 3000 personnes.

 

Ils n'en défendirent pas moins âprement leur territoire contre les colons et les soldats américains en 1858, mais s'inclinèrent devant la supériorité numérique de leurs adversaires, leur population étant réduite à quelques centaines de personnes, plus du fait des épidémies que des combats. Depuis, ils ont retrouvé leur effectif pré-contact.

 

C'est au sein de ce petit peuple que naît le 7 octobre 1966 Sherman Joseph Alexie. Son père, Sherman Joseph Alexie Senior était membre de la tribu Coeur d’Alène (de vieux alliés des Spokanes). Sa mère, Lilian Agnes Cox, elle, était Spokane. Tous deux étaient alcooliques, même si sa mère est parvenue par la suite à se libérer de l'alcool. Ce n'était pas le cas de son père, hélas, qui pouvait quitter la maison pendant des jours pour aller s'enivrer. Pour subvenir aux besoins de ses enfants, Lilian, fera des travaux d'aiguilles et travailler comme employée au  Wellpinit Trading Post et acceptera d'autres petits travaux pour subvenir à ses besoins.

 

Le petit Sherman grandira sur la Spokane Indian Reservation. Une fois résolu un "petit problème" cependant : il est né hydrocéphale. Il devra subir une interventionSherman Alexie
chirurgicale au cerveau à l'âge de six mois, avec le risque d'en mourir ou de souffrir de désordres mentaux. Il survivra et n'aura pas de problèmes mentaux et s'en sortira avec des séquelles légères.

 

Pour en revenir à l'enfance du petit Alexie, elle ne fut pas de tout repos ! A l'école de la réserve, il sera continuellement exposé aux railleries  des autres enfants et endurera des abus qu'il appelle "torture" de la part des nonnes euro-américaines qui l'avaient surnommé "Le globe" parce que sa tête était plus grande que les normales, séquelle de son hydrocéphalie. A causé de sa santé fragile, il était de plus exclu de la plupart des activités qui représentent pour les jeunes indiens des "rites de passage". Il était cependant un très bon élève, lisant tout ce qui lui tombait sous la main, y compris les manuels de réparation de voitures !

 

Pour poursuivre ses études, Alexie décida de quitter la réserve pour entrer en "high school" (lycée) à  Reardan (Washington) à 35 kilomètres de là.

Bien qu'il y soit le seul amérindien ses études se déroulèrent à la perfection. Il se montra brillant et devint l'un des meilleurs joueurs de l'équipe de basket ball, ironiquement nommée "Reardan High School Indians". Il sera élu "chef de classe" et assistera aux conseils de classe.

 

Ces résultats seront si excellents qu'il recevra une bourse pour étudier à Spokane à l'université catholique Gonzaga. Alexie y entra pour préparer un cursus de médecine pour devenir docteur, mais il ne supporta pas sa première dissection en cours d'anatomie. Il s'orienta alors vers le droit, mais constata que cela ne lui convenait pas non plus. Sous pression et dévoré par l'anxiété, il commença alors à s'enivrer. Il ne trouvait de l'apaisement qu'en classe de littérature.

 

En 1987, il quitta Gonzaga pour la " Washington State University" où il suivit les cours d'écriture créative du poète Alexander Kuo. Pour Alexie, qui était alors au plus bas, Kuo devint un mentor . En lui donnant une anthologie de Joseph Bruchac (voir plus haut) "Song of this Earth on turtle's back", il changera à jamais la vie d'Alexie en lui faisant découvrir la littérature amérindienne et la poésie.

 

Il publiera son premier recueil "The business of Fancydancing: stories and poems" en 1992. Le succès sera au rendez-vous avec plus de dix mille exemplaires vendus : Alexie cessera de boire et arrêtera ses études pour se consacrer exclusivement à l'écriture.

 

L'année suivante, il sortira son premier recueil de nouvelles " The Lone ranger and
Couverture de "The Lone Ranger and Tonto fist fighting"Tonto fistfight in Heaven" (Phoenix, Arizona, et autres nouvelles) qui est composé de courtes histoires connectées entre elles. Il y crée des personnages qui figureront par la suite dans ses autres créations. D'après la critique Sarah A. Quirk, la nouvelle donnant le titre du recueil peut être considéré comme un récit de formation avec les personnages de Victor Joseph et Thomas Build The Fire évoluant d'une relative innocence à l'âge de raison.

 

Son premier roman, " Reservation blues" (Indian Blues) sort en 1995. Il y reprend des personnages de "The Lone Ranger and Tonto fistfight in Heaven".

Thomas Builds The Fire, Victor Joseph et Junior Polatkin, qui ont grandi ensemble sur la réserve Spokane sont devenus adultes et trentenaires, alors qu'ils étaient encore adolescents dans la nouvelle. Certains d'ente eux sont devenus musiciens et ont formé un groupe.

La critique Verlyn Klinkenborg écrivit alors que "Vous pouvez sentir l'attention qu'Alexie porte à son public, Amérindiens et Anglo". Elle dit aussi qu'Alexie est prêt à prendre le risque du didactisme à chaque fois qu'il s'arrête pour expliquer les spécificités des Spokanes, et plus largement des Amérindiens à ses lecteurs.

 

L'année suivante, le roman " Indian Killer" est une enquête policière dans la communauté amérindienne de Seattle, où les personnages sont confrontés à la vieCouverture de "Indian Killer"
urbaine, leur santé mentale et à un tueur en balade. Les personnages sont en proie au racisme à l'université et dans l'ensemble de la cité où les amérindiens doivent subir des conférences sur leurs propres cultures faites par des professeurs blancs qui en ignorent tout. Et dans la ville rôde un étrange tueur qui tue et scalpe des hommes blancs ...

 

En 2007, dans le roman pour adolescent " The absolutely true diary of a Part-time indian" (Le premier qui pleure à perdu), Alexie se livre à l'exercice de la semi-biographie. Miroir de sa propre jeunesse, ce roman relate l'histoire d'un jeune Spokane de 14 ans qui vit sur la réserve avec sa famille, Arnold Spirit. Elle inclut des événements réellement survenus dans la vie d'Alexis. Ainsi, Arnold est hydrocéphale et harcelé par les autres enfants. L'histoire décrit aussi des événement se déroulant après le transfert d'Arnold au lycée de Reardan, comme cela s'est produit pour Alexie.

Louangé par la critique, ce livre est toujours l'une des meilleures ventes de livres adolescents aux Etats Unis.

 

Paru la même année, " Flight" a comme narrateur un adolescent âgé de 15 ans qui se désigne comme "Zits". C'est un métis orphelin placé dans une famille de Seattle. Alors qu'il pense mourir après avoir été abattu d'une balle dans la tête alors qu'il tentait de cambrioler une banque, il revient sur son passé et sur ce qu'il a pu voir de la vie des autres.

 

Le cinéma a toujours passionné Alexie. En 1998, il saute le pas avec le film "Smoke
signals" dont il base le scénario sur l'une de ses nouvelles incluse dans "The Lone Ranger and Tonto Fistfight in Heaven". Plusieurs des personnages et événements décrits dans le recueil sont repris dans le film. Celui-ci, dirigé par le réalisateur  Chris Eyre ( Cheyenne/Arapaho) est le premier film à comprendre une distribution et une équipe de production majoritairement amérindienne.

Ce "road movie"  décrit le parcours de deux jeunes amérindiens, Victor Joseph ( Adam Beach, Saulteaux Anishinaabe) et Thomas Builds The Fire ( Evan Adams, Tla’amin). Tout deux s'engagent dans un périple du nord-ouest des Etats Unis à  Phoenix (Arizona) pour récupérer la dépouille du père de Victor ( Gary Farmer, Iroquois Cayuga). La jeunesse des deux personnages est exploré par le biais de flashback durant leur voyage. Couronné de multiples honneurs au Sundance Film Festival, le film fit, et c'est une première pour un film fait en grande partie par des amérindiens, une belle carrière à l'international. Il révéla au monde qu'il existait un cinéma amérindien jusqu'alors réservé au circuit "direct-to-vidéo" et limité aux petites productions (surtout courts métrages). Il montra aussi une autre image des amérindiens, ancrée dans le présent (années 1990) et non figée et stéréotypée dans un passé idéalisé.

 

Quatre ans plus tard, il écrit et dirige personnellement "The business of Fancydancing" où il explore les thèmes de l'identité amérindienne, de
l'homosexualité. Il s'interroge aussi sur le rapport entre l'implication culturelle et le "quantum sanguin", le fait de vivre ou non sur la réserve et d'autres questions qui font qu'une personne est un "vrai indien".

Le titre du film fait allusion au choix du personnage principal de quitter la réserve et de danser pour des spectateurs non-indiens en se faisant payer. Evan Adams, qui jouait déjà dans "Smoke signals" incarne désormais un homosexuel qui vit en ville avec un compagnon euro-américain. La mort d'un proche le ramène sur la réserve où il retrouve ses amis d'enfance et de jeunesse. Ce qui donne à ce film un caractère unique, c'est le fait qu'Alexie engagea une équipe de production presque totalement féminine. Les dialogues furent improvisés par les acteurs en se basant sur des situations qu'ils avaient vécu. Il n'aura cependant pas le même retentissement que "Smoke Signals".

  

 Alexie sortira en 2004 " Ten Little Indians" (Dix petits indiens), un recueil de neuf nouvelles se déroulant dans la zone de Seattle avec des Spokanes confrontés à la vie urbaine comme personnages principaux. dans ces récits, Alexie combat les stéréotypes que les blancs ont envers les amérindiens et montre ces personnages accepter leur identité amérindienne.

 

En 2005, il sera l'un des membres fondateurs de " Longhouse Media", une
organisation philanthropique impliquée dans l'enseignement des techniques cinématographiques et l'utilisation des médias pour l'expression culturelle et les changements sociaux auprès de la jeunesse amérindienne.

 

En 2010, le recueil " War dances" (Danses de guerre), regroupant des nouvelles, des poèmes et de courts textes en prose, sera un succès critique, mais un échec public relatif.

 

En 2012, l'état d' Arizona, dont la population compte un tiers de " Latinos" ou de descendants de Latinos, décide de supprimer par l' Arizona HB 2281 le programme d'études "Mexicain-Américain". Plusieurs écrivains, tel les poètes Luis Alberto UrreaJimmy Santiago Baca voient leurs ouvrages bannis des universités d'Arizona. Parmi eux, étrangement, Sherman Alexie dont la réponse sera cinglante : "Mettons une chose de côté : parler d'immigration mexicaine est un oxymore. Les Mexicains sont des autochtones. Aussi, bizarrement, je suis heureux que les racistes de l'Arizona ont officiellement décidé de me bannir aux côtés d'Urrea, Baca et Castillo, et que leurs lois contre les immigrants soient aussi anti-indiennes. Je suis étrangement amusé que les gens de l'Arizona ont officiellement annoncés leur crainte d'une classe marginale instruite. Vous donnez à ces garçons à la peau brune quelques livres et que se passe-t-il ? Ces garçons à la peau brune changent le monde. Dans un effort pour faire disparaître nos livres, l'Arizona leur donne en fait un énorme pouvoir. L'Arizona a fait de nos livres des documents sacrés".

 

En juin 2017 sort "You don't have to say love to me", récit autobiographique. Celles-ci plongent le lecteur dans la jeunesse de Sherman Alexie sur la réserve Spokane etYou don't have to say love to me
leur font oublier, selon la critique Claudia Rowe : "Les comparaisons faciles doivent être abandonnée pour goûter pleinement au patois inimitable d'Alexie, composé d'humour; de grossièretés, d'histoire et de pathétique".

Pour Alexie, la tournée de promotion du livre représenta une lourde charge émotionnelle. Comme il le dira à un critique : "Je n'interprète pas le livre. Je suis interviewé. C'est une toute autre chose". Il ajouta qu'il ne répondrait à aucune question à laquelle il ne voudrait pas répondre. "J'enfilerai mon armure".

 

Et de son armure, Alexie en aura bien besoin ! Le 28 février 2018, Alexie publia une déclaration concernant les accusations de harcèlement sexuel porté contre lui par plusieurs femmes, dont l'autrice Litsa Dremousis. Alexie avait précédemment eu avoir une liaison mutuellement consentie avec elle. Litsa Dremousis déclara que cela n'avait pas été du tout le cas et affirma que de nombreuses autres femmes avaient été les victimes d'Alexie.

Alexie, dans sa déclaration admis que son comportement avait "blessé" d'autres personnes que Dremousis. La presse s'empara de l'affaire et publia les témoignages de trois autres femmes qui avaient eu à souffrir d'Alexie.

 

Ces accusations ne sont pas restés sans conséquences L' Institute of American Indian Arts renomma le "Sherman Alexie Scholarship" en "MFA Alumni Scholarship". Alexie perdra aussi plusieurs distinctions et prix littéraires qui lui avaient été remis.

 

Depuis sa carrière est au point mort.

 

Alexie est mariée à  Diane Tomhave ( Hidatsas) et en a eu deux fils.

 

 Pour en revenir à ses créations littéraires, à travers ses poésies, nouvelles et romans, Alexie explore les thématiques du désespoir, de la pauvreté, de la violence et de l'alcoolisme dans la vie des amérindiens tout en allégeant son propos par l'esprit et l'humour.

Pour les critiques, Alexie pose trois questions dans toutes ses créations : "Qu'est que cela dire vivre comme un indien aujourd'hui ?", "Qu'est ce que cela veut dire qu'être indien ? et "Qu'est ce que cela veut dire de vivre sur une réserve indienne". Les personnages de ses créations luttent constamment contre eux-mêmes et leur sentiment d'impuissance dans l'Amérique blanche. 

 

Alexie décrit sa façon d'écriture comme une " fancydancing", une danse de concours colorée et "tape à l'œil" qui est pratiquée lors des  powwows uniquement pour le spectacle, au contraire de danses plus anciennes qui peuvent être cérémonielles et pratiquées uniquement au sein d'un groupe ou d'une famille.

Pour lui, l'émotion et l'exutoire qu'il trouve dans ses écrits et similaires aux sentiments des danseurs de "fancydance".

 

Les romans d'Alexie évoquent souvent la tristesse, mais il utilise simultanément l'humour et la pop culture , ce qui laisse au lecteur un sentiment de respect, de compréhension et de compassion. Il n'est pas influencé que par les cultures amérindiennes. Il mêle dans ses histoires des éléments de culture populaire, de spiritualité amérindienne et la dureté de la vie dans des réserves rongées par la pauvreté. Il s'en sert ensuite pour créer ses personnages et le décor dans lequel ils évoluent. Pour un critique, il s'agit là d'un moyen de survie culturelle des amérindiens face à la puissance des stéréotypes véhiculés par la culture euro-américaine et notamment  la fusion des caractéristiques des différentes cultures tribales en une seule entité pan-amérindiennes.

 

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m) Tommy Orange (1982-)

Tommy Orange est un membre du peuple Cheyenne-Arapahoe. Jadis ces deux Tommy Orange
peuples étaient distincts et étaient unis.

Peuple souvent cité dans les Westerns, les  Cheyennes venaient du Nord (Montana) et s'allièrent avec les  Lakotas et  Arapahos pour contrer l'expansion des  Comanches et de leurs alliés  Kiowas vers le Nord.

Les Arapahos, qui venaient aussi du nord, étaient plus connus pour leurs talents de commerçants que de guerriers. Ils seront des acteurs importants du commerce dans les Grandes Plaines jusque vers les années 1850-1860.

En 1867, un traité avec les Etats Unis leur donna une réserve en Oklahoma qu'ils partagèrent, à défaut d'une même langue, les deux peuples appartenaient tous deux à la culture des Grandes Plaines (Nomadisme + cheval + bison). Mais seule une fraction des deux nations d'y rendit. La Scission donna naissance aux Cheyennes et Arapahos du Nord (Wyoming et Montana) et les Cheyennes et Arapahos du Sud (Oklahoma).

Cette réserve fut supprimé en 1892 par la division des terres tribales en parcelles individuelles ( Allotment Act), le surplus étant ouvert aux colons. Leur gouvernement tribal sera quand à lui supprimé en 1898.

Après le passage de l'Oklahoma Indian Welfare Act en 1936, les deux peuples reconstituèrent en 1937 un gouvernement tribal qui entérina leur fusion en uneCommémoration des vétérans Cheyennes et Arapahos en 2015
seule entité, la " Cheyenne-Arapaho Tribes". Avec un potentiel économique important : casinos, vente de plaques minéralogiques, de tabac, elle mène de nombreuses actions culturelles pour sauvegarder leurs langues et traditions et s'est lancé dans l'élevage du bison (530 en 2021). En tout, ils sont plus de 12000, dont les trois quart vivent en Oklahoma. Grâce aux technologies modernes, ils ont retissé des liens avec les Arapahos du Wyoming et les Cheyennes du Montana. 

 

 Pour en venir à Tommy Orange, il n'est pas né en Oklahoma, mais en Californie, à Oakland le 19 janvier 1982. Son père dirigeait des cérémonies traditionnelles, sa mère, d'abord chrétienne, revint vers la religion traditionnelle.

Sportif, il joua du " roller hockey" à un niveau national de 1996 à 2006. Titulaire d'un diplômes sciences  en arts sonores, il commencera  à jouer de la musique en 2000.

Après la fin de ses études, il trouvera du travail dans une librairie de San Leandro, " Gray Wolf Books" où il développera une passion pour la lecture et l'écriture. Reprenant ses études, il sortira de l'Institute of American Arts avec un Master en Beaux-Arts et ira enseigner cette discipline à Santa Fe (Nouveau Mexique) à l'Institute of American Indians Arts).

 

Dès son premier livre, "There There" ( Ici n’est plus ici) en 2018, Tommy Orange Couverture de "There there"
sera finaliste pour le Prix Pulitzer 2019 et recevra l' American Book Award la même année.

 

Tout le roman tourne autour d'un grand pow-wow rassemblant des amérindiens de tous les Etats Unis à Oakland. Le roman suit la journée d'une douzaine de personnages, organisateurs et participants de la cérémonie dont les destins, sans qu'ils le sachent, sont liés et aboutiront à une explosion finale. Le fil rouge de la tragédie est un mal-être identitaire qui les unit au-delà de leurs différences.

 

Orange a dit que son inspiration pour son roman est apparue alors qu'il travaillait à la fois sur des récits de narration numérique au  Native American Health Center et dans une organisation de charité fondée par l' Université de California/Berkeley, "Story Center". Il devait y enregistrer des histoires, les copier, brûler de la sauge et les envoyer agrafer avec une prière.

En accomplissant cette tâche, il réalisa que ces histoires racontées par des "indiens des villes" devaient être rendues publiques, notamment pour les autres amérindiens vivant en ville, ainsi, il seraient capables de voir leurs propres histoires plus largement diffusées.

Orange déclare : "Les amérindiens sont plutôt invisibles [en ville]" et il voulait raconter une histoire sur une communauté dont les gens savent peu de chose. Il croît que si les gens entendent une histoire qui fait écho à la leur, cela les aide à sentir qu'ils existent et appartiennent à une communauté. Orange considère que sans cela, les gens se sentent faibles et il leur devient plus difficile d'être fort.

 

En 2019, Tommy Orange écrivit dans le magazine " Esquire" un article décrivant la vie d'un adolescent amérindien imaginaire, Jeffrey Martinez, pour faire découvrir ce qu'est la vie d'un jeune amérindien de 17 ans dans le monde actuel.

 

Il a aussi publié plusieurs nouvelles  dans des magazines littéraires.

 

Tommy Orange a déclaré lors d'une conférence en 2019 que par bien des égards il écrivait pour et sur son père qu'il décrit comme étant "quelqu'un de très sûr de lui dans son identité indienne et qui ne l'enseigne pas nécessairement à ses enfants".

 

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3) Bibliographie - Filmographie - Webographie

 

a) Bibliographie

A ma connaissance, il n'y a eu aucun livre paru en France sur cette thématique, mis à part peut être des livres sur la littérature américaine (voir aussi à webographie)

 

b) Filmographie

Un acteur amérindien : "Non! Jouer le rôle d'un indien écrivain du 20ème ou 21ème siècle ? Mais c'est mon rêve ! Fini ces coiffes de plumes que mes ancêtres n'ont jamais porté ! Je suis allergique aux plumes ... Et puis je déteste monter à cheval ! Je préfère faire du moto cross !"

 

c) Webographie

Citons les sites (tous en anglais évidemment) 

https://en.wikipedia.org/wiki/Native_American_literature

https://www.studysmarter.co.uk/explanations/english-literature/american-literary-movements/native-american-literature/

 https://americanindiansinchildrensliterature.blogspot.com/

 https://en.wikipedia.org/wiki/Native_American_Renaissance

 https://www.comicsbookcase.com/reading-lists-archive/comics-by-indigenous-creators

Il est aussi possible de trouver des informations sur les écrivains et écrivaines cités dans cet article par le biais de Google Books (en intégral ou extraits)

 

- Scott Momaday : 

Conversations with Scott Momaday/ Edited by Matthis Schubnell, University Press of Mississipi, 1997 (compilation d'entretiens et d'interviews)

The names : a memoir/Scott Momaday, University of Arizona Press, 1976 (autobiographie)

Reading, learning, teaching N. Scott Momaday/Jim Charles, Peter Lang, 2007

 

- Gerald Vizenor 

Writing in the oral tradition/Kimberley M. Blaeser, University of Oklahoma Press, 1996

Gerald Vizenor/Sous la direction de Simone Pellerin, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2022 (en anglais)

Postindian conversations/Gerald Vizenor, Robert A. Lee, University of Nebraska Press, 1999

 

- Paula Gunn Allen

Speak to me words : essays on contemporary american indian poetry/edited by Dean Rader and Janice Gould, University of Arizona Press, 2003

 

- James Welch

James Wech : a critical companion/Mary Jane Lupton, Greenwood Press, 2004

 

- Simon J. Ortiz

American Indian Literary Nationalism/Jace Weaver, Craig S. Womack, Robert Warrior, University of New Mexico, 2006

 

- Joseph Bruchac

Joseph Bruchac : an author kids love/Michelle Parcker-Rock, Enslow Publishers, 2009 (basé sur un interview de Joseph Bruchac en 2007)

 

- Linda Hogan

Decolonial animal ethics in Linda Hogan’s poetry and prose towards interspecies thriving/Malgorzata Poks, Routledge, 2024

 

- Leslie Marmon Silko

Leslie Marion Silko : a literary companion/Mary Helen Snodgrass - McFarland, 2011

  Silko : writing storyteller and medicine woman/Brewster E. Fitz - University of Oklahoma, 2004

 

- Wendy Rose

Native American Renaissance/Kenneth Lincoln - University of California, 1983

 

- Joy Harjo

Soul talk, song language : conversations with Joy Harjo/Joy Harjo, Tanaya Winder - Wesleyan University Press, 2011

 

- Luci Tapahonso

  A to Z of American Indian Women/Liz Sonneborn - Infobase Publishing, 2007

 

- Louise Erdrich

Louise Erdrich/David Stirrup - Manchester University Press, 2013

Understanding Louise Erdrich/Seema Kurup - University of South Carolina, 2016

 

- Sherman Alexie

Sherman Alexie : a colection of critical essays/Jeff Berglund, Jan Roush - University of Utah, 2011

Understanding Sherman Alexie/Daniel Grassian - University of South Carolina, 2005

 

- Tommy Orange

With "There there" , Tommy Orange has written a new kind of American Epic/Alexander Alter, dans "Identity Politics", 31/05/2018, p101-106.

 

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 Plumes rouges (1) : du mot à l'écrit

 

 

 



05/09/2023
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