L'ours polaire

L'ours polaire

Les Amérindiens des Etats Unis au 20ème siècle (3) : Red Power (1960 et après)

 

Quelle était la situation des amérindiens aux Etats Unis à l'aube des années 1960? Ils étaient officiellement tous citoyens des Etats Unis depuis 1924, mais dans quelle mesure étaient-ils intégrés à la société américaine? Quel regard avait d'eux la société dominante?

Les événements n'allaient pas tarder à donner des réponses à ces questions, mais il faut mettre en lien les faits qui vont suivre avec les mouvements de contestations et les changements culturels qui allaient transformer les Etats Unis. Les amérindiens n'étaient pas isolés de ce climat. Ainsi, j'ai déjà brièvement parlé des liens qu'ils allaient tisser avec les militants noirs des droits civiques. Ils profiteront aussi indirectement de la contestation de la guerre du Viet Nam et des mouvements culturels et écologiques pour "booster" leurs revendications.

 

 

XI) De nouveaux guerriers

 

Pour apprécier la montée en puissance des mouvements amérindiens, il convient d'examiner trois cas qui illustrent ce phénomène, en notant qu'en même temps le mouvement civique pour les noirs débutait en cette année 1960.

 

 

a) La bataille du Blue Lake

 Pour les paisibles habitants du village de Taos, au Nouveau Mexique, le Blue LakeBlue Lake est un lieu sacré intimement relié à leur récit de la Création. C'est un endroit de prière, de recueillement et d'offrandes, même de nos jours, car le catholicisme qu'ils professent a inclu les anciennes croyances. Lors de la constitution de leur réserve, le lac en faisait partie et devait le rester "jusqu'à la fin des temps". Cette zone était vitale pour eux pour des raisons plus matérielles : les cours d'eau sortant du lac irriguaient naturellement leurs terres et les paturages proches étaient vitaux pour leur bétail.

Mais en 1906, le président Theodore Roosevelt décide de créer un parc naturel le "Carson National Forest" formé en grande partie de terres prises aux habitants de Taos. Bien évidemment, le Blue Lake y fut inclus. Théoriquement, l'accès en demeurait libre pour les Pueblos, mais de plus en plus de heurts éclatèrent avec les gardes forestiers. Il était évident que la présence des Pueblos près du lac était considérée comme indésirable. Pire, ceux ci eurent vent de projet "d'aménagement" pour rendre le lac plus accessible aux touristes et virent des entreprises de bûcheronnage exploiter la forêt environnante.

Très vite, ils agirent en justice contre le gouvernement fédéral en l'accusant de violer les traités et en réclamant la restitution des terres qui avaient été soustraites à leur réserve, refusant systématiquement toute indemnisation.

Celle lutte juridique ponctuée de manifestations pour médiatiser leur cause s'étendra sur des décennies, sans jamais qu'ils se lassent. Nixon jettera l'éponge en 1970 en signant un décret qui entérinait le retour de la majeure partie des terres disputées aux Pueblos de Taos. Il faudra cependant attendre 1996 pour que ces derniers récupèrent la rive occidentale du lac.

De loin, l'événement nous semble mineur. Mais pour les Pueblos, c'était une grande victoire et un événement majeur de leur histoire dont ils sont très fiers. Ce succès allait stimuler à travers tous les Etats Unis les communautés indiennes qui souhaitaient retrouver les droits territoriaux et surtout les sites cultuels dont elles avaient été spoliées.

 

 

b) Black Mesa 

 En plein territoire Navajo et Hopi s'étend la Black Mesa, une zone montagneuse sillonnée de larges veines de charbon que les Hopi exploitaient pour le chauffage et la cuisson de leur poterie. Bien évidemment, cela ne pouvait qu'intéresser les Blancs et notamment la "Peabody Energy" qui signa en 1964 un contrat pour exploiter des gisements et utiliser une nappe phréatique pour transporter le charbon jusqu'en Utah sur 439 kilomètres de parcours, avec les Navajos d'abord, puis en 1966 avec les Hopis. 

Les termes du contrat étaient si avantageux pour l'entreprise que tant les Hopis que les Navajos (pourtant traditionnellement ennemis) protestèrent avec énergie tant contre la Peabody que contre leurs gouvernements tribaux respectifs qui étaient accusés de ne pas avoir assez vigoureusement défendu leurs droits et même de les avoir bradé. La coupe fut pleine quand ils découvrirent que l'avocat chargé de représenter les Hopis était salarié par... la Peabody!

Il faut aussi noter que la majorité des villages Hopis refusèrent de reconnaître leur Conseil Tribal lors de sa constitution en 1935 et refusèrent même carrément d'y siéger pour maintenir leur ancienne organisation sociale.

L'explotation de la Black Mesa, outre qu'elle attaquait un site sacré pour les Navajos et les Hopis, menaçait gravement leurs ressources en eau pour leurs cultures et patûrages. Pour les Hopis en particulier, qui sont des cultivateurs du désert, la moindre goutte d'eau est importante. Aussi n'est-il guère étonnant que la Black Mesa devienne le point de cristallation de manifestations contre l'exploitation du site. Celle-ci, au point de vue sanitaire et écologique, fut l'une des plus désastreuses du siècle au Etats Unis. L'exploitation dévastait le paysage, polluait ou asséchait les sources.

Manifestations et procès se suivirent jusqu'en 2005 quand l'exploitation cessa parce que la dernière centrale à utiliser le charbon de Black Mesa ferma. Elle était la plus polluante des Etats Unis!

Et cependant, la Peabody voulait continuer à exploiter le site! En 2008, lOffice of Surface Mining autorisa la poursuite des opérations d'extractions. Les Hopis et Navajos firent appel de la décision qui fut cassé en janvier 2010 parce qu'elle ne répondait pas aux nouvelles normes

environnementales en vigueur aux Etats Unis.

 

 

 c) La réserve Tuscarora

 Tuscaroras manifestant

 

Originaires de Caroline du Nord, la majeure partie des survivants de la nation Tuscaroras émigrèrent vers le nord après l'échec d'une révolte en 1712-1713 contre les Anglais et les colons de Caroline qui les décimèrent. Ils y furent reçus à bras ouverts par les Iroquois qui les admirent comme sixième membre de leur Confédération. Ils partagèrent dès lors le destin de celle-ci et reçurent en 1803 une réserve dans le comté de Niagara, pas très loin des fameuses chutes.

Ils y vécurent plutôt paisiblement jusqu'en 1958, date à laquelle Robert Moses, un haut fonctionnaire de l'état et de la ville de New York décida que les terres de Tuscaroras étaient formidablement bien situées pour y servir de lieu d'acceuil au réservoir de la centrale hydroélectrique du Niagara. Sans autre forme de procès, il fit saisir plus de cinq kilomètres carrés de la réserve qui n'en compte guère qu'une vingtaine.

Mais il avait négligé un détail : les terres des Tuscaroras étaient garanties par un traité avec le gouvernement américain et l'état de New York. Il avait aussi oublié que les Iroquois étaient des gens pugnaces et comptaient dans leurs rangs des avocats.

Moses ne recevra que deux kilomètres carrés pour son réservoir en 1961. Mais les choses ne s'arrêtérent pas là pour les Tuscaroras! Avec une incroyable détermination, ils conduiront pendant quarante deux ans des actions en justice pour obtenir une juste réparation. La construction du réservoir avait en effet inondé une partie de leurs terres, conduit aux déménagement de plusieurs familles et sérieusement perturbé l'économie de la réserve.

En 2003, ils obtinrent gain de cause : la ville et l'état de New York durent s'engager à leur verser de confortables indemnités financières et à leur rendre des terres qui n'avaient pas été inondées.

Et il ne se sont pas arrêtés là! Ils soutiennent actuellement les Onondagas, une autre nation membre de la Haudenosaunee (Confédération Iroquoise) dans leur lutte pour récupérer des terres dont ils ont été spoliés.

 

 

 3) La Fondation du National Indian Youth Council

 C'est à Gallup (Nouveau Mexique) que se forme en 1961 le "National Indian Youth Council".

Cette nouvelle organisation est née à la suite du conflit opposant les tribus amérindiennes du nord-ouest (états de Washington et d'Oregon) aux autorités locales et fédérales à propos des droits de pêche. Les traités signés avec les indiens de ces régions stipulaient en effet que ces derniers gardaient des droits de pêche sur des zones ou cours d'eau extérieurs à leurs réserves, ce qui était essentiel pour ces peuples dont le saumon était l'aliment de base. Mais ces droits étaient battus en brèche par la législation des états qui voulaient imposer aux indiens la règle générale, d'où des saisies de matériels et des arrestations. Des manifestations intertribales comprenant les membres de ces tribus, mais aussi des militants amérindiens venus d'autres régions (Dakota, Montana, Nouveau-Mexique) finirent par faire plier les états en question, en partie grâce à l'exposition médiatique du conflit.

Avec cette organisation, on change d'échelle. Ses fondateurs étaient en effet déçus par l'attitude jugée trop conciliante du "National Congress ofAmerican Indian" et de son manque d'ambition supposé.

Le "NIYC" se donne en effet comme objectif dès sa fondation de défendre les droits des amérindiens, dans et hors des frontières américaines.

Il revendique haut et fort son "indianité" et lutte pour obtenir :

- La défense des religions traditionnelles et des espaces sacrés;

- La défense des droits civiques des amérindiens (interdit de vote en Arizona et au Nouveau Mexique jusque 1948);

- Une implication plus grandes des amérindiens eux-mêmes dans la vie politique des Etats Unis;

- L'éducation de la population américaine sur le passé, le présent et le futur des communautés indiennes des Etats Unis;

 - La solidarité pan-amérindienne envers les communautés des autres pays du continent américain à travers des conférences et des actions communes;

- La protection des droits particuliers garantis par les traités signés entre les nations indiennes et les Etats Unis;

- La formation professionnelle et la création de bureau de placement pour les indiens.

Le "Manifeste" du NIYC se termine sur ces mots :

" Le NYIC croît que la mode de vie des amérindiens est valable et que les indiens ont droit de vivre selon leur culture. A travers le NIYC les mains des indiens et des non-indiens se rejoignent pour créer un monde plus juste et plus humain".

 

Tout ceci mérite commentaire. Outre le fait que l'on trouve trace dans les objectifs du NYIC des idéaux de l'époque, le mouvement se présente clairement avec une volonté affiché de promouvoir l'intégration des amérindiens dans le monde d'aujourd'hui non pas en s'assimilant, mais bien au contraire en promouvant, en diffusant et en défendant les valeurs culturelles, religieuses et philosophiques amérindiennes. Il ne limite pas son action aux seuls Etats Unis, mais prône une solidarité entre toutes les communautés amérindiennes des Amériques et tend la main vers d'autres communautés raciales. Il prône aussi la résistance au "BIA", au gouvernement fédéral et aux états désireux de rogner les droits des amérindiens.

L'influence du mouvement des droits civiques est indéniable, mais le fait qu'alors que la démographie indienne croît de plus en plus fortement est aussi corrélé avec l'apparition du NYIC.

 

Cette organisation existe toujours. Durant les années 1960, elle concentra beaucoup son activité sur le respect des traités et la lutte contre la "Termination".

Vers la fin de la décennie, ses membres participent activement aux différents plans pour tenter de réduire la pauvreté aux Etats Unis.

On les retrouve dans les années 1970 aux côtés d'organisations de défense de l'environnement. Ils iront en justice à de nombreuses reprises après avoir intenté des procès à des entreprises de mines d'uranium ou de charbon violant les lois environnementales sur les terres indiennes. Dernièrement (2012), ils ont contribué à bloquer un projet d'usine de gazification du charbon sur le territoire Navajo (voir plus haut à la Black Mesa).

 

 

 /4) La fondation de l'American Indian Movement et la montée des radicaux.

 Tee shirt de l'AIM 

 Mais revenons aux années 1960. La vie politique américaine est alors dominée par les conséquences des luttes pour les droits civiques et la guerre du Vietnam. Durant cette dernière (1965-1973), environ 45000 amérindiens iront y combattre.Ils seront aussi témoin des mouvements de contestations de plus en plus puissants au sein des Etats Unis et notamment de l'action des mouvements afro-américains radicaux tels que les "Black Panthers" en 1966.

 

Aussi, il n'y a rien d'étonnant à voir apparaître en 1968 à Minneapolis (Minnesota) le "American Indian Movement" qui suit la même ligne d'inspiration que les "Black Panthers". Ses objectifs sont clairement de promouvoir la spiritualité et l'autodétermination des communautés amérindiennes et de défendre les droits civiques de ceux qui en font parti. Ses fondateurs sont Dennis Banks (Ojibwe), George Mitchell (Ojibwe), Herb Powless, Clyde Bellecourt (Ojibwe), Harold Goodsky (Chippewa), Eddie Benton-Banai (Ojibwe). Tous faisaient partis de ces indiens dont les parents avaient été incités à quitté les réserves pour les villes où ils n'avaient rencontré que pauvreté, exclusion et racisme. Cette nouvelle organisation, bien plus radicale que les préexistantes, n'allaient pas tarder à recevoir de nombreux adhérents du Canada et du reste des Etats Unis.

 

Pour atteindre ses objectifs, l'AIM était prête à des actions spectaculaires pour attirer sur elle l'attention des médias et du public. Et elle n'allait pas tarder à faire parler d'elle!

En novembre 1970, ils occupent à l'occasion du "Thanksgiving Day" la réplique du "Mayflower" ancrée à Boston.

L'année suivante, ils occupent brièvement les bureaux du "Bureaux des Affaires Indiennes" à Washington et occupent le site du Mont Rushmore dans les Blacks Hill et le revendiquent comme terre indienne. Les Blacks Hills, qui se sont trouvées au coeur du conflit de 1876-1877 entre les Etats Unis d'une part, et les nations Lakotas et Cheyennes de l'autre, ont en effet été "retirées" du territoire de ces derniers sans qu'aucun traité ne soit venu avaliser ce vol de territoire, ce qui juridiquement fonde les revendications des militants de l'AIM. 

 

 

 En 1972, ils organisent la première "Marche des Traités Brisés" qui s'achèvent par une nouvelle occupation des locaux du "Bureau des Affaires Indiennes" à Washington

 

 

 Ils en profitent pour exposer leurs vues politiques sur la question indienne en réclamant la restauration de la souveraineté des nations indiennes et leur droit de traiter d'égal à égal avec le gouvernement des Etats Unis, comme avant 1871, de renégocier les anciens traités, de permettre aux leaders amérindiens de s'adresser directement au Congrès, de recevoir des compensations pour toutes les violations de traités.

Ils désirent aussi la création d'une commission du Congrès pour reconstruire tout le système liant l'état fédéral aux communautés indiennes, récupérer 450000 km2 de terres prises sans compensation par le gouvernement des Etats Unis, protéger les terres indiennes des visées des états, voire restaurer les droits des nations qui ont subi le programme de "Termination".

Dans leurs objectifs figure aussi la surpression du "Bureau des Affaires Indiennes" qui devrait être remplacé par un autre service, la liberté religieuse et le respect de leur(s) culture(s), le droit de vivre dans des conditions décentes (santé, emploi, logement, développement et éducation).

 

Mais il faut bien le dire, tout cela n'était qu'un avant-goût de ce qui allait se passer dans le Dakota du Sud à Wounded Knee.

 

 

V) Wounded Knee II et ses conséquences

 

a) De Wounded Knee I à Wounded Knee II

 Wounded Knee (Čaŋkpé Opí), petite localité d'environ 400 habitants est située dans le sud-ouest du Dakota du Sud, pas très loin de la frontière du Nebraska. Elle est incluse dans la réserve Lakota de Pine Ridge dont je parlerais plus loin. Je préfère en effet mentionner tout de suite l'importance historique du lieu aux yeux des Lakotas. La tradition raconte en effet qu'à proximité de ce lieu furent ensevelis les ossements et le coeur de Crazy Horse. Certains disent même que lorsque que l'on colle son oreille sur le sol et que' l'on écoute très attentivement, on peut entendre ce dernier battre.

C'est aussi là que le 29 décembre 1890 les soldats surexcités du 7ème de cavalerie massacrèrent plus de trois cent Lakotas, pour la plupart désarmés, en trouvant en plus le moyen dans le confusion de s'entretuer. Ce carnage est souvent cité comme ayant clos le chapitre des "Guerres Indiennes".

 

Pine Ridge,qui en taille est la huitième réserve amérindienne des Etats Unis avec près de neuf mille kilomètres carrés, compte près de 30000 habitants, en majeure partie des Oglalas Sioux.

Cette réserve est un fragment de la "Grande Réserve Sioux" créée en 1868 et démantelée en 1889. Encore aujourd'hui, elle évoque plus le tiers-monde que les Etats Unis car elle est aussi l'une des plus pauvres, que ce soit en 1973 ou aujourd'hui.

En 1934, à la faveur de "L'indian Reorganisation Act" de 1934, les Oglalas se dotèrent d'une constitution copiée sur celle des Etats Unis et d'un gouvernement tribal dirigé par un président élu pour deux ans.

Les Lakotas traditionnalistes, en majeure partie des "full-blood" n'acceptèrent pas ce changement et continuèrent à suivre les avis des anciens. Ce furent surtout les métis et les Oglalas qui avaient eu l'expérience de la vie urbaine qui en bénéficièrent et occupèrent les postes de responsabilité. Un clivage naquit alors entre ces deux parts d'une même communauté qui ne tardèrent pas à s'opposer.

 

Dick WilsonLe Président tribal d'alors était Dick Wilson (1934-1990). Ce dernier, un métis, était très critiqué et même franchement détesté d'une part importante de la population de la réserve pour la manière éhontée dont il favorisait sa famille et ses amis en leurs distribuant les rares emplois et bénéfices sans consulter le Conseil Tribal. Autocrate dans son comportement, il persécutait ses opposants et avait constitué une milice privée, les "Guardians pf the Oglala Nation", surnommé "Goons" (Idiots) par ceux ci.

 

Plusieurs tentatives judiciaires furent faites pour obtenir sa destitution, mais toutes échouèrent.

En désespoir de cause, les chefs traditionnels et les anciens, notamment Ellen Moves Camp et le vieux chef et "Homme Saint" (chef spirituel) Frank Frank Fools CrowFools Crow (1890-1989) se décidèrent à faire appel à l'AIM et à organiser une grande manifestation publique pour dénoncer la situation et l'inertie du gouvernement fédéral. Ce ne fut pas sans hésitation, car une récente manifestation de l'AIM au sujet du meurtre d'un jeune indien dans la ville de Custer avait dégénéré en affrontement violent entre la police et les militants, avec des voitures et des bâtiments officiels incendiés et des blessés de part et d'autre. Si bien que certains pensaient sur la réserve que "Là où l'AIM passe, l'ordre trépasse" et seront plutôt mécontent de la venue de ces militants.

 

Le 27 février 1973, 200 militants de L'AIM et activistes Oglalas occupérent le hameau de Wounded Knee. Ils réclamaient la destitution de Wilson et voulaient négocier un nouveau traité avec le gouvernement fédéral, ainsi qu'obtenir le renforcement des droits civiques des amérindiens.

Des négociations eurent lieu avec des sénateurs du Dakota du Sud, des agents du FBI et des représentants du Ministère de la Justice. Las! Le gouvernement de Nixon était alors plus préoccupé par les débuts de l'affaire du Watergate et les négociations ne tardèrent pas à s'enliser dans les sables.

 

Les militants étaient armés, et même si les munitions manquaient, beaucoup avaient bénéficié d'une solide instruction militaire et avaient combattu au Viet Nam ou en Corée. Ils ne tardèrent pas à creuser des tranchées et des points d'appuis et même à bricoler un "véhicule blindé".

Frank Fools Crow était présent. Il initiait les jeunes indiens urbains ignorant des traditions Lakotas, menait des cérémonies religieuses et joua un rôle important dans les négociations, s'attirant l'ire de Wilson qui déclara à la presse "que pour les Oglalas, Fools Crow est moins que zéro", ce qui montrait son ignorance et son mépris envers la culture traditionnelle de son propre peuple. Fools Crow allait en effet jouer un rôle important dans la suite des événements.

 

De l'autre côté, des hommes du FBI, de la Garde Nationale du Dakota du Sud et des polices locales les encerclaient.

Wilson et ses hommes souhaitaient qu'un assaut soit monté contre les militants retranchés à Wounded Knee et s'infiltraient dans le "no man's land" pour tenter de provoquer des incidents en tirant. ils établissaient aussi des barrages routiers auxquels même les envoyés du gouvernement devaient montrer patte blanche (si je puis dire!).

 

Toute l'affaire se déroula dans la confusion en raison principalement des atermoiements du gouvernement fédéral qui ne savait quelle position adopter. Toutefois, alors que Wilson ne cessait de réclamer un assaut qui aurait pu s'achever en bain de sang, on préféra de part et d'autre temporiser et éviter autant que l'on pouvait un affrontement direct.

Les fédéraux et les officiels du Dakota du Sud préférèrent jouer la montre en escomptant un essoufflement du mouvement.

Du côté de l'AIM, on tenta de relancer l'attention des médias en déclarant l'indépendance de Wounded Knee et en envoyant une délégation conduite par Fools Crow à l'ONU pour en demander la reconnaissance, sans trop de succès.

 

Malheureusement, le sang coulera quand même. Une fusillade laissera un marshall du Dakota du Sud paralysé à vie et deux militants amérindiens seront tués.

Suite à cela, les anciens appelleront à la fin de l'occupation qui aura en tout duré soixante et onze jours.

 

 

 

Les résultats de l'intervention de l'AIM seront pour le moins mitigés. Wilson restera en place et sera même réélu lors d'une élection entachée de fraudes et de pressions sur les opposants éventuels en 1974, devant Russel Means qui était candidat, mais il devra abandonner son fauteuil après avoir été battu en 1976 et quittera la réserve. Il y reviendra en 1990 pour briguer un nouveau mandat, mais sera terrassé par une crise cardiaque.

Entre temps, une véritable atmosphère de terreur s'abattit sur Pine Ridge. Entre le 1er mars 1973 et le 1er mars 1976 le taux de meurtre sur la réserve s'élèvera à 170 pour 100000, le plus fort taux des USA! Au moins soixante opposants au gouvernement tribal de Wilson seront assassinés durant cette période. Certains des partisans de Wilson auraient été aussi tués par des membres de l'AIM voulant se venger.

 

 

Alors que des membres du FBI en nombre croissant (jusqu'à plus de 60 hommes, ce qui est énorme et inhabituel) étaient basés près de la réserve, presque tous les meurtres demeureront non résolus ou impunis.

Beaucoup de militants de l'AIM (mais pas seulement) y voient la preuve que la plupart des assassinats étaient "téléguidés" par le FBI, les Goons de Wilson servant d'exécutants.

La plupart des dirigeants de l'occupation de Wounded Knee seront mis en prison au moins durant une courte période (Russel Means, Dennis Banks), ou devront s'exiler.

C'est dans ce contexte que se déroulera l'affaire Leonard Peltier, un militant de l'AIM accusé d'avoir assassiné en 1975 deux agents du FBI. Sans vouloir ici rentrer dans le fond de l'affaire, il existe des éléments mettant en doute les preuves fournies et l'équité du jugement. Leonard Peltier est en prison depuis 1977 sans (à ma connaissance) que son procès ait été révisé. Plusieurs demandes de clémence présidentielle ont échouée, en partie en raison de l'intransigeance du FBI. Est-ce une coïncidence, mais à la même époque étaient découverts des gisements d'uranium dans les Black Hills, montagnes dont les Lakotas ont été dépossédés sans traité en 1877 et qu'ils revendiquent comme leur appartenant, d'autant qu'il s'agit pour eux d'un lieu sacré. On peut soupçonner une volonté fédérale ou autre d'empêcher toute mobilisation amérindienne contre les projets d'exploitations de ces gisements qui se heurtaient déjà à l'hostilité des éleveurs de bétails (blancs) de la région des Black Hills.

 

L'AIM ne disparaîtra pas après ces événements. Entre le 11 février et le 15 juillet 1978, elle organisera la "Longue Marche" entre Alcatraz et Washington. Mais avec de nombreux militants (environ 500) arrêtés et traduits en justice, elle devra dépenser une énergie et de grosses sommes d'argent pour les défendre, ce qui réduira fortement son action. L'AIM se divisera durant les années 1980 en plusieurs courants qui sont toujours actifs aujourd'hui.

 

A voir ce bilan, on pourrait conclure que Wounded Knee II a été un échec total. Ce point de vue est à nuancer fortement! Le siège à d'abord fait découvrir aux américains et au monde les conditions réelles d'existence des amérindiens aux Etats Unis. Beaucoup des militants qui y participèrent et qui étaient des "indiens urbains" coupés des traditions de leurs peuple redécouvrirent celles-ci à la suite du siège. Ils les apprirent et en devinrent à la fois des conservateurs et des propagateurs de celle-ci.

 

Enfin, alors que Dick Wilson et le gouvernement fédéral pensaient que les persécutions sur les militants de l'AIM allait décourager le militantisme, cela allait s'avérer un échec. Non seulement les militants devenaient de plus en plus nombreux, y compris dans les organisations plus anciennes, mais de nouvelles se créaient. Des alliés allaient en plus venir soutenir les actions des amérindiens : défenseurs des droits de l'homme, écologistes, mouvements alternatifs...

 

A ce titre, Wounded Knee II marque une étape décisive et importante qui ouvre une nouvelle période.

 

 

XII) Reconnaissance et autodétermination

 

La prise de conscience des conditions réelles de vie des amérindiens aux Etats Unis et le constat d'échec de toutes les politiques précédentes (Loi Dawes, Indian Reorganisation Act, Termination) allait amener une révision radicale des vues des législateurs.

 

1) Abandon des politiques d'assimilation.

En 1975, une commission sénatoriale fut constituée pour enquêter sur la politique indienne. Ses conclusions rejetaient sans appel toute politique visant à assimiler les amérindiens. Elle préconisait une augmentation de l'autonomie des différentes tribus et un renforcement de l'aide financière à celles-ci.

A la suite de ce rapport fut rétablie le "Senate Committee on Indian Affairs" qui avait été créé au début du 19ème siècle et dissous en 1946. Ce comité devint permanent en 1984 et est compétent pour proposer des mesures juridiques en faveur des amérindiens et (car on les oublie souvent) des Hawaiens.

 

En 1978 viendra une cascade de mesures répondant partiellement aux demandes des militants amérindiens : les tribunaux tribaux deviennent alors compétents pour décider de placer un enfant dans une famille d'accueil ou en permettre l'adoption, et ceci de préférence dans des familles amérindiennes, et non plus dans des familles d'ascendance européennes comme c'était auparavant systématiquement le cas.

La liberté de culte est reconnue, même si celle-ci reste théorique et ne restitue pas aux amérindiens les sites ou les objets sacrés dont ils ont été dépouillés (Un grand nombre d'artefacts ont été confisqués à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème et ont fini dans des musées publics ou privés). La liberté de mener des cérémonies traditionnelles ne sera officiellement reconnue qu'en 1994.

La même année, la Cour Suprême des Etats Unis reconnaît les nations indiennes comme des nations souveraines, mais celle-ci est limitée est soumise aux décisions du Congrès.

Ce dernier créé aussi une Commission chargée d'examiner les demandes de reconnaissance fédérale émise par des groupes non reconnus comme tribus indiennes.

 

Douze ans plus tard, viendra une loi protégeant les langues amérindiennes et autorisant leur enseignement scolaire et à utiliser celles ci pour enseigner. Elles peuvent bénéficier des mêmes crédits que l'enseignement des langues étrangères.

En cette même année 1990 est aussi édicté une loi protégeant l'art et l'artisanat indien des contrefaçons et une autre imposant aux musées d'inventorier les restes humains ou artefacts amérindiens et d'en diffuser les listes pour permettre aux nations concernées de les récupérer si elles en manifestent l'intention. Cette loi sera aussi étendue aux sites archéologiques ce qui provoquera parfois des tensions entre chercheurs et amérindiens.

 

Il faudra cependant attendre 1996 pour le Président Clinton décide que le mois de novembre soit le "National American Indian Month".

 

2) Le "bison blanc"

En 1979 allait se passer en Floride un événement lourd de conséquences.Casino Seminole

Les Séminoles de Floride s'aperçurent en effet qu'un casino implanté sur des terres indiennes échappait aux taxes de l'état de résidence et à celles du gouvernement fédéral. Ils ont donc construits leur propre casino à Fort Lauderdale. La Floride étant une région touristique, ils ne tardèrent pas à accéder par ce biais à l'autosuffisance financière et à pouvoir financer par eux-mêmes leurs services (éducation, santé et autres).

 

Cela allait donner des idées à d'autres nations à travers les Etats Unis qui y virent le remède miracle à leurs problèmes. Les résultats seront contrasté. Dans les régions dépourvues d'attrait touristique ou de grandes agglomérations proches, cela ne marcha pas. Souvent, les traditionnalistes s'y opposèrent, parfois avec un succès. Ils considèrent que les casinos ne résolvaient pas tous les problèmes et parfois les aggravent. Ce point de vue est loin d'être faux. J'ai personnellement vu un reportage sur une tribu en Californie qui avait avant le casino un sérieux problème de toxicomanie chez les jeunes. L'argent n'a pas supprimé le problème, il a surtout permis aux toxicomanes d'accéder à des drogues plus puissantes. Et d'autres problèmes sont apparus : détournement d'argent et jalousie des voisins blancs qui ne disaient rien tant que les indiens étaient fauchés et vivaient dans des caravanes insalubres!

L'état de Californie, excédé de la prolifération des casinos indiens échappant à toutes taxes sur son territoire tenta en vain à plusieurs reprises d'en limiter les ouvertures ou de les imposer aux taxes de l'état sans y parvenir.

 

Ce qu'un Lakota surnommait non sans humour le "bison blanc" est à double tranchant : bénéfique (et même très bénéfique) dans certaines situations, il peut aussi générer ou amplifier des situations de détresse.

 

3) La lutte continue pour la terre

Dès la mise en route de l'Indian Reorganisation Act en 1934, le gouvernement fédéral mis en place une commission chargée d'examiner les réclamations des nations indiennes au sujet des terres dont ils avaient été dépouillé sans traités ou après violation de ceux ci. Le but de cette commission était bien entendu d'éteindre les litiges en indemnisant souvent à minima les plaignants. Ainsi, les Apaches Chiricahuas toucheront des indemnités pour les terres dont ils avaient été spoliés dans le sud-ouest, mais sur la base du prix d'un terrain nu. De plus, bien souvent ces sommes d'argent seront répartis par tête, empêchant de facto les tribus de les utiliser pour mener à bien des programmes d'aménagement ou sociaux. Ce système n'a cependant pas mis fin à tous les litiges.

 

Le cas le plus emblématique est celui des Black Hills situés dans la partieDevil's Tower sud-ouest du Dakota du Sud. Tant pour les Lakotas que pour les Cheyennes, ces montagnes représentent le centre du monde et sont sacrées. C'est pour eux un lieu de prière et de funérailles avec de multiples mythes qui y sont rattachés.

En 1868, le traité de Fort Laramie en reconnaît la possession "pour toujours" aux Lakotas. Mais après qu'une expédition dirigée par Custer ait pénétré en violation des traités dans les Black Hills pour y découvrir de l'or, d'innombrables prospecteurs affluèrent de toute part. Dans un premier temps, le gouvernement fédéral tenta de les empêcher de passer, mais il ne tarda pas à tenter de les acheter aux Lakotas à partir de 1874. Ceux ci refusèrent toutes les offres, y compris une curieuse proposition de "location" qui laissa les indiens muets de surprise et d'indignation.

En 1877, le gouvernement fédéral pris possession de la région en violation du traité de 1868. Depuis, les Lakotas ne cessent de réclamer l'application de ce dernier.

L'affaire fut portée en 1980 devant la Cour Suprême des Etats Unis qui condamna l'état fédéral à verser aux Sioux comme dédommagement la somme qu'il avait offert aux Lakotas en 1874, augmentée de ses intérêts, soit 106 millions de dollars. Les Sioux refusèrent cette accord et exigèrent la restitution des Black Hills. Céder serait pour eux reconnaître le vol de terres qui pour eux sont aussi sacrée que le sol du Saint Sépulcre du Jérusalem, celui de la Mecque ou les pierres du Mur des Lamentations. Dernièrement (2012), la somme dépassait les 800 millions de dollars. Mais la réponse des Lakotas et toujours la même : "Non!"

 

 4) Mort et renaissance des Pequots (et de quelques autres!)

Beaucoup de nations indiennes furent déclarées "mortes" après le décès du dernier "Full-Blood" par décision unilatérale du gouvernement fédéral. Mais à partir des années 1960-1980, plusieurs de ces tribus se manifestèrent de nouveau et réclamèrent du gouvernement fédéral leur reconnaissance en temps que nations. Ce dernier point n'est pas évident. Les postulants doivent en effet fournir les preuves qu'ils ont continué à exister entre la suppression de leur statut tribal et le moment de leur demande, fournir des pièces justifiant de leur ascendance amérindienne (recensements), etc..., etc... Bref, il s'agit d'un véritable parcours du combattant et une procédure juridique qui d'appels en appels peut s'étirer sur des décennies!

 

Ces "renaissances" eurent surtout lieu sur la côte atlantique et pacifique des Etats Unis, là où les nations indiennes furent les plus décimées.

 

Regardons brièvement trois cas pour illustrer ce thème : celui des Pequots, des Chinooks et Winnemen Wintus.

 A l'arrivée des européens, les Pequots vivaient dans l'actuel Connecticut et se comptaient au minima au nombre de 16000 en 1620 à l'arrivée des premiers colons européens. Mais une série d'épidémies n'allaient pas tarder à les frapper et en 1637 on estimait qu'il n'en restait déjà plus que 3000.

Ces derniers étaient très fâchés des empiétements constants des colons Puritains sur leurs terres et ils finirent par se révolter pour tenter de repousser ces envahisseurs. Ces derniers firent alliance avec de vieux ennemis des Pequots, les Mohegans et les Narrangasetts. Les Pequots furent écrasés et y perdirent la moitié de leur population. Quelques uns prirent la fuite et trouvèrent asile chez les Mohawks ou d'autres tribus. Beaucoup furent vendus comme esclaves aux Bermudes où ils ne résistèrent pas au climat, à l'exode et à la dureté du travail servile. D'autres furent cédés aux Narrangasetts et Mohegans. Ces derniers les traitèrent si mal que les dirigeants de la Colonie du Connecticut les récupèrerent!

Ceux ci furent installés sur deux réserves minuscules, avec interdiction d'utiliser le nom "Pequot" pour se désigner ou de parler cette langue.

En 1856, on considéra de façon unilatérale que les indiens en question n'existaient plus ou étaient assimilés et on autorisa l'état du Connecticut à mettre fin à l'existence des réserves et à en lotir le sol qui fut presque complétement acheté par des blancs.

En 1910, il y avait encore 66 personnes qui se considéraient comme Pequots, dont 13 seulement vivaient sur les terres Pequots. En 1973, il ne restait plus qu'une très vieille femme à vivre sur le dernier kilomètre carré de terre tribale. A sa mort cette année-là, l'état du Connecticut mit la main sur ce qui restait. Il n'y avait plus de Pequots... Sauf que..

L'état du Connecticut n'avait pas compté avec Richard "Skip" Arthur HaywardHayward! Ce dernier et sa famille se considéraient comme Pequots et furent indignés par ce qui se passait. Hayward se lança alors dans une folle entreprise : prouver que les Pequots étaient encore là et récupérer leurs terres. Pour un homme sans formation universitaire qui vivait du commerce des fruits de mers, c'était osé!

Certes, l'époque était favorable à une telle revendication, mais tout de même.

Il rechercha les gens d'ascendance Pequots et les persuada un à un de revenir sur les terres ayant appartenu à leur peuple durant toutes les années 1970 et 1980, tout en travaillant pour obtenir la reconnaissance fédérale et le développement économique de la tribu pour que celle-ci soit viable.

En 1976, les Pequots, soutenus par le "Native American Rights Fund" et "l'Indian Right Association poursuivirent en justice les propriétaires des terres dont ils avaient été spoliés en 1856 par l'état du Connecticut. Après sept ans de procédure, ces propriétaires négocièrent avec les Pequots. Ils reconnurent que la vente de 1856 avait été illégale et se joignirent aux Pequots pour réclamer au gouvernement de l'état son soutien pour obtenir la reconnaissance fédérale de la nation Pequot. La magistrature de l'état vota à l'unanimité une motion réclamant du gouvernement fédéral la reconnaissance de l'existence des "Mashantucket Pequot". Le 18 octobre 1983, le Président Ronald Reagan signait le document qui reconnaissait à ceux ci la reconnaissance fédérale de leur statut de nation indienne, les autorisait à racheter leurs anciennes terres tribales et à les placer sous la protection du "Bureau des Affaires Indiennes.

Les Mashantuckets ne tardèrent pas à disposer de plus de cinq kilomètres carrés de terres tribales. Pour devenir économiquement indépendant, ils se lancèrent dans plusieurs activités. Celles-ci étaient la vente de bois de chauffage, la fabrication de sirop d'érable et le maraîchage, l'élevage porcin et la création d'une serre hydroponique. Ils ouvrirent aussi un restaurant et exploitèrent une carrière de gravier et de sable

Mais ce ne fut pas là leurs ressources la plus lucrative! Inspirés par l'exemple des Séminoles, ils achetèrent une ancienne pizzeria située sur les terres tribales et la transformèrent en bingo. L'affaire s'avéra si lucrative qu'ils la transformèrent en casino, le "Foxwoods Resort Casino". Ce dernier est devenu l'un des plus fructueux casinos de tous les Etats Unis, générant assez de bénéfices pour que toute la communauté ait une couverture sociale et permettre la création d'un magnifique musée, le "Mashantucket Pequot Museum and Research Center", inauguré le 20 octobre 1993. Ils tentèrent aussi de retrouver leur langue, qui n'était plus parlée depuis le début du 19ème siècle à travers des documents écrits des 17ème et 18ème et en empruntant les mots manquants à des peuples linguistiquement proches.

Ce succès allait pousser un deuxième groupe, les "Eastern Pequot Tribal Nation" dans le sud-est du Connecticut à se joindre aux descendants des Schaghticoke, une tribu "post-coloniale" (comme les Séminoles) formée au 18éme par les survivants de différentes nations de la région (Mahicans et autres). Mais ils auront moins de chance, si l'état du Connecticut les a reconnu comme groupe, l'état fédéral a repoussé leur demande de reconnaissance.

Toute les histoires ne finissent cependant pas aussi bien que celle des Pequots! Comme je l'ai indiqué, obtenir le statut de le reconnaissance fédérale est un véritable parcours du combattant. Prenons ainsi le cas des Chinooks. Ces derniers vivaient sur le littoral Pacifique, dans les actuels états de l'Oregon et de Washington. Habiles commerçants, ils contrôlaient tout le commerce dans le nord-ouest des Etats Unis entre la côte et les tribus de l'intérieur. A bord de leurs canoës, ils échangeaient le saumon séché, les esclaves et les coquillages marins contre des fourrures, de la viande et d'autres marchandises. A l'arrivée des européens, ils servirent d'intermédiaires commerciaux entre eux et d'autres peuples connaissant un surcroît de prospérité qui ne sera que temporaire. Les nouveaux arrivants amenèrent en effet des maladies inconnus qui décimèrent les Chinooks, notamment la variole et la malaria. Autre mauvaise nouvelle annoncée par l'arrivée de l'expédition de Lewis et Clark en 1805 signifie à terme la perte de leur rôle d'intermédiaire dans le commerce pour les Chinooks. Trop affaiblis pour s'opposer aux colons américains, ils durent signer en 1851 un traité qui leur faisait perdre la majeure partis de leurs terres et les reléguait sur de petites réserves et les divisaient en plusieurs groupes : les Cathlamets, les Clatsops, les Lower Chinooks, les Wahkaikums et les Willapas.

Les Cathlamets étaient 300 en 1805. Vers 1850, il en restait une cinquantaine qui se dispersèrent et fusionnèrent avec d'autres nations comme les Quinaults ou les Yakimas

Les Clatsops perdirent presque toutes leurs terres, mais présentent une particularité historique rare aux Etats Unis : ils n'ont jamais eu de réserves et "s'associèrent" avec les Nehalems (ou Tillamooks). Ils vivaient dans de petits villages regroupant des familles unis par des liens de parentés. Au nombre de 200 en 1805, il n'en restait plus que 26 de recensés en 1910 au milieu des restes d'autres tribus sur la réserve de Grande Ronde.

Les Lower Chinooks estimés estimés à 800 personnes en 1800. En 1945, l'administration du BIA estima qu'ils ne formaient plus une nation à part, ses membres ayant fusionné avec d'autres peuples.

Les Wahkaikums étaient 200 environ vers 1800. Ils furent décimés par les épidémies et les survivants rejoignirent les Yakimas vers 1850.

Bref, les descendants des Chinooks étaient dispersés sur plusieurs réserves (quand ils se trouvaient sur elles!) et l'histoire semblait s'arrêter là... Aussi, en 1954, le gouvernement décréta la "Termination" des sous-groupes de la nation Chinook à l'exception des Willapas, considérés comme "extinct" depuis le 19ème siècle.

Les descendants des Chinooks, plus de 2000 personnes disséminés en Oregon et dans l'état de Washington décidèrent de la faire revivre. Ils s'organisèrent et pétitionnèrent auprès du gouvernement fédéral pour être reconnu comme nation indienne. Ils reçurent ce statut par le Congrès Américain le 3 janvier 2001. Mais c'était sous l'administration Clinton! Car le 5 juillet 2002 l'administration Bush le leur retira, en partie sous la pression des Quinaults, une nation indienne voisine et de problèmes juridiques.Les nations indiennes fédéralement reconnues veillent en effet fortement à ce que ce statut ne soit pas accordé à des usurpateurs.

 

 

Les descendants des Chinooks n'ont cependant pas jeté l'éponge et continuent d'essayer aujourd'hui d'obtenir ce statut.

 

Un autre cas est celui des Winnemen Wintus. Ces derniers vivent dans le nord de la Californie. Les indiens de cette région ont particulièrement soufferts. De plus de 300000 à l'arrivée des européens, ils n'étaient pas plus de 15000 vers 1900. Epidémies, travail forcé et "chasseurs de scalps" avaient fait leur oeuvre.

Pour les Wintus, qui habitent les montagnes du nord ouest de la Californie, ils étaient plus de 5000 vers 1800. En 1910, il en restait tout au plus un millier, dont seulement quelques centaines de Winnemen Wintus. Ces derniers ont été victime d'un massacre qui coûta la vie à 42 hommes, femmes et enfants en 1854 et une prime de 5$ sera accordée jusqu'au début du 20ème siècle pour tous les membres des milices locales pouvant apporter la preuve de la mort d'un indien.

En 1945, une grande partie de leurs terres et de nombreux sites sacrés seront recouverts par les eaux du Shasta Dam. Ils se battent aujourd'hui pour être reconnu par l'état fédéral, reconnaissance qui leur permettrait de protéger leurs sites sacrés entre autres choses, mais ils sont divisés en trois factions différentes qui essaient chacune de leur côté de l'obtenir. Ils ont jusqu'à aujourd'hui échoué et ne sont pas en plus reconnus par l'état de Californie. Ils font partie de ces "indiens invisibles" qui sont au moins 150000 aux Etats Unis.

 

5) Le renouveau des religions traditionnelles

 Depuis que les religions traditionnelles peuvent être de nouveaux pratiquées et que leurs célébrations sont redevenues légales, elles ont parfois connu un renouveau surprenant que ce soit dans l'ouest ou dans l'est, comme chez les Iroquois. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire que tous les obstacles aient été levés!

 

Dans la catégorie réussite, examinons par exemple le cas de la "Danse du Soleil". Cette cérémonie était à l'origine surtout pratiquée par les nations indiennes des Plaines du Nord, nomades ou non, à savoir les  Sioux, Cheyennes, Crows, Arapahoes, Mandans... Par la suite, elle sera adoptée par les Comanches, Kiowas et d'autres peuples des Plaines du Sud. Cette cérémonie qui peut durer plusieurs jours, peut culminer avec des offrandes de chair et de sang faites par les participants. Celles-ci, plus spectaculaires que dangereuses vont dans un sens altruiste : offrir un sacrifice pour obtenir la réalisation d'une prière bénéficiant à un proche (guérison d'une maladie, réussite professionnelle, etc...) ou à l'ensemble de la communauté (victoire sur l'ennemi, bonne chasse ou bonne récolte, etc...).

Cette cérémonie sera interdite aux Etats Unis dès 1890. La petite histoire dit que cela s'est fait après que la femme d'un officier en garnison se soit évanouie à la vue du sang, mais il est plus probable qu'il y ait eu association entre les militaires, qui voyaient en la cérémonie "l'expression même du caractère belliqueux des indiens" et les missionnaires qui y voyaient une cérémonie "païenne et satanique".

L'application de l'interdiction fluctuera beaucoup selon les réserves et l'état d'esprit des agents des Affaires Indiennes. Cela ira de l'interdiction pure et simple à une relative tolérance, sauf pour le piercing.

Dans les années 1940, cette cérémonie avait pratiquement disparus. Lorsque de jeunes Lakotas de retour d'Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale voulurent en célébrer une, ils ne trouvèrent personne qui ne sache en organiser une sur leur réserve (Pine Ridge je crois) et trouvèrent par hasard un vieillard sur la Cheyenne River Reservation qui en gardait le souvenir.

Pourtant, dès 1942, le président Franklin Roosevelt, en réponse à la demande d'un "homme saint" Lakota avait autorisé la tenue d'une "Sun Dance" pour souhaiter la victoire des Alliés.

Ce n'est que dans les années 1960, et plus particulièrement après les événements de Wounded Knee que les "Sun Dance" prirent un essor fulgurant. Cette renaissance coïncide avec le souhait de nombreuses personnes de réaffirmer leur indianité et de défendre la culture traditionnelle de leur peuple. Cette extension ne sera pas d'ailleurs sans poser des problèmes inattendus aux chefs religieux traditionnalistes!

En effet, la "Sun Dance" sera "exportée" chez des nations qui ne l'avaient jamais pratiqués auparavant comme les Navajos ou les Choctaws. Plus grave encore, des groupements "New Age" l'adopteront et la détourneront de son sens initial, des groupes féministes en tiendront des réservées aux femmes et même des groupes "sado-masos" s'en empareront. Dois-je aussi parler des escrocs organisateurs de cérémonies payantes?

Bref, devant cette situation, les "hommes saints" de différentes nations se réunirent et prirent des décisions draconiennes tout à la fois pour préserver le sens de la cérémonie et pour lutter contre son dévoyement par des groupes non-indiens. Ils décidèrent que chaque réserve ne pourrait tenir qu'une "Sun Dance" par an. Que seuls les peuples qui la pratiquaient avant 1890 pouvaient la célébrer et que les non-indiens ne pouvaient en aucune façon y participer, quelque soit le degré de sympathie et de compréhension qu'ils pouvaient avoir envers les indiens et leur culture.

 

J'ai parlé du fait que les pratiques des cultes traditionnels amérindiens se heurtent encore à bien des obstacles. L'un des cas les plus emblématiques et celui du Mont Graham ou "Dzil Nchaa Si An" (La grande montagne assise). Plus haut sommet des Pinaleno Mountains en Arizona avec ses 3267 mètres d'altitude, le Mont Graham abrite une faune et une flore très rare structurée selon les étages de végétation, du désert au roc nu en passant par les forêts de pin qui abritent le rare écureuil roux du Mont Graham, considéré comme disparu dans les années 1950 avant d'être redécouvert dans les années 1970.

Le Mont Graham est un élément marquant du paysage qui fait qu'il est le lieu central de nombreux mythes amérindiens et un site sacré pour de nombreux peuples, notamment les Apaches de la réserve de San Carlos. Pour les Apaches, la montagne abrite les Gans, les "Esprits de la Montagne" qui jouent un rôle central dans de nombreux rites, notamment lors de la cérémonie célébrant la puberté des jeunes filles ou les rituels de guérison. Ils y sont toujours allé pour y conduire des cérémonies ou chercher des plantes médicinales.

Quant la réserve de San Carlos fut créé, le Mont Graham se trouvait inclus dans ses limites, mais en 1873, le démantèlement de la réserve en deux entités distinctes, San Carlos proprement dit et Fort Apache fit que la montagne se trouvait désormais en dehors des réserves apaches. Ceci ouvrit la route aux prospecteurs et aux entreprises de bûcheronnage, première atteintes au caractère sacré de la montagne.

Tout aller s'aggraver dans les années 1990 quand des scientifiques du Vatican (Eh oui!) se mirent à chercher dans l'hémisphère nord un site capable d'accueillir un observatoire astronomique aux dimensions pharaoniques. Après avoir enquêté, ils jetèrent leur dévolu pile poil sur le Mont Graham, avec l'accord et le soutien enthousiaste de l'Université d'Arizona. Sept télescopes devaient y être édifié

Celle-ci ne pouvait ignorer le caractère sacré du site et s'attendait à une certaine opposition des Apaches. Aussi sa direction écrivit une belle lettre aux Apaches pour leur demander l'autorisation de construire ledit observatoire sur la susdite montagne. Mais ladite lettre n'atteignit jamais ses destinataires et fut retrouvée 18 mois plus tard dans le tiroir d'un fonctionnaire du Bureau des Affaires Indiennes. Comme l'Université de l'Arizona ne reçut pas de réponse et jugea que silence valait approbation, les travaux commencèrent. Le projet concernait le Vatican, l'état de l'Arizona, l'Université du Minnesota, l'Université de l'Ohio, l'Université de Virginie, l'Université de Dresde, l'Université du Texas, l'Université de Chicago, l'état italien.

Comme le site était écologiquement sensible et protégé, l'état d'Arizona votera opportunément une exception pour le cas du Mont Graham.

Ola Cassodore (1923-2012), voix de l'opposition des Apaches au projet d'observatoire du Mont Graham Bien évidemment, quand ils virent le chantier s'ouvrir sur l'une des cimes inviolées jusqu'alors de la montagne, les Apaches de San Carlos furent furieux et le Conseil Tribal mandata Ola Cassodore pour parler en son nom et déclencha une campagne mondiale d'opposition à la construction des observatoires en s'appuyant sur le réseau des mouvements alternatifs, des écologistes et des défenseurs des droits de l'homme.

En 1987, le Pape Jean-Paul II se rendit à Phoenix (Arizona) pour y faire un beau discours où il encourageait "les peuples indigènes à garder leurs cultures et traditions", tandis que les travaux se poursuivaient de plus belle. Toutefois, dans le même temps, l'Université du Texas annonça son retrait du projet, premier succès des Apaches.

L'année suivante, l'Université de Chicago jeta l'éponge à son tour, mais dans le même temps, le "Lobby du Vatican" obtenait du Congrès des Etats Unis un vote autorisant la construction de trois télescopes sur le Mont Graham.

En 1990, alors que des centaines d'arbres sont abattus sur le chantier, le département d'écologie et dfe biologie de l'Université de l'Arizona proteste contre le projet.

De l'autre côté, on organisa la contre-attaque pour défendre le projet. Ainsi, le Vatican, qui se targueGeorges Coyne de promouvoir le dialogue entre les cultures et les religions allait montrer son vrai visage. Le père Georges Coyne, directeur de l'Observatoire du Vatican déclarera en 1991que le lieu "n'avait aucun caractère sacré" après que des "études longues et approfondies de la part d'experts" aient été mené (sic!). Le même déclarera le 25 mai 1992 que les croyances des Apaches sont "une sorte de religiosité qui doit être supprimé avec toutes les forces que nous pouvons réunir".  Cela n'empêchera pas l'Université de l'Ohio d'abandonner sa participation au projet.

Les Apaches répliquèrent en occupant durant une journée la cathédrale catholique de Phoenix en clamant leur volonté de la transformer en observatoire astronomique pour percer les secrets de l'univers. Etrangement, l'Eglise Catholique qualifia cet acte de "sacrilège" et se plaignit que les indiens entravaient la liberté de religion, alors qu'elle aurait du être fière de voir sa cathédrale servir ainsi aux progrès de la science.

En 1993, l'observatoire du Vatican et celui du Max Planck Institute de Dresde étaient achevés et fonctionnels. Cela ne fera pas décroître l'opposition farouche des Apaches qui prouvent que ceux du 20ème siècle valent en ce domaine leurs aïeux!

L'année suivante, un groupement d'association écologiste attaque le projet devant les tribunaux et réclame l'arrêt des travaux, en invoquant notamment le risque d'extinction de l'écureuil roux du Mont Graham. Pour les contrer, les partisans des observatoires n'hésiteront pas à truquer des données scientifiques pour affirmer que les constructions ont eut lieu dans des zones qui ne sont pas l'habitat principal de cette espèce. La Cour se prononce cependant en faveur des écologistes, mais l'Université de l'Arizona fit appel de la décision, sans succès puisque celle-ci sera confirmée.

La lutte rebondit en 1996 quand l'Université d'Arizona obtient du Congrès une exemption des lois environnementales pour le site du Mont Graham, la même année où le Président Clinton émit un ordre exécutoire pour préserver les lieux sacrés des amérindiens et leur usage pour les rites religieux. Le tribunal de Tucson annulera toutefois l'interdiction de construction en s'appuyant sur la décision du Congrès. Les Apaches et leurs amis iront en appel en invoquant l'inconstitutionnalité de la décision du Congrès, mais seront déboutés.

En 1999, la lutte est relancée quand le U.S Forest Service reconnaît le Mont Graham comme un site historique à protéger

Elle continue encore aujourd'hui pour empêcher de nouvelles constructions ou l'extension des existantes. A première vue, les Apaches ont échoué, mais il faut considérer que sur les sept observatoires prévus au départ seuls trois ont été édifié, à savoir celui du Vatican, qui est géré par l'ordre des Grégoriens, celui de l'Université Max Planck de Dresde et celui de l'Université d'Arizona. Bref, si ce n'est pas Austerlitz, ce n'est pas Waterloo et je veux bien prendre des paris sur le fait que les Apaches continueront à exister bien après que les observatoires aient disparus. Aucun des 53000 Apaches recensés ne me contredira, je pense! Déjà deux gigantesques incendies ont menacé les observatoires... Les Gans sont peut être mécontents...

Quand à cette triste affaire pour l'amoureux d'astronomie que je suis, elle met en lumière que même pour la science la fin ne justifie pas les moyens, d'autant que les Apaches et leurs croyances ont été en cette occasion traité avec le plus grand mépris par des gens s'autoproclamant "éclairés". Je me souviens par exemple de la déclaration d'un docte "savant" qui déclarait dans un documentaire consacré à l'affaire "que la recherche pour percer les secrets de l'univers ne doit pas être ralentie par des croyances primitives".

 

L'exemple ci-dessus montre que la liberté religieuse accordé aux amérindiens reste largement théorique, ce qui ne manque pas de sel quand on considère que les Etats Unis nous reprochent à nous français d'être intolérant en refusant de voir une religion dans la secte des Scientologues!

 

6) La lutte contre la pauvreté et ses conséquences.

Les Amérindiens sont les grands perdants du "Rêve américain". Ce sont eux qui (en moyenne!) ont les revenus les plus faibles (la réserve de Pine Ridge est l'endroit le plus pauvre des Etats Unis), le plus fort taux d'échec scolaire, le plus fort taux de chômage (jusque 90% sur certaines réserves des Dakotas ou du Montana) et qui enregistrent le plus fort taux de décès par diabète, alcoolisme, tuberculose et suicide (surtout chez les jeunes), sans parler de l'impact de la criminalité. Celle-ci ne vient toutefois pas des seuls indiens! En 2012, selon les statistiques du Département de la Justice, une amérindienne sur trois avait été victime de viol ou de tentative de viol, plus de deux fois le taux de la population globale. 80% de ces agressions ont été commises par des non-indiens.

Dans un ordre d'idée, les autorités tribales des réserves du Dakota voient avec inquiétude les jeunes qui ont grandi en milieu urbain amener sur les réserves les gangs et une culture urbaine de la violence.

Bien évidemment, les Amérindiens ne restent pas les bras croisés devant cette situation et tentent, avec leurs seuls moyens le plus souvent, d'améliorer la situation.

Ainsi des progrès réels ont été accomplis en matière sanitaire et dans le domaine de la prévention, notamment en faisant travailler de concert les institutions médicales "classiques" avec des guérisseurs ou des membres des communautés.

Pour l'alcool, la majeure partie des tribus à opté pour le "laisser-faire" plutôt que pour la prohibition. Cela peut sembler une capitulation, mais la vente d'alcool sur la réserve même sert ensuite à alimenter des programmes sociaux et éducatifs dont l'axe majeur et la lutte contre les toxicomanies en tout genre.

Elle est en tout cas moins dommageable que la situation existant près de la réserve de Pine Ridge. A proximité de celle-ci s'est élevé la petite localité de Whiteclay qui ne vit que de la vente d'alcool aux habitants de la réserve (Sioux Oglalas). L'intoxication alcoolique sur cette réserve où le taux de chomage frise les 85% et où la moitié des ménages vivent en-dessous du seuil fédéral de pauvreté atteint 85% des familles, 25% des enfants souffrent par ailleurs de séquelles d'intoxication alcoolique foetale. Le taux de suicide des adolescents y est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Depuis de longues années, les activistes Oglalas se battent pour la fermeture des quatre magasins d'alcool de cette localité qui ne compte que quatorze habitants! Aux dernières nouvelles (2012), les ventes d'alcool ont baissé à Whiteclay. Quelque chose serait-il en train de changer?

Dans tous les cas, la situation s'est amélioré sur le long terme, même si l'écart avec le reste de la population américaine demeure monstrueux. J'ai lu que jadis à Denver (Colorado) quand on disait "J'ai vu un indien", cela sous-entendait que ledit indien était ivre. Maintenant, on doit le préciser, même si le stéréotype demeure à tel point qu'un acteur amérindien amateur de vins déclara en substance un jour : "Quand je prends un verre de vin, j'ai l'impression que tout le monde me regarde en s'attendant que je vide la bouteille complète avant de rouler sous la table!"

 

 

7) Racisme et stéréotypes : des mascottes sportives au Klu-Klux-Klan

Les préjugés et les stéréotypes sont très présents aux Etats Unis à l'encontre des amérindiens. Ceux ci se manifestent par les clichés de l'indien guerrier courageux et féroce, ou l'image idéaliste du bon sauvage vivant dans la nature.

Le cliché du guerrier courageux est très utilisés par les clubs sportifs les plus divers aux Etats Unis. Récemment, plusieurs organisations amérindiennes sont entrés en lutte contre ceux-ci pour obtenir leur suppression ou leur modification.Cette lutte peut sembler sans importance, par rapport à d'autres, mais elle fait partie pour les amérindiens d'un mécanisme de reconquête de leur dignité et de réappropriation de leur image. Elle manifeste leur désir de "casser" les stéréotypes hollywoodiens. Certains peuples indiens étaient belliqueux et même "prédateurs" (Apaches, Comanches, Kiowas...), mais dans la grande majorité, il s'agissait de peuples plutôt pacifique, tant qu'on ne venait pas contester leurs droits, et même dans les cas précités, cela dépendait beaucoup de la situation et de la personnalité des leaders... exactement comme dans une nation dite "civilisée"! Ils ne veulent pas être poursuivis par l'iconographie guerrière du "sauvage courageux" dans le 21ème siècle. Ainsi, on a pu voir des Apaches (ce qui ne manque pas de sel) protester contre le fait que l'armée américaine donne des noms de peuples à des armes de destruction (hélicoptères Apaches en l'occurence).

 

 

L'image du bon sauvage vivant dans la nature est aussi stéréotypée et aussi énervante pour les amérindiens d'aujourd'hui que la précédente. Certes, les amérindiens avaient de la nature une vision très différente de celle des européens. Tandis que ces derniers la considérait comme un monstre à domestiquer et à exploiter sans vergogne, car ainsi qu'il est écrit dans la Bible, l'homme est fait pour dominer la nature et l'exploiter à sa guise. L'optique amérindienne ne place pas l'homme à part de la nature et ne lui donne pas plus de droit sur elle qu'en ont les autres créatures vivantes. Toutefois, l'indien tuait du gibier pour manger et se procurer des matières premières, il cultivait la terre en défrichant, pêchait et exploitait des gisements de charbon, de silex ou d'autres minéraux. Il n'a jamais été le bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau, des adeptes du New Age et de certains écolos naïfs, pas plus qu'un sauvage sanguinaire. Le lien entre les amérindiens et la terre est en fait beaucoup plus complexe que l'on ne le pense, car il englobe aussi l'attachement au lieu où ont vécu les ancêtres et celui aux sites religieux. A la cartographie physique du pays se surpose une autre carte mythico-religieuse toute faite de symboles (le Mont Graham, par exemple).

 

Wounded Knee, la nationalité américaine pour tous en 1924 n'ont jamais fait disparaître le racisme envers les amérindiens. Celui-ci a même connu une nouvelle expansion avec la montée des revendications indiennes. Et à attirer sur eux l'attention du Klu-Klux-Klan qui les ajouta à la liste de ses nombreux ennemis. On leur reproche de voir "détruire l'oeuvre des Pères Fondateurs", de vivres d'aumônes fédérales au dépens des autres américains et même de faire partie "d'une noblesse" en raison des critères de sang nécessaire pour être reconnu comme amérindien.

J'ai pu trouver trace d'une histoire édifiante. Un sculpteur Lakota spécialisé dans les miniatures (dont j'ai hélas oublié le nom) était parvenu par son succès à travers le monde à vivre fort convenablement de son art. Pour offrir à sa famille de meilleure condition de vie, il décida d'acheter une maison dans une banlieue résidentielle plutôt huppée du Dakota du Sud. C'était la seule famille amérindienne du quartier. Peu après leur installation commencèrent de petits incidents : boîte aux lettres saccagée, poubelle renversée sur la pelouse... Cela alla crescendo jusqu'à des coups de fils anonymes et des tags racistes. Un jour, il s'aperçu que quelqu'un avait tenté durant la nuit de pénétrer dans sa maison. Soucieux de protéger sa famille, il déménagea. C'est un exemple, mais il suffit de revoir plus haut les chiffres des agressions sexuelles sur les femmes amérindiennes ou le passage sur le KKK pour se rendre compte qu'il décrit une réalité. Et pas seulement par les extrémistes d'ailleurs! Dernièrement un sénateur de l'état de New York s'opposant aux revendications territoriales et financières des Iroquois déplora le fait que "l'on en pouvait plus régler l'affaire à coups de fusil comme par le passé". La réaction des amérindiens ne se fit pas attendre et prit la forme de manifestations de protestations et de dépôts de plaintes.

  

8) Le jugement du sang ou qu'est ce qu'un indien, qu'est ce qu'un Pawnee?

Pour être reconnu comme membre à part entière d'une nation indienne, il faut remplir des critères de "sang". Ceux ci sont simples, pour être considéré comme amérindien, il faut justifier au moins d'un quart, d'un demi ou plus de sang amérindien, c'est à dire avoirun parent ou un grand-parent amérindien. Mais cela ne suffit pas encore. Il faut justifier de son appartenance à une tribu amérindienne et y être rattaché.

Prenons comme exemple les Pawnees, un peuple semi-nomade du Nebraska, ennemi des Sioux et alliés des Blancs, ce qui ne leur évitera pas la perte de leurs terres originelles et leur transfert en Oklahoma en 1875. Pour être Pawnee, il faut justifier d'au moins 1/8 de sang Pawnee. Vous pouvez très bien être ce que l'on appelle un "full-blood indian" et ne pas remplir ce critère, parce qu'il vous faut au moins un arrière-grand parent Pawnee, avec la confirmation par la présence de son nom ou du votre sur les listes de recensement de la fin du 19ème siècle ou du 20ème (d'où l'importance de la généalogie pour les amérindiens actuels!).

A l'origine, les Amérindiens se posaient moins de questions. Le groupe décidait dans le cas de captifs ou d'adoptés si on les considérait comme faisant parti de la nation ou non. Dans le cas de mariage, la règle matrilinéaire était suivie par une majorité de peuples. L'époux devenait membre de la nation ou du clan de l'épouse. Dans tous les cas, les enfants faisaient automatiquement parti du groupe, et cela sans égard pour leur couleur de peau.

Famille MashpeeEn fait, ces critères de sang furent amené par les colonisateurs, qu'il soient espagnols, français ou anglais important peu. Ce qu'il faut juste retenir, c'est que plus votre sang était "blanc", plus haut vous étiez dans l'échelle sociale. J'ajouterai que dans la hiérarchie raciale qui prédomina au moins jusque 1900, le blanc (européen et surtout anglo-saxon) était au sommet du podium, le jaune (l'asiatique fourbe et raffiné) était à une honorable seconde place, le rouge (l'amérindien aux brutaux accès de cruauté) était troisième et on trouvait en bon dernier le noir (l'africain sauvage et "primitif").

Le "sang" était aussi un moyen d'éviter l'infiltration de la "bonne société" par des gens au sang "impur" et permettait dans le cas des amérindiens de les comptabliser, de savoir à qui ont devait verser les annuités prévues par les traiter, de les contrôler et si besoin était de les dresser les uns contre les autres.

Le résultat? Voici la description par un "homme-medecine" Lakota de la cour d'école de son enfance (vers 1970). "Dans un coin, il y avait les "full-blood", dans un autre les métis avec du sang blanc, dans un autre ceux qui avaient des ascendances afro-américaines et dans le dernier coin ceux qui avaient des ancêtres ou des parents asiatiques. Et chacun restait dans son coin". Faut-il rappeler que "Wounded Knee II" est parti d'un conflit entre les"full-blood" plutôt traditionnalistes et les métis? Faut-il rappeler l'existence d'une politique qui consistait à favoriser ces derniers au dépens des premiers, jugés plus proche de la "sauvagerie"?

J'ajouterai que l'homme ci-dessus, bien que Lakota convaincu, savait parfaitement que l'un de ses aïeux était un canadien français dont de loin descendants habitent peut être encore la région de La Rochelle!

 

Or, les mariages intertribaux ont toujours existé et on tendance à se multiplier. Les mariages interraciaux ont toujours été fréquents. Ainsi, dès le 18ème siècle, les indiennes de l'est des Etats Unis, en raison du manque d'époux potentiels du fait de leur mort dans des guerres contre les colons épousèrent souvent des blancs ou des noirs, rendant les critères de sang de plus en plus ridicules. Bien souvent, on commémorait la mort du dernier membre de telle tribu uniquement parce qu'il était le dernier "full-blood" sans tenir compte des métis qui vivaient à côté en perpétuant les traditions tribales communiquées par les mères!

Des voix amérindiennes s'élèvent de plus en plus fort pour dénoncer l'ineptie de ce système de "blood quantum", car les populations sont de plus en plus mélangées. L'adhésion à la culture, aux traditions, aux intérêts de la communauté sont de plus en plus évoqués comme critère avec l'indispensable lien familial avec des membres de celle-ci.

Revenons sur les Pawnees. Au départ, pour être Pawnee, il fallait justifier d'au moins un quart de sang "Pawnee". Mais avec les unions interaciales et intertribales, il a fallut constamment baisser ce taux! Aujourd'hui un Pawnee peut avoir "1/8 de sang Pawnee, 1/8 de sang Modoc, 1/8 de sang Wichita, 1/8 de sang Navajo, 1/8 de sang Ecossais, 1/8 de sang Mexicain, 1/8 de sang Cheyenne et 1/16 de sang Afro-américain et 1/16 de sang Syrien" pour faire bonne mesure... tout en étant un très bon Pawnee bien au fait de la culture, de l'histoire et des traditions de sa nation.

 

9) Langues en danger

A l'arrivée des européens, il existait dans le nord prés de 300 à 500 langues et dialectes parlés par les amérindiens. Beaucoup ont disparu sous la pression de la politique d'acculturation des autorités, d'autres parce que les adultes ne voyaient pas l'intérêt d'apprendre à leurs enfants une langue qui ne leur serait d'aucune utilité hors du monde de la réserve. Le résultat est que la plupart des langues restantes sont en danger et menacés de disparaître. Pour donner une échelle, il faut savoir que le Breton avec ses 206000 locuteurs est classés dans la catégorie des "langues sérieusement en danger" pour l'UNESCO.

Or, la langue amérindienne la plus parlée aux Etats Unis, le Navajo, n'est parlée que par Alphabet Cherokee178000 personnes, vient ensuite le Cherokee (22000 locuteurs) et le Dakota (18000 locuteurs)!

Beaucoup d'autres langues ne comptent plus qu'un nombre limité de personnes pouvant les parler couramment. Cochise reviendrait-il chez les Chiricahuas d'aujourd'hui, il ne pourrait converser qu'avec la moitié des 1500 Chiricahuas actuels. Et si "King Philip" Metacomet (1639-1676), le chef des Wampanoags revenait parmi les siens, il aurait bien du mal à se faire comprendre! Sa langue natale s'est en effet éteinte vers 1900...

Mais les choses changent. Peut être trop tard pour bien des langues, mais bien des amérindiens ont compris que la sauvegarde de leur langue maternelle était essentielle à la transmission de leur culture et de ses valeurs, les langages en questions servant parfois à manipuler des concepts intraduisibles dans d'autres langues que l'anglais.

Par exemple, pour en revenir aux Wamponoags, des efforts ont été conduits à partir de 1993 pour ressusciter cette langue. Ils ont porté leurs fruits puisque plus de 400 des 2000 Wampanoags recensés sont maintenant en mesure de comprendre cette langue et il y a même cinq jeunes enfants dont c'est la première langue devant l'anglais. Beaucoup d'autres peuples, que ce soit les Lakotas, les Navajos, les Comanches ou les Makahs font de même.

Il ne faut pas voir cette lutte comme une volonté de rester dans un passé figé. Le second défi pour ces langues, les amérindiens d'aujourd'hui l'ont bien compris, c'est d'être adaptées au monde moderne de façon à en assurer la pérénité. Ainsi, ils les rendent "visible" sur internet et les médias sociaux autant qu'ils le peuvent et tentent d'intégrer la modernité à celles-ci.

 Il est quasi impossible de dire si à terme ces tentatives seront couronnés de succès. Ce n'est pas seulement une question de locuteurs, mais aussi de cohésion du groupe. Ainsi, sur les 18000 Hopis, 90% comprennent cette langue et 50% la parlent couramment. 

D'autres ont délibérément "sauté le pas". Depuis quelques années des groupes de musique traditionnelle chantent délibérément en anglais pour eux compris de tous lors des "pow-wows" intertribaux.

 

10)Tribalisme ou pan-tribalisme?

Une autre menace voilée et insidieuse pèse sur les cultures amérindiennes. Si on peut considérer qu'elle vient de l'image stéréotypée et fantasmée du "chasseur de bisons monté sur son poney fringuant et parcourant sans relâche les grandes plaines" popularisées par les "dime-novels" et les westerns, elle vient aussi des indiens eux-même.

Cette menace est le pan-tribalisme, c'est à dire l'adoption par tous les peuples autochtones d'une représentation type de l'amérindien étouffant leur culture d'origine.

Au départ, ce pan-tribalisme culturel (qu'il ne faut pas confondre avec le pan-tribalisme politique, alliance de plusieurs nations indiennes dans un but défini) a été un moyen pour de nombreuses tribus, en majorité dans le sud-est des Etats Unis de réaffirmer une identité indienne à l'époque de la ségrégation raciale et des lois "Jim Crow" (1876-1964). Souvent métissé de noirs, les amérindiens de ces états découvrirent qu'ils pouvaient échapper à ces lois s'ils pouvaient prouver qu'ils n'étaient pas noirs (ou du moins pas complétement). Seulement, il fallait qu'ils "fassent" indiens selon la représentation que s'en faisait les Blancs. Comme pour ceux-ci un indien ce n'était pas un cultivateur de maïs et de courge, mais "Un chasseur de bisons..." et que les guerriers des plaines avec leurs coiffures de plumes étaient à la mode grâce au "Wild West Show" de Buffalo Bill, ils adoptèrent les tenus et les coiffures de plumes de ces derniers pour "faire indiens" devant les photographes et les officiels.

 

Catawba

 

 

Les choses vont d'ailleurs assez loin dans ce domaine! Ainsi les Lumbees de Caroline, l'une des plus grandes nations "indiennes" des Etats Unis avec plus de 55000 membres ont été reconnus comme indiens en 1885 par l'état de Caroline du Nord et en 1956 par le gouvernement fédéral. Cependant, les recherches ADN ont montré que chez eux l'ADN africain et européen surpassait largement Diane Fletcher, Kiowal'ADN amérindiens! Alors, des escrocs les Lumbees? Oui et non. Oui, car ils se sont servis de cet indianité supposée pour échapper aux lois "Jim Crow". Non, parce qu'ils ont fini par le devenir à force d'y croire. Il n'y avait pas que des Blancs pour passer "de l'autre côté de la barrière" et adopter le mode de vie amérindien. Il y a eu aussi beaucoup de noirs entre le 17ème et 18ème siècle. L'histoire de ces "Black Indians" commencent juste à être écrite. Minorité dans une minorité, leur existence n'en est pas moins réelle dans notre siècle.

   

 

 

Mais il n'en est pas moins vrai que s'est répandu avec le temps une uniformisation diffuse autour de l'image iconique de "l'indien des Plaines" qui a finit par inquiéter les amérindiens eux-mêmes, notamment quand eux "Danse du Soleil" fut organisé chez les Navajos! Il en est aussi ainsi de l'adoption des grandes coiffes de plumes qui jusque dans les années 1880 n'étaient l'apanage que de quelques nations du nord des Plaines, à savoir les Sioux, Crows, Blackfeet, Cheyennes, les Crees des Plaines et quelques autres. Elles furent adoptés dans d'autres groupes, soit à cause de leur côté spectaculaire, soit pour correspondre à l'image que les Blancs avaient de l'indien.

 

Il faut en effet comprendre que les indiens (ou amérindiens)n'existent pas et n'ont jamais existé! A l'arrivée des européens, ces peuples fort divers n'avaient pas de nom pour se désigner en tant qu'ensemble. Quand en 1889 Sitting Bull déclare à un journaliste que pour lui "il n'y a plus d'indiens", il ne parle pas de l'ensemble des "indigènes" de l'Amérique du Nord, mais seulement des Lakotas. Simplement, il a comme d'autres "amérindiens" adopté ce terme pour être compris de son interlocuteur "blanc" (ou rose pâle). Les ethnologues ont eux-mêmes bien vite abandonné ce terme "d'indien" source de confusion pour l'approximatif "Amérindien" (Indien d'Amérique), qui a au moins le mérite de donner une localisation géographique! Aux Etats Unis, on a fini par prendre le terme "Native American" que l'on pourrait grossièrement traduire par "Indigène d'Amérique", le Canada optant pour le très politiquement correct "Peuples autochtones". Faute de mieux, ces termes ont été adopté, mais restent souvent critiqués par les intéressés eux-mêmes!

 

 

Aujourd'hui autant qu'hier l'Amérique "Amérindienne" est un monde culturellement très varié. C'est d'ailleurs cette variété qui fait sa richesse dans un monde qui tend de plus à s'uniformiser. Les réponses qu'ont trouvé les "autochtones" pour répondre à l'arrivée des colons, puis à s'adapter à une nouvelle réalité et ont été parfois fort différentes. Toutes les nations amérindiennes ont cependant un point commun. Elles sont toutes entrées dans le nouveau millénaire avec la volonté de rompre avec la situation du siècle précédent et de retrouver leurs droit et leur dignité. Et elles espèrent bien que dans un millénaire encore il y aura toujours des gens pour célébrer la "Danse du Soleil" ou parler et écrire en Cherokee (Tsalagi)!

 

 10) Dernières tendances en démographie

Au premier avril 2010, on évaluait le nombre d'habitants des Etats Unis à 309 millions de personnes. De ceux ci, près de 3 millions revendiquaient une ascendance amérindienne (près de 1%), à ce total, il faut ajouter plus de deux millions d'individus qui revendiquent une ascendance amérindienne couplée avec une ou plusieurs autres origines (native american + caucasian; native american + afro-american, etc...), soit plus de 5 millions de personnes et près de 1,7% de la population totale.

L'Alaska est l'état américain comptant le plus fort pourcentage d'amérindien avec près de 15% de la population totale. Viennent ensuite le Nouveau Mexique (près de 10%) et le Dakota du Sud (près de 9%).

Numériquement, les principales nations sont : les Cherokees (env. 280000), les Navajos (env. 270000), les Sioux (env. 110000) et les Chippewas (env. 106000).

Plus d'un amérindien sur deux vit aujourd'hui en ville. Cette évolution est apparue avec la politique de "relocalisation" des années 1950 et s'est poursuivie d'elle-même pour un motif simple : la recherche d'emploi. Toutefois, ces populations ne sont pas coupées de leur culture d'origine. Non seulement elles effectuent souvent des "allers retours" vers les réserves, mais il existe dans les cités à forte communauté amérindienne des "Indians centers" qui leurs apportent de l'aide (emploi, formation, logement, etc..) et un contact avec leur culture par le biais de l'organisation de "pow-wows". Le monde de l'internet aide aussi à bien des choses!

Sur la démographie pure, le taux de natalité des amérindiens, qui reste toutefois le plus élevé aux Etats Unis, tend à diminuer alors que l'espérance de vie augmente peu à peu.

 

 

En manière de conclusion

Vers 1900, une ville du Colorado enterra une "capsule temporelle" destinée à être déterrée en 2000. Elle le fut et dedans on trouve un bloc de photographies représentant des Pueblos et leurs habitants. Le tout destiné "aux indiens ou (à défaut) leurs descendants. L'amérindien était en effet à l'époque le "Vanishing American" et sa survie, ne serait ce qu'en tant qu'individu paraissait très... aléatoire. Quant à sa culture, ou plutôt aux cultures amérindiennes, leur sort était arrêté : elles devaient disparaître.

Mais tous les pronostics ont été bousculé par les faits : non seulement l'indien a survécu entre individu, mais le nombre de ceux qui revendiquent aujourd'hui une identité amérindienne totale ou partielle est revendiquée par plus de cinq millions de personnes. Soit une augmentation de près de 2000% en un siècle!

Et les cultures amérindiennes ont désormais leur propre musée à Washington. Elles sont par ailleurs bien vivantes, notamment dans le sud-ouest des Etats Unis. Et elles connaissent une véritable renaissance d'un océan à l'autre. Il ne s'agit pas de ressusciter un passé défunt et de revenir aux années 1850, mais de revenir aux racines pour repartir de l'avant : dans le 21ème siècle et au-delà. Ces cultures continuent d'évoluer, d'adopter de nouveaux outils, de nouvelles techniques et moyens d'expression aux contacts d'autres. Car ils ne vivent pas sous globe et les réserves indiennes ne sont pas des zoos humains ou des attractions touristiques, mais leurs terres.

Ils sont aussi attentif à faire découvrir leurs cultures aux autres par le biais de l'art, qu'il s'agisse de peintures, de sculptures, de danses et de chants de vidéos ou de tout autre mode d'expression. Il suffit de faire preuve de curiosité et de respect, car leurs civilisations ne sont en rien inférieure à la notre par leurs complexités et la richesses.

Certes, tout n'est pas rose, loin de là et il leur reste beaucoup de chemin à faire pour remonter la pente. Il ne faut pas se voiler la face devant les problèmes qui les accablent. Mais même si cela est plus fort chez eux que chez d'autres pour des raisons historiques, ils ne sont pas les seuls à avoir des problèmes de chômage, de délinquance, de toxicomanie ou d'alcoolisme dans leurs communautés!

En ce domaine, nous n'avons d'ailleurs par de leçons à leur donner. La chose la plus positive que nous pouvons faire et de les laisser trouver eux-mêmes leurs solutions et de ne les aider que lorsqu'ils demandent notre aide. "L'aide" que les "civilisés" leurs ont voulu leur apporté à souvent eux des effets plus néfastes que le "mal" qu'ils voulaient combattre (La loi Dawes en est un excellent exemple!), ce qui a souvent engendré une méfiance quasi-pathologique envers ceux qui leur proposaient des mesures pour améliorer leur sort (L'Indian Reorganisation Act", pour ne citer que lui".

Ils sont à présents maîtres de leur destin. Libres de se tromper et d'échaouer, mais aussi d'avoir raison contre tous et de réussir. Et ma foi, que leur souhaiter à part de réussir? Ce serait un juste retour des choses!  

Et peut être un pas vers un monde plus tolérant, plus respectueux de la nature et de ses ressources... et surtout plus humain...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



12/12/2012
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