L'ours polaire

L'ours polaire

Les Amérindiens des Etats Unis au 20ème siècle : de 1871 à 1924, ou de si longues tènèbres

Cartes des réserves indiennes

 

I/Introduction

Il est une idée répandue qui consiste à penser que l’histoire des amérindiens aux Etats Unis s’est achevée avec le dernier coup de feu du massacre de Wounded Knee.

Désormais soumis et forcés d’adopter le mode de vie américain, les indiens auraient vu leur histoire se confondre avec celle des Etats Unis, dont ils seraient devenus citoyens à part entière en 1924, le reste n’étant plus que folklore. C'est une demi-vérité qui peut être imagé par la symbolique de la "bouteille à moitié vide ou à moitié pleine". Citoyens américains, ils le sont devenus, mais sans cesser pour autant d'être amérindiens, membres de nations autochtones.

 

 

a) Démographie amérindienne entre 1890 et 2003

Cependant, entre 1890, date théorique de fin des "Guerres Indiennes" et 2003, la démographie amérindienne a connu une évolution fulgurante bien loin de l’idée reçue qui consistait à prédire que les derniers représentants de la "race rouge" s’effaceraient devant la "civilisation" (blanche) ou se fondraient dans le "melting-pot" américain et perdraient toute identité propre.

Déjà dans les années 1880, un ethnologue américain nota avec surprise que chez les Cheyennes du Nord, qui avaient obtenu une réserve dans le Montana après leur fuite d’Oklahoma en 1877-1878, le nombre de naissance surpassait celui des décès.

Cependant, alors qu’on estimait le nombre des amérindiens présents sur le territoire des Etats Unis à environ cinq millions en 1492, puis à 600000 en 1800, il n’en restait plus que 250000 en 1910. Il y avait alors moins d’amérindiens sur le territoire américain que de voitures!

Mais peu à peu leur nombre allait augmenter de façon croissante pour atteindre environ 500000 en 1960, plus de 700000 en 1970, plus d’un million en 1980 et en 2003 environ 2 500000!

Cette augmentation fulgurante est due à plusieurs raisons: la fin des grandes épidémies, la mise en place d’un système de santé, aussi imparfait soit-il, mais surtout le fait qu’à partir des années 1960-1970 beaucoup d’américains qui avaient caché leurs racines amérindiennes dans les recensements précédents sont de plus en plus fiers de celles ci et n’hésitent plus à les afficher.

Et il y a aussi bien sûr la fin des "Guerres indiennes", quoique celles-ci ont eu des échos jusqu’au premier quart du 20ème siècle, comme nous allons le voir

 

 

II/ Les dernières révoltes (1890-1924)

Ces derniers sursaut eurent surtout pour cadre le sud-ouest (Arizona, Nouveau-Mexique) et la région du Grand Bassin (Utah, Nevada).

Parmi les faits les plus notables, des Apaches venus du Mexique mèneront occasionnellement des raids aussi tard que les années 1920 dans les zones frontalières pour se procurer des chevaux. La reddition de Geronimo et l’exil des Chiricahuas dans l’est n’avait pas en effet concernés les plus méridionaux des Chiricahuas, les Nednis! (Histoire des Chiricahuas : Ceux qui ne se sont jamais rendus)

 

Pourtant, c’est près de la frontière canadienne que se situa l’événement qui allait permettre à unBugonaygeshig (à gauche)
soldat américain de recevoir pour la dernière fois une médaille d’honneur lors d’une guerre indienne en affrontant des Ojibwes dans le nord de l’état du Minnesota le 5 octobre 1898 à Sugar Point (Leech Lake)!

En paix depuis les années 1830 (!), une partie des Ojibwes (aussi nommés Chippewa) se révolta contre la répression policière, la dévastation de leurs forêts par des entreprises de bûcheronnage et les continuelles tracasseries qu’ils subissaient de la part de l’état du Minnesota, fort hostile aux amérindiens. La situation se dégradera à tel point que l'état du Minnesota demandera pour arrêter les meneurs de la révolte. L’escarmouche de Sugar Point, le 5 octobre 1898, ne sera pas favorable à l’armée américaine: sur 80 hommes engagés, sept seront tués (dont un officier) et 14 blessés. Aucun des 19 Ojibwes impliqués dans l’affaire ne sera tué ou blessé sérieusement!

L’état fédéral imposera ensuite aux autorités du Minnesota un traitement plus équitable pour les indiens. Leur leader, Bugonaygeshig (1835?-1916) ne sera pas inquiété de même que ceux qui l'avaient suivi.

 

Plus au sud, en Oklahoma eut lieu une révolte bien différente dans sa forme chez les Muskogee Creeks qui étaient en paix depuis la fin de la Guerre de Sécession où ils avaient majoritairement pris le parti du Sud. A la fin du conflit, ils durent céder une partie de leurs terres, abolir l’esclavage et reconnaître comme citoyens Creeks à part entière leurs anciens esclaves (les "Freedmen")..

A partir de 1901, une majorité d’entre soutenus par les Freedmen (le gouvernement voulait sur des caractères de sang imposer un traitement distinct aux Creeks "Full-Blood" et aux anciens esclaves) s’opposèrent à la partition en parcelles individuelles de leurs terres tribales et à la dissolution de leur Chitto Harjogouvernement sous l’effet de l’Allotment Act de 1887. Menée par le leader traditionaliste et homme politique Chitto Harjo, alias "Crazy Snake" (1846- 1909 ou 1911), cette révolte était pacifique. Elle n’en était pas moins insupportable pour les colons qui convoitaient les terres indiennes, l’état d’Oklahoma et certains milieux d'affaires. Des Blancs armés pénétrèrent dans un campement Creek-Afro américains sous le prétexte de rechercher des voleurs de viande fumée pour arrêter Harjo. Une échauffourée éclata qui entraîna la mort de deux blancs et plusieurs blessés. Gravement blessé lui-même, Harjo ira trouver refuge chez un notable Choctaw et sa trace sera perdue.

L’armée fédérale interviendra devant les rumeurs d’une possible révolte des Muskogee Creeks, mais ses officiers rapporteront vite à leurs supérieurs que les difficultés venaient surtout des colons blancs et s’emploieront principalement à dissoudre les milices qui avaient apparu un peu partout! Ils ratisseront aussi les collines du pays Creek pour forcer les récalcitrants à signer le texte autorisant "l’allotment" de leurs terres tribales.

 

Kelley Creek
Deux ans plus tard dans le Nevada un petit groupe de douze personnes mené par Mike Daggett (alias Shoshone Mike ou Ondongarte, vers 1870-1924)) formé de Bannocks et de Shoshones quitta la réserve de Fort Hall dans l’Idaho pour nomadiser comme par le passé, suite à une dispute avec l'agent des Affaires indiennes du lieu. A bout de vivres, ils tuèrent plusieurs têtes de bétail, ce qui provoqua l’intervention de quatre ranchers qu’ils tuèrent (19 janvier 1911), du moins selon l'une des théories. Il en existe en effet une autre qui indique que la petite bande s'était décidée à gagner la réserve de Duck Valley pour recevoir des vivres, mais était tombé sur les quatre blancs tués par des voleurs de bétails et mutilés de façon à rendre responsable de l'attaque les Indiens (Cela s'est déjà vu). Ils auraient commis l'erreur de prendre les armes et les vêtements de morts sans comprendre que cela les désignerait d'office comme coupables et continuèrent leur route sans se presser.

La nouvelle du massacre sema l’émoi dans tout le Nevada. Une patrouille traqua les indiens. Le 25 février, ceux ci furent pris au piège à Kelley Creek. Un blanc gravement blessé décédera de ses blessures. Tous les indiens, y compris deux enfants seront tués. Seuls quatre enfants seront capturés et placés dans une école indienne de Carson City. Deux ans plus tard, en 1913, seul l’un d’entre eux était encore en vie.

 

En mars 1914 éclata dans l’Utah la "Bluff War" ou la "Posey War de 1915". Posey (1860? – Posey1923) était un chef traditionaliste hostiles aux Mormons et aux Navajos qui vivait avec plus d’une centaine de suivants Utes et Paiutes en dehors de toute réserve indienne, avec son allié le Chef Polk.

Depuis 1881 des escarmouches avaient eu lieu sporadiquement, mais la fondation en 1905 de la ville de Grayson (aujourd’hui Blanding) en plein sur le dernier territoire de chasse des indiens aggrava la situation.

En 1914, le fils de Polk fut accusé d’avoir tué et volé un berger mexicain. Bien évidemment, son père refusa de le livrer.

Le 25 février 1915, une patrouille de volontaires attaqua par surprise le camp de Polk qui vit venir à son secours les hommes de Posey. Submergé par le nombre, la patrouille appela des secours qui arrivèrent promptement et s’en suivit deux jours d’escarmouches durant lesquels deux blancs seront tués et cinq autres blessés, les indiens ayant un mort et deux blessés.

Le général Hugh Scott (1853-1934), vétéran de la Guerre des Nez Percés (1877) et de la répression de la "Ghost Dance" chez les Lakotas (1890-1891) réussira par la seule négociation à obtenir la reddition des hommes de Polk et de Posey le 10 mars 1915 à Mexican Hat. Il faut dire qu’en plus d’être un militaire, il était aussi l’un des premiers ethnologues américains digne de ce nom!

Les membres du groupes Posey-Polk seront envoyés sur une réserve. Posey et Polk seront mis en prison, mais rapidement libérés, tout comme le fils de ce dernier, aucune charge n’ayant pu être retenue contre lui.

Mais les colons Mormons n’oublieront pas le pauvre Posey! De nouveaux heurts auront lieu en 1921.

Enfin en 1923, suite à une affaire de vol et de vandalisme dans laquelle étaient impliqués deux jeunes adolescents de la bande de Posey, les autorités de l’Utah décidèrent de rafler tous les indiens des environs de Blanding. Ceux qui furent pris furent placés en détention dans un enclos ceints de fils barbelés avant d’être conduit sur une réserve. La grosse majorité pris la fuite avec Posey dans les Navajos Mountain après l’évasion des deux jeunes garçons.

Accusé mensongèrement de meurtres et de viols, Posey sera pris en chasse par les milices locales et deux jours plus tard il sera tué avec deux de ses compagnons.

Sa mort entraînera la reddition de ses suivants qui après une brève détention recevront des parcelles individuelles de terre. Le pauvre Posey sera enterré dans une tombe anonyme par le shériff de Blanding qui craignait que les colons Mormons ne viennent la profaner.

Cela se produira hélas à deux reprises, lesdits Mormons voulant à tout prix se faire photographier à côté de la dépouille du chef Ute.

Ce sera la dernière "guerre indienne" reportée. L’année suivante tous les amérindiens des Etats Unis qui ne l'avaient pas encore reçurent la nationalité américaine et les conflits allaient désormais plus se résoudre dans l’enceinte des tribunaux que sur le terrain.

 

 

III/ La politique indienne des Etats-Unis

 

Depuis la déclaration d’indépendance des Etats-Unis, la politique envers les nations autochtones sera fluctuante quant au traitement à accorder à celles-ci.

Ces ambiguïtés viennent de deux facteurs importants remontent à l’origine même de la Guerre d’Indépendance.

En premier lieu, une partie des nations indiennes prirent le partie des "Insurgents" contre les Anglais. Ce sera notamment le cas de la Confédération Iroquoise qui se divisera entre partisans et adversaires des anglais et de plusieurs peuples de la côte atlantique qui joueront la carte des Indépendantistes en échange de la promesse de devenir citoyens à part entière de la nouvelle nation. Est-il besoin de dire que cette promesse ne sera pas tenue et que ces nations subiront de lourdes pertes humaines sans compensation?

En second lieu, les atermoiements de la politique fédérale vis-à-vis des amérindiens et des colons qui ménageait la chèvre et le chou pour éviter des guerres souvent fort coûteuses financièrement. Pour tout dire, on estimait qu'à l'époque il fallait dépenser un million de dollars pour chaque indien tué! Or, il en restait au moins 200000 dans l'Ouest! L’état fédéral négociait donc des traités ou des cessions de terres pour les ouvrir à la colonisation, ou entériner celle-ci tout en donnant un minimum de garanties aux indiens sur leurs terres restantes et des indemnités pour éviter une révolte ouverte.

Ce mouvement perpétuel de bascule représente aussi la lutte d’influence entre le "Parti du Bison" et les "Quakers".

 

Image de propagande antiamérindienne (19ème s.)Le "Parti du Bison" ne comprenait pas les amis des indiens, c’est le moins que l’on puisse dire! Il était formé de puissants industriels, d’hommes politiques de l’ouest, de gros propriétaires terriens et colons espérant trouver des terres… en les prenant évidemment à leurs propriétaires légitimes!

Pour ces gens, les indiens avaient juste besoin d’assez de terres pour y poser leur couverture (en bison) et d’annuités du gouvernement fédéral – les plus réduites possibles – pour se nourrir et se vêtir. Leurs terres "qu’ils n’exploitaient pas" devaient être remises aux colons et aux entrepreneurs qui sauraient les mettre en valeur.

Pour sa propagande, ce parti utilisera énormément l’image de "l’indien sauvage parcourant les plaines et les montagnes à la recherche de sa subsistance", alors même que la majorité des peuples amérindiens pratiquaient au moins une agriculture saisonnière!

 

Pour les "Quakers", il fallait garantir des droits et des terres pour les indiens, éviter les conflits armés et les résoudre par la négociation. Ces Quakers n’étaient pas tous des religieux: il s’agissait de philanthropes fortunés, d’hommes d’églises, d’intellectuels libéraux et même d’officiers dégoûtés par ce qu’ils avaient vu sur la "Frontière".

Leur but était "d’amener l’homme rouge sur la route de l’homme blanc" en l’évangélisant et en lui faisant adopter le mode de vie des "civilisés", c’est à dire en lui faisant perdre sa langue, sa culture, sa religion et tout son mode de vie.

Avant de juger trop négativement ces gens, il ne faut pas oublier que jusqu’à une période aussi récente que la première moitié du 20éme siècle une bonne partie des manuels scolaires présentaient la civilisation européenne comme le "nec plus ultra" de l’évolution des sociétés humaines, les autres étant considérées comme inférieures, sinon "barbares". Ces hommes et ces femmes étaient prisonniers de leur éducation et de leurs préjugés, ce qui n’empêchaient pas chez eux une grande sincérité dans leur volonté "d’aider" les indiens!

 

En plus de cela, il y avait continuellement des conflits entre les civils et les militaires, ces derniers voulant contrôler les réserves jusqu’au terme des guerres indiennes et discutant l’autorité, l'honnêté et la compétence des Agents des Affaires Indiennes.

 

Au début de l’existence des Etats Unis, George Washington était partisan de cette assimilation, qu’elle soit faite de gré ou de force. Les nations indiennes étaient alors considérées comme des nations souveraines de plein droit avec lesquelles on pouvait passer des traités.

Mais, dans le premier quart du 19ème siècle, l’idéologie dite de la "Destinée Manifeste" qui faisait l’éloge du peuple américain et de ses institutions si pleines de qualité qu’il fallait les propager dans le monde entier, la nation américaine étant en plus la préférée de Dieu, fit que la préférence fut donnée à l’exclusion: c’est en 1830 que passe le "Removal Act" qui fera que les nations amérindiennes existant encore à l’est du Mississipi seront "réinstallées" à l’ouest de ce fleuve sur la "Terre de l’homme rouge" (Oklahoma). Leurs terres étaient ainsi mises dans les mains des colons et on leur garantissait en échange que leurs nouvelles terres – prises à d’autres nations indiennes sans leur demander leur avis – seraient les leurs pour l’éternité… (à savoir près de soixante ans ou moins)

 

Une autre étape importante aura lieu en 1871 quand le Congrès des Etats Unis votera un amendement prescrivant que les nations indiennes ne devaient plus être considérées comme des nations souveraines avec lesquelles des traités pouvaient être signés d'égal à égal, mais comme des nations sujettes et soumises au gouvernement fédéral. Alors que les réserves et territoires indiens dépendaient pour leur administration du Département de la Guerre, elles passèrent dès 1849 sous celle du Ministère de l’Intérieur.

 

Dans le même temps, commencera à être établi tout un système visant à détruire les cultures autochtones pour les assimiler, telle que la loi Dawes de 1887 dont nous reparlerons.

Entièrement soumis à l’autorité du gouvernement fédéral, l’indien se voyait rejeté au rang d’un mineur dont toute l’existence était régentée par les règlement édictés par le Bureau des Affaires Indiennes et l'état fédéral.

 

 

a) La question de la "politique d'extermination"

 

A partir de là, est-il possible de dire que le gouvernement américain a eu une politique de génocide planifié des populations amérindiennes ainsi que beaucoup l’assurent ? La réponse est négative.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu des velléités où des désirs de génocide (notamment envers les Apaches ou les Lakotas), mais celles ci ne venaient pas du gouvernement fédéra! Elles venaient le plus souvent des colons établis près ou sur des terres indiennes et qui les craignaient ou convoitaient leurs terres. D’où des campagnes de presse contre "ces sauvages qui scalpent les nôtres, violent nos femmes et détruisent nos propriétés tout en recevant l’argent et des armes du gouvernement fédéral". D’où des massacres, comme celui de Sand Creek en 1864 contre les Cheyennes, la décimation des amérindiens de Californie par de véritables groupes de "chasseurs de scalps" organisés ou la mise à prix de scalps (hommes, femmes et enfants). D’où la volonté d’états comme le Colorado de chasser tout indien de leur territoire.

  

             

b) Exclusion ou intégration ?

 

 La politique indienne des Etats Unis basculera longuement entre exclusion et intégration au grè des alternances politiques.

Tant que la « Frontière » existera et qu’il restera des terres où repousser les amérindiens, la politique visant à tenir simplement à l’écart des zones colonisées les indiens sera possible. Mais, dans le dernier quart du 19ème siècle avec l’arrivée des trains transcontinentaux, la colonisation progressive des grandes plaines et l’arrivée en masse de nouveaux colons avides de terre, l’intégration demeurera la dernière option, avec un corollaire : non pas un génocide, mais un ethnocide systématique visant à provoquer la mort non seulement des cultures amérindiennes, mais aussi leur disparition en transformant les membres de celles-ci en copie conforme de leurs voisins blancs…

 

 

IV/ La politique d’ethnocide

 

On a vu que dès la naissance des Etats Unis, on pensait à l’assimilation des « sauvages païens ».

Certains d’entre eux pensèrent d’ailleurs –à tort- que cette assimiliation serait le meilleur moyen de garantir leurs terres et leurs droits : au début du 19ème siècle, une majorité des Cherokees, Chickasaws, Choctaws, Creeks et Shawnees feront ce choix et accompliront un changement spectaculaire dans leur mode de vie en une génération maximum : fondations d’écoles, d’un alphabet (cherokees), de journaux, d’institutions copiées sur le modèle américain, d’industries et même pour les plus au sud, de plantations avec esclaves noirs sur le modèle de leurs voisins blancs, politique délibérée de métissage (cherokee, choctaw…). Rien de cela ne sera suffisant aux yeux de Washington et ils perdront malgrè les appuis politiques dont ils bénéficiaient leurs terres et propriétés et devront repartir de zéro en Oklahoma !

Bien que des initiatives pour assimiler par l’éducation les amérindiens auront lieu dès les débuts de la colonisation européenne en Amérique du Nord,ce n’est qu’en 1879 après les expérimentations du lieutenant Richard Henry Pratt (1840-1924) que se mit en place un système d’écoles indiennes destinées à éradiquer complétement chez les éléves tout souvenir ou notion de la culture de leurs parents…

Ce major Pratt avait été en poste dans l’Ouest où il avait combattu les indiens des Plaines. Ayant été missionné pour garder des prisonniers Cheyennes, Comanches et Kiowas en Floride, il y avait tenté des expériences d’éducation qui l’amenèrent à vouloir étendre son système et à prolonger son expérience. Cela se concrétisera en 1879 par la fondation de l’école indienne de Carlisle

 

 

 a) Les écoles indiennes (Indian Boarding Scholl)

 

Pratt était convaincu pour que « pour sauver l’homme, il fallait tuer l’indien ».  Il préconisait donc que les enfants soient retirés à leurs parents aussitôt que possible et placés dans un pensionnat loin de chez eux (la Pennsylvanie pour des enfants Lakotas !) où l’on supprimerait chez eux toute référence à leur culture d’origine pour les modeler selon les conceptions de l’homme civilisé (blanc, évidemment). Il faisait souvent pour expliquer sa méthode une analogie avec l’élevage des dindons sauvages !

A leur arrivée à l’école, on forçait les enfants à abandonner leurs vêtements pour l’uniforme de l’école, on coupait court les cheveux des garçons, on donnait à tous un nom et un prénom anglais. Il leur était interdit de parler dans leur langue maternelle.

Indian Boarding School - Oregon, 1887Indian Boarding School - Oregon, 1887

Ces écoles étaient destinées à transformer les garçons en fermier, maréchaux-ferrants ou employés et ouvriers dans l’industrie. Les filles étaient éduqués pour devenir des femmes de ménage ou des nourrices. Guère plus !

Ils étaient soumis à des règles quasi militaires avec défilés et salut au drapeau, et celles-ci étaient féroces : s’exprimer dans une langue indienne, mal comprendre une consigne donnée en anglais exposait le contrevenant (ou la contrevenante) à des humiliations (telle que d’avoir la bouche lavée au savon), à des punitions corporelles, au travail forcé ou à des peines d’isolement. Il n'était pas question durant les grandes vacances de les laisser retourner dans leurs familles! Ils étaient placés chez des familles "chrétiennes" des environs qui avaient tout le loisir de les utiliser comme employés ou domestiques. Ils étaient aussi obligés d'aller à l'église : pas question de les laisser pratiquer leurs cultes "sauvages et païens"! Etrangement, ils avaient par contre le droit de choisir à quelle église faire allégeance!

La mortalité dans ces écoles (il y en aura jusqu’à 26 en 1902) était forte : les maladies (tuberculose, rougeole, scarlatine, grippe) se combineront au stress de l’immersion dans un milieu étranger, aux souffrances de l’exil et de la séparation d’avec leur famille, aux abus physiques (et sexuels), à la malnutrition et aux risques d’une tentative d’évasion…

 Car ils résisteront ! Sur les réserves, une fois qu’elles eurent compris ce qui attendait leurs enfants, les familles s’efforçaient de les cacher le plus longtemps possible. Souvent, les agents des Affaires Indiennes enlevaient de force les enfants où coupaient tout versement de subsistances aux familles pour les forcer à céder. Chez les pacifiques Hopis d'Arizona, 19 chefs de famille seront envoyé un an à Alcatraz pour avoir refusé d'envoyer leurs enfants à l'école de la mission.

Les enfants eux-mêmes, s’ils étaient en âge et en condition physique de le faire n’hésitaient pas à s’évader. Le nombre d’évasion sera tel que l’on recommandait de fermer les dortoirs à clé et qu’un règlement interdisait aux personnels des chemins de fer d’accepter de jeunes indiens non accompagnés d’un blanc à bord des trains. Des primes seront offertes aux habitants des localités proches des écoles s’ils y ramenaient des enfants qui s’en étaient échappés et l'on poursuivait les fuyards jusque sur leurs réserves d'origine.

Ces évadés savaient au fil du temps et des tentatives où trouver des refuges, comme sur la réserve des Meskwaki et des Fox de l’Iowa. Ceux ci étaient de toute façon si « réticents » envers les « Indian Boarding School » qu’une inspectrice de ces écoles les qualifiera « d’indiens parmi les plus difficiles à civiliser », ce qui est une manière de les complimenter, dans un sens ! Revenus sur leur réserve, ils étaient là aussi pris en charge et cachés jusqu’à ce qu’ils soient adultes.

Pratt sera lui-même forcé en 1904 de démissionner devant ses opposants : de plus en plus de doutes s’exprimaient en effet sur l’efficacité réelle de ces écoles et leur objectif. De plus en plus de voix exprimaient l’idée que tenter d’éradiquer totalement chez les enfants la culture de leurs parents était irrationnel, criminel et antiproductif.

Dressé en 1918 à la fermeture de l’école de Carlisle, le bilan suivant est éloquent : sur environ 12000 enfants venus de 140 nations indiennes différentes, seuls 8% en suivirent le cursus complet. On estime que deux fois plus prirent la poudre d’escampette ! Et le cimetière proche héberge les tombes de 186 élèves morts là de la tuberculose – les corps des autres morts ayant été rendus aux familles. On a calculé que le taux de mortalité y était six fois et demi plus élevé que dans les autres écoles de la même époque!

Cimetière

Plus sinistre encore seront les effets de Carlisle à long terme : un élève témoignera bien plus tard : « On nous avait appris à nous moquer des coutumes de nos pères, et nous en rions en les retrouvant ».Le déracinement, la perte de repères et de confiance en soi auront des effets dévastateurs sur beaucoup d’anciens élèves…

Par contre, Carlisle aura des effets que Pratt n’avait pas prévu : à Carlisle, des peuples jadis ennemis ou qui s’ignoraient mutuellement noueront des liens à travers des amitiés individuelles : le Lakota partagera la même expérience que le Ponca, l’Apache rencontrera l’Iroquois. Les bases d’un pan-indianisme naîtront alors. De même, l’école avait son journal tenu par les étudiants. Il donnait les nouvelles des Etats Unis, de l’école, mais aussi des réserves et laissait même de la place à des créations plus littéraires : poèsies, nouvelles… Là se trouvera l’une des origines de la littérature « native » américaine et un terrain d’apprentissage pour des hommes et des femmes qui utiliseront l’écrit pour défendre d’autres causes.

Le système des « Indian Boarding Scholl perdurera cependant jusqu’aux années 1960-1970 où il atteindra son apogée en nombre d'éléves. A partir de cette date, les nations indiennes obtiendront de plus en plus le droit d’avoir leurs propres écoles et les « Indian Boarding School fermeront les unes après les autres, souvent en révélant bien des scandales cachés ! Ils n’en restent plus que quelques-une, fortement réformées (et pour cause) qui reçoivent des écoliers venant de réserves qui n’ont pas les moyens financiers d’avoir les leurs… Au moins pour l’instant !

 

 

 b) Les missions chrétiennes

 

Les missions des différentes églises chrétiennes ouvrirent elles aussi des écoles près ou sur les réserves, ce qui était considérés comme un pis aller pour les familles qui avaient ainsi plus de possibilité de garder un lien avec eux. Pour la petite histoire, les différentes églises chrétiennes se « partagèrent » les réserves !

La discipline n’en était pas moins aussi rude que dans les « Indian Boarding School » et là aussi le but n’était pas d’en faire des ingénieurs ou des diplomates, mais de parfaits clones des Blancs, et surtout de parfaits chrétiens bien dociles.

 

 

 c) Répression des religions traditionnelles

 

Cette volonté de les convertir a une religion « civilisée », à savoir le christianisme, avait comme corrolaire la destruction des religions traditionnelles et la persécution de leurs fidèles. A vrai dire, la chose n’était pas nouvelle ! Dès l’instant où l’européen mit le pied sur le continent américain il avait dans sa main droite une Bible pour prêcher la bonne parole aux « Païens Idolâtres » et dans la gauche un sabre pour ceux qui auraient eu du mal à entendre la Sainte Parole Divine.

Mais on passa à la fin du 19ème siècle à la vitesse supérieure et à la persécution organisée : les danses et les cérémonies telle que la « Sun dance » furent interdits, les objets sacrés détruits ou confisqués pour être placé dans des musées quand ils ne tombaient pas dans des mains privées. Les lieux sacrés furent profanés, détruits ou rendus innacessibles par leurs intégrations dans des propriétés privées ou des parcs nationaux., les édifices cultuels détruits.

Jusqu’aux années 1960 au moins, ceux qui organisaient des cérémonies cultuelles traditionnelles étaient passibles en théorie d’une peine de 30 années de prisons et ceux qui les suivaient à des peines moins lourdes. Il y aura même des cas d’internement psychiatriques pour des « Hommes-Saints » (improprement nommés shamans) !

 

 

d) La résistance

 

Là aussi apparaîtront des formes larvées de résistance.

Les tenants des religions traditionnels apprendront vite à cacher la pratique de tel ou tel rituel. Les Apaches auront l’intelligence de célèbrer en même temps la cérémonie de la puberté des jeunes filles et la danse des Ga’he (ou Esprits de la Montagne) le 4 juillet, date de la Fête Nationale Américaine. D’autres suivront leur exemple.

Bon nombre d’amérindiens apprendront à avoir une « double vie religieuse » : ils iront le jour ostensiblement (et parfois sincérement) à l’église… pour célébrer plus loin et nuitamment les anciennes pratiques !

 D’autres suivront la voie du syncrétysme et mêleront religion traditionnelle et christianisme. Ainsi, les Lakotas vénéraient la « Femme Bison Blanc » (Pte Ska Win » qui en des temps reculés leur avait apporté sept rituels secrets et le Chanunpa (la Pipe Sacrée Cérémonielle). Quant les missionnaires catholiques vinrent leur prêcher la bonne parole, ils assimilérent « Femme Bison Blanc » à la Vierge Marie, le Chanunpa au corps du Christ et bien entendu Wakan Tanka à Dieu le Père. La grande majorité des Lakotas qui se déclarent « chrétiens catholiques » pratiquent en fait cette fusion religieuse et ont intelligemment mélangés les deux cultes et leurs symboles : chrétiens catholiques sincères… ils continuent cependant avec la même sincérité de vénérer les anciens symboles !

Cérémonie de la Native American Church (vers 1930?)Enfin, une autre religion, mêlant concepts religieux amérindiens et chrétiens verra le jour : la « Native American Church » ou « Peyotle Cult ». Celle-ci s’est formé autour de l’usage du peyotl, un cactus riche en mescaline. Ses boutons, consommés crus, en infusion ou en purée provoquent des hallucinations visuelles.

Avant l’arrivée des européens, le Peyotl était utilisé rituellement au Mexique, par les Huichols et Tarahumaras notamment, depuis au moins 3000 ans. Dès 1620, les Espagnols interdisent son usage. En vain.

Les Tonkawas, les Apaches Lipans et Mescaleros le découvrirent ensuite et le firent connaître vers 1880 aux Comanches et Kiowas qui l’adoptèrent.

Le peyotl arrivait juste au bon moment ! Parqués dans les réserves avec leur ancien mode de vie disparu à jamais, soumis à un ethnocide forcené, les Comanches et Kiowas voyaient comme d’autres peuples à cet époque leur société traditionnelle se désagréger et le désespoir se propager. Il leur offrait une alternative et un espoir. Le chef comanche Quanah Parker (184 ?-1911) aida à sa propagation parmi sa nation et celles de l’Oklahoma avec John Wilson (184 ?-1901), un caddo-delaware.

La nouvelle religion ne s’arrêta pas à l’Oklahoma. Comme un feu de prairie, elle progressera rapidement jusqu’au delà de la frontière canadienne  et de la côte Pacifique à la côte Atlantique.

Seul problème, le « cactus miracle » tombait sous le coup des lois fédérale concernant les stupéfiants.  Après de longues batailles juridiques un accord sera trouvé qui permet pour les seuls membres de communautés indiennes d’en détenir et d’en consommer lors des rituels. Le nombre de personnes habilités à récolter le peyotl est lui aussi strictement réglementé. Il va sans dire que cet usage religieux n’a rien à voir avec l’usage qu’en font habituellement les autres consommateurs de drogues !

La Native American Church est aujourd’hui la principale religion parmi les amérindiens d’Amérique du Nord.

 

 

V/ La perte des terres

 

a) Le Sénateur Dawes

Vers 1885, le Sénateur républicain du Massachusetts Henry L. Dawes (1816-1903) visita les territoires des Le Sénateur Dawes« Cinq Nations Civilisées » dans le Territoire de l'Oklahoma. Cet homme chargé de présider au Sénat le groupe s'occupant des Affaires Indiennes avait été en son temps un adversaire résolu de l'esclavage. Et il désirait sincèrement améliorer le sort des Amérindiens, en les aidant à prendre ce qui pour lui était leur seul espoir de survie : la « route de l'homme blanc ».

La visite des terres Cherokees, Chickasaws, Creeks, Choctaws et Séminoles le combla. Partout il y avait des écoles, des églises, des tribunaux, de véritables villes. Aucune autre nation indienne ne semblait plus proche de l'assimilation que celles-ci... Mais il lui apparut qu'il leur manquait une chose pour être comparables aux Blancs : la propriété individuelle du sol.

 

b) But de la loi

Pour permettre aux amérindiens de devenir des propriétaires terriens comme leurs homologues blancs, il parut essentiel à Dawes de briser l'autorité des chefs traditionnels et les entités tribales de façon à permettre l'accomplissement de l'évolution souhaitée.Cette politique n'était pas nouvelle : dès la création du systéme des réserves, on donna les postes les plus importants, lucratifs et prestigieux à des individus qui en tant que scouts ou par leur comportement avaient montré leur volonté de "suivre la route de l'homme blanc". L'exemple le plus éclatant est celui de Tatanka Yotanka (Sitting Bull) assassiné par des Lakotas faisant parti de la Police Indienne avec l'accord implicite de l'agent des Affaire Indiennes McLaughlin en raison de l'influence trop grande que gardait le vieux chef.

L'objectif était aussi de sécuriser la possession des terres amérindiennes par ceux ci en permettant à leurs propriétaires de devenir de petits éleveurs ou fermiers. On pensait aussi par ce biais réduire le coût de gestion des réserves. En ouvrant les terres en surplus aux colons, on comptait par leur vente créer un fonds permettant l'exécution de programmes d'éducation et autres au bénéfices des amérindiens.

 
 c) Contenu de la loi

Votée, la loi accordait à chaque chef de famille 650m2 (160 acres). Un célibataire ou un orphelin recevait 320m2 (80 acres). Toutes les personnes âgées de moins de 18 ans avaient droit à 160m2 (40 acres).
Les terres ainsi distribuées étaient protégées par le gouvernement durant 25 ans.
Les indiens bénéficiant de l’allotment avaient quatre années pour choisir leurs lots, sinon le Secrétaire de l’Intérieur le choisissait pour eux.
Chaque indien recevant une propriété était dès lors soumis aux lois de l’état où elle se trouvait. Une fois qu’il détenait celle-ci « et avait adopté les us et coutumes des civilisés » (et donc séparé de sa tribu), il pouvait demander et obtenir la citoyenneté américaine, sans que cela n’affecte ses droits et propriétés.

Le Secrétaire de l’Intérieur avait toute autorité pour assurer un accès équitable à l’eau ou aux systèmes d’irrigation entre les différents propriétaires, blancs ou indiens.

Cette loi ne devait pas s’appliquer aux Cinq Tribus Civilisées de l’Oklahoma (Cherokees, Creeks, Choctaws, Chickasaws et Séminoles), ainsi qu’aux Miamis et Peorias, Osages, Sacs et Foxes de la même région. En étaient exemptés aussi les Senecas de l’état de New York et une bande de terre dans le Nebraska limitrophe de la « Grande réserve Sioux ».
Par la suite, l’allotment Act sera étendus aux Miamis et Peorias de l’Oklahoma (1889)

 

d) Détournements de la loi

Annonce de la vente de terres indiennes libérée par l'allotmentBien évidemment, les spéculateurs et accapareurs de tout poil virent dans cette loi l’occasion rêvée de faire main basse sur les meilleures terres que possédaient encore les indiens. Dès l’origine, le Sénateur Dawes s’affligeait de certains amendements apportés à sa loi. Il allait avoir encore plus de motif d’être insatisfait par la suite.

En 1891, une seconde rafale d’amendements fut votée. Ces derniers stipulaient que dans le cas où les terres de la réserve étaient trop petites pour donner des lots à tous les occupants de celles-ci, les terres seraient distribuées aux ayants droits au pro-rata. Un autre amendement stipula que la taille des lots serait doublée si ces derniers ne permettaient que le pâturage. Des critères furent également fixés pour les héritages.

Dans le premier cas, il s’agissait d’éviter que des terres du domaine public ou autres ne soient alloués à des amérindiens. Ces derniers devaient céder des terres, pas en obtenir!

Dans le troisième l’héritage, la loi allait permettre bien des abus et créer des situations ubuesques.

 

Quinze ans plus tard, le Burke Act tenta de remédier aux défauts de la loi Dawes dans une certaine mesure, notamment en rendant plus facile l’accès à la citoyenneté américaine, mais le mal était fait et bien fait! Entre 1887 et 1900, les terres appartenant aux indiens passèrent de 610000 km2 à 320000, ce qui se passe de commentaires…

Les terres ainsi "cédées" tombèrent dans les mains de spéculateurs qui les revendirent à des colons et de compagnies ferroviaires, sans compter celles transformées en parcs nationaux ou en terrains militaires.

Les terres restantes étaient formées en plus de lots trop petits pour être viable économiquement, d’autant que les héritages successifs n’allaient pas tarder à les morceler de plus en plus. Au bout des 25 ans de protection fédérale, beaucoup de ces lots furent de plus achetés pour des sommes dérisoires par des non indiens. Vers 1930, on évaluait à 90000 le nombre d’indiens sans terres.

Certains politiques virent très tôt le danger de cette mesure. Dès 1881, le Sénateur Teller du Colorado déclarait que "l’allotment est une mesure faite pour déposséder les indiens de leurs terres et en faire d’eux des vagabonds errant à la surface de la terre". Il dénonçait aussi l’avidité que certains partisans de l’allotment cachaient sous l’aspect d’humanisme de façade.

Ainsi, rien que les difficultés d’accés au crédit et au marché, pour les propriétaires indiens reconnus par le Secrétaire de l’Intérieur comme "capables et compétents" de gérer librement leurs terres faisaient que près de 95% de celles ci étaient vendues à des blancs par des amérindiens souvent incapable de faire face aux taxes qui frappaient dès lors leurs terres.

 

L’allotment contribua à saper les sociétés traditionnelles, surtout celles reposant sur la chasse en mettant fin à la pratique de celle-ci comme principal moyen de subsistance. Les hommes qui s’y livraient durent par force se rabattre vers l’agriculture, dépossédant les femmes d’une têche qui leur était traditionnellement dévolue. Celles ci se retrouvèrent alors reléguées aux tâches purement domestiques. L’allotment imposa aussi le modèle patrilinéaire de la famille nucléaire à des sociétés qui étaient souvent matrilinéaires. Les femmes perdaient toute importance économique et tout rôle politique en se retruvant placée sous la domination juridique de leur époux jusque sous leur toit.

 

La loi Dawes généra un grand nombre d’escroqueries et d’injustices. Des agents indiens étaient achetés par des spéculateurs pour faire en sorte que les lots des indiens soient les terres les plus pauvres et plus éloignés des ressources en eau, ainsi que les plus excentrées, de manière à pouvoir faire main basse sur les meilleures.

Des décès subis survinrent aussi: des propriétaires indiens décédaient brutalement en laissant par héritage leurs biens à des "amis" blancs. D’autres trouvaient opportun de cèder ou de louer à vil prix leurs lots. Il est significatif que l’une des premières grandes enquêtes du FBI sera d’enquêter sur le nombre d’étrange décès frappant des indiens d’Oklahoma après la découverte de pétrole sur leurs terres.

 

L’allotment est aussi responsable du fait qu’au sein même des réserves, beaucoup de terres appartiennent aujourd'hui de facto et de façon légale à des blancs, ce qui crée soiuvent de graves problèmes. Ces propriétaires s’estiment en effet (souvent de bonne foi) selon les lieux ou les cas bien souvent non concernés par les mesures prises par les gouvernements tribaux (puisque non membres des dites nations) ou frappé de discrimination (puisqu’il n’ont pas le droit de participer aux élections tribales et qu’on leur impose des mesures). Cela rend par exemple difficile pour certaines nations l’adoption et la mise en œuvre de politiques environnementales et peut les plonger aussi dans des complications juridiques inextricables.

 

Si l’allotment sera stoppé en 1934 par la politique de l’Indian Reorganisation Act, dont nous parlerons ultérieurement, il continuera jusqu’en 1993 en Alaska et ses effets pernicieux durent encore de nos jours. Les organisations amérindiennes ne cessent de demander des comptes au Bureau des Affaires Indiennes à propos de la gestion bizarroïde qui a été faite des fonds résultants de la vente des terres vendues à des propriétaires blancs. Ces sommes d’argent (qui se comptent en milliards de dollars actuels) ont en efet très peu servies à équiper les nations indiennes en écoles, services de santé ou équipements divers. Les indiens demandent donc des comptes pour savoir à quoi a été employé cet argent et pour éventuellement en récupérer l’usage.

 

f) Accueil de l'allotment par les communautés amérindiennes

Les réactions amérindiennes face à l’allotment varièrent selon les nations de l’acceptation passive (Comment résister? De toute façon, ils peuvent tout nous prendre, alors autant garder quelque chose), à des avis mitigés (Sur le principe, on est d’accord, mais on voudrait des lots plus grands) et à un refus catégorique (cas des Muskogees Creeks de Chitto Harjp).

Certains y réagirent étrangement aux yeux des blancs. Ainsi les colons qui avaient des terres près de la réserve de Colville en Idaho virent avec stupéfaction les Nez Percés s’empresser de choisir comme lots des terres situées en fond de canyon, délaissant les meilleures terres. Ils ignoraient que pour des motifs religieux les Nez Percés jetérent prioritairement leur dévolu sur les endroits qui les avaient vu naître.

Sinon, la résistance amérindienne à l’allotment passa surtout par une défense juridique basée sur les accords des traités ou le refus de se faire enregistrer sur les registres de recensement. Mais cette résistance ne pouvait que ralentir le processus, pas le stopper.

Même des chefs aussi prestigieux et célèbres que Quanah Parker (Comanche) ou Joseph (Nez Percè) n'y parvinrent pas.

 

 

VI/L'acquistion de la nationalité américaine

 

Dans les années 1890, les indiens qui étaient en tournée avec le Buffalo Bill Wild West Show apprirent avec soulagement qu’ils allaient rentrer aux Etats Unis. C’est à dire "chez eux", ce qui est assez remarquable chez des hommes, qui pour certains, avaient combattu dix ou quinze ans plus tôt les "soldats bleus".

Ils n’étaient portant pas citoyens américains et étaient dépourvus de presque tout droit…

Or, dès le début, les lois des Etats Unis permettaient à des amérindiens de devenir de plein droit des citoyens américains… Mais la porte était étroite, comme nous le verrons

 

a) De 1776 à 1924

Avant 1817, l’attribution de la citoyenneté américaine avec tous les droits y étant rattachés semble être très rare et réserve à une très faible minorité. Il faut en effet attendre cette date pour que les Cherokees puissent postuler sous certaines conditions comme citoyens des Etats Unis: l’abandon de tous liens avec la nation Cherokees, l’acceptation d’une parcelle de terres et le fait de mener une vie "civilisée". Les Choctaws du Mississipi verront un semblable choix leur être proposé en 1831.

Dès lors, furent édictés plusieurs critères qui permettait à un(e) amérindien(ne) de devenir citoyen de la bannière étoilée:

  • l’article d’un traité (celui de Dancing Rabbit Creek pour les Choctaws du Missisipi;
  • Correspondre aux critères d’acquisitions de la nationalité américaine selon les dispositions du Dawes Allotment Act;
  • Attribution sur des critères individuels;
  • Coorespondre aux critères d’un "civlisé" (mœurs, religion et habits);
  • Être un mineur;
  • Être enfant d’un parent ayant déjà la nationalité américaine;

    Être soldat dans l’armée ou la marine des Etats Unis;

  • Se marier avec un citoyen des Etats Unis;

    Par un décret du Congrès des Etats Unis

Une décision du Ministère de la Justice confirma implicitement ces critères d’éligibilité en 1857 qui furent confirmé en 1871.

 

b) La loi de 1924Le Président Coolidge en compagnie de quatre Osages à la Maison Blanche (1924)

La proportion importante d’amérindiens qui s’engagea dans les forces américaines lors de la Première Guerre Mondiale allait donner des arguments à ceux qui désiraient étendre la nationalité américaine à tous.

Après un lobbying intensif, ils obtinrent le 2 juin 1924 du Président Calvin Coolidge la signature de l’Indian Citizen Act qui faisait de tous les amérindiens des Etats Unis et de leurs descendants des citoyens américains à part entière.

 

c) Ses limites

Cette loi n’allait cependant pas changer beaucoup le quotidien des amérindien: les deux tiers étaient déjà citoyens américains avant la promulgation de la loi. Par ailleurs, celle-ci ne leur garantissait pas dans les faits le droit de pratiquer la religion de leur choix ou de choisir le mode d’éducation de leurs enfants. Elle ne les portégeait pas non plus contre les escrocs de toutes sortes ou la partialité des tribunaux.

Par ailleurs, s’ils obtenaient ainsi le droit de vote ou de se présenter à des élections au niveau fédéral, beaucoup d’états, surtout à l’ouest, se fire prier pour leur accorder le droit de vote aux élections territoriales (les années 1950 pour le Nouveau Mexique.

Etant très minoritaire, les indiens s’intéressaient d’ailleurs assez peu à des élections qui n’apportaient à leurs yeux aucun changement à leur situation.

 

 

VII) Guerriers et soldats: les amérindiens dans les armées américaines

 

 

Dès leurs premiers pas sur le sol nord-américain, les européens s’effocérent d’obtenir l’appui de nations indiennes pour avoir des auxiliaires. Il n’est pas étonnant que dès le début de la Guerre d’Indépendance les deux camps aient employé des supplétifs amérindiens en raison de leur connaissance du pays et de leurs qualités guerrières réelles… ou supposées!

Par rapport à la population totale, beaucoup d'amérindiens ont toujours servi dans les armées américaines. Cela ne tient pas spécialement à un caractère supposé belliqueux ou au "prestige du guerrier", mais au fait que l'armée assurait le logis, le couvert et la solde, ce qui était important pour des gens dont les perspectives d'emplois et d'avenir, surtout sur les réserves, étaient très limitées.

 

a)de 1776 à 1917

Tout au long de leur progression vers l’ouest, l’armée américaine utilisera les antagonismes entre les nations indiennes (Pawnees contre Lakotas) ou les dissensions interne à l’intérieur de celles-ci (cas des Chiricahuas Apaches) pour se fournir en troupes auxiliaires et en éclaireurs.

On trouvera aussi durant la Guerre de Sécession des combattants amérindiens dans les deux camps. Les derniers coups de feu de la Guerre de Sécession (1861-1865) seront tirés par les Cherokees du général de Brigade Sudiste (et néanmoins Cherokee) Stan Watie qui ne se rendit que le 23 juin 1865.

D’autres se rangèrent du côté de l’Union, comme Donehogawa, aussi connu comme le Brigadier Général Ely S. Parker (1828-1895), un avocat et ingénieur Seneca qui était l’un des adjoints du Général Ulysse Grant. C’est lui qui rédigera les termes de la capitulation que le Général Sudiste Lee signera à Appomattox. Il sera aussi le permier indien à devenir responsable du Bureau des Affaires Indiennes durant la Présidence de Grant (1869-1871), poste qu’il devra quitter en raison de cabales montées contre lui.

En tout, près de 30000 amérindiens combattront sous l’uniforme gris du Sud ou celui bleu du Nord.

Entre 1890 et 1917, des amérindiens s’engageront et participeront à toutes les opérations des armées américaines, des Philippines à Cuba en passant par l’Amérique Centrale et le Mexique.

 

b) Participation à la Première Guerre Mondiale

Le 6 avril 1917, alors que la Grande Guerre faisait rage depuis déjà près de trois ans en Europe, les Etats Unis déclarérent la guerre à l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Turquie. Aussitôt, les effets de la petite armée américaine furent augmentés par de nombreuses nouvelles recrues dans le but de former un corps expéditionnaire à destination de la France.

Beaucoup de ces hommes vinrent des nations indiennes: en tout 17000 hommes qui serviront essentiellement dans l’infanterie, la marine et les corps auxiliaires (santé, transport, génie) mais aussi dans l’aviation. Beaucoup seront exemptés pour mauvais état sanitaire (tuberculose, malnutrition, alcoolisme).

Plus de 5000 viendront d’Oklahoma et certaines unités provenant de cet état (142ème et 358ème Infantery Regiment) comprendront une proportion significative d’amérindiens. On comptera aussi plus d'un millier de Lakotas, dont certains ne parlant pas un mot d'anglais.

 

Bien entendu, les indiens possédant la nationalité américaine étaient appelé par conscriptions. Il n’y aura que peu de résistance à celle-ci: un incident chez les Navajos et les Utes de l’Utah en juin 1917 parce qu’ils croyaient qu’ils seraient directement envoyés en Europe sur le champ de bataille, pas plus.

Sans refuser de s’engager pour combattre, d’autres nations s’opposérent à la conscription en craignant que cela ne fournisse un prétexte pour s’attaquer à leurs droits tribaux: ce sera surtout le cas notamment des Mattaponis et des Pamunkeys de Virginie et des Iroquois.

Les Senecas et les Onondagas, tous deux membres de la Confédération Iroquoise, prirent prétexte du fait que certains membres de leurs nations qui étaient membres du Wild West Show furent lors du déclenchement de la guerre en 1914 battus par la foule à Berlin et jetés en prison, pour déclarer la guerre à l’Allemagne, respectivement en juillet et août 1918. Cette décision leur servait en même temps à rappeler au gouvernement américain l’existence du traité de 1783 par lequel George Washington les considérait comme des nations indépendantes et souveraines. Fait à souligner, les Iroquois se considéraient comme des Iroquois combattant POUR l’armée américaine et non comme des soldats américains iroquois.

 

De ces 12000 hommes, le tiers environ verra le feu en France. Ce chiffre s’explique par le fait que former et entraîner des unités de soldats non aguerris et les acheminer à travers l’Atlantique ne se fait pas en un jour: ce n’est qu’en juillet 1918 que les divisions américaines entreront en action.

L’engagement de ces hommes sera abondammment utilisés par la propagande allié sur le thème "Les descendants des guerriers d’hier sont devenus les soldats d’aujourd’hui". Les Allemands utiliseront quant à eux l’image du sauvage en contrepoint.

 

Plus de 600 d’entre eux trouveront la mort en France. Pour faible que paraisse ce chiffre, il représente cinq fois la mortalité des autres soldats (Note: sur la foi d’un rapport les Noirs ne faisaient pas parti des unités combattantes, car considérés comme "inaptes au combat par nature"!).

Cette mortalité importante s’explique tant par le fait qu’on les supposait équipés d’un "sixième sens inné" qui les ferait éviter tous les pièges et d’une vulnérabilité plus grande aux maladies (50% des pertes de l’armée américaine vinrent de la grippe espagnole de 1918-1919).

Bien que n’état pas tous citoyens américains, le patriotisme et la loyauté de ces hommes envers les Etats Unis fut sans faille, même dans les pires conditions de combat.

 

Certains accomplirent des exploits inouïs, comme le Choctaw Joseph Oklahombi, un simple soldat qui sera décoré de la Croix de Guerre par Pétain, alors général et pas encore traître: "Sous un violent barrage d’artillerie, il parti à l’assaut d’une position ennemie en couvrant près de 200 mètres à travers des barbelés. Il se rua sur le nid de mitrailleuses, capturant 171 prisonniers. Il a pris d’assaut une position comptant plus de 50 mitrailleuses et plusieurs mortiers de tranchées. Retournant les mitrailleuses contre l’ennemi, il tint la position durant quatre jours en dépit de violents tirs d’artillerie de gros calibre et d’obus à gaz. Il traversa à plusieurs reprises l’espace entre nos lignes et celles de l’ennemi pour recueillir des informations sur ce dernier ou aider ses camarades blessés".

Choctaws "Code talkers"Bien entendu, l’armée américaine les utilisa aussi comme "Code Talkers" en employant notamment des Choctaws à cet emploi, avec d’excellents résultats.

 

Les Amérindiens qui prirent part à ce conflit en furent transformés. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils quittaient les Etats Unis, voire leurs réserves. La découverte d’un pays étranger et exotique (la France) était pour eux sujet d’étonnement et de comparaison avec les Etats Unis d’alors (pauvreté à Brest, petites fermes par rapport à l’Amérique). Peu étaient identifiés comme indiens par la population qui les voyaient simplement comme des soldats américains et les traitait de façon identique.

Souvent, les soldats d’origine indienne étaient seuls dans leur compagnie et leur bataillon. Par la force des choses, ils nouèrent des relations d’égalité et de fraternité avec les soldats blancs. En vertu de la théorie de leurs "qualités guerrières innées", ils étaient en effet bien mieux acceptés par ces derniers par rapport aux noirs ou Chicanos, à tel point qu’ils pouvaient commander dans une section des soldats d’origine européenne sans que cela ne pose problème, ce qui aurait été inimaginable à l'époque avec des afros-américains.

Toutefois, ils ne tardèrent pas à découvrir une fois de retour aux Etats Unis et démobilisés que ce qu’ils avaient accompli en Europe n’avait pas changé l’attitude du gouvernement fédéral, des états et des blancs racistes ou paternalistes.

 

 

c) De "nouveaux guerriers".

L’appropriation par les indiens de l’écrit allait les doter de nouveaux moyens de lutte à une époque où la résistance armée touchait à sa fin.

 

Parmi les pionniers de cette résistance basé sur l’écrit, l’un des plus importants est CharlesFile:Charles eastman smithsonian gn 03462a.jpg Eastman ou Oyesha (1858-1939), Sioux Santee par son père et métis par sa mère. Converti au christianisme en 1873, il ménera des études supérieure, devenant en 1889 le premier médecin d’origine amérindienne des Etats Unis.

Cela ne lui fera pas oublier ses origines, d’autant qu’en tant que médecin au service du "Board of Indian Affairs " il soignera les blessés Lakota qui avaient survécu au massacre de Wounded Knee en 1890. Le rapport qu'il rédigera de concert avec un médecin militaire sur les blessures qu'il avait constaté est un véritable réquisitoire contre le "comportement" des soldats américains en cette occasion.

A l’instigation de sa femme Elaine (qui était d’ascendance européenne et poète), il commença à rédiger des récits relatant son enfance.qui paraîtront en 1902 sous le titre "Indian childhood" Ces récits auront un énorme succès tant aux Etats-Unis qu’en Europe et contribueront à donner une autre idée de la vie des "sauvages d’Amérique". Eastman viendra en aide à de nombreux jeunes indiens et créera une section amérindienne de l’YMCA.

Eastman souffrira toute sa vie d’être "partagé" entre deux visions différentes de l’indien. Pour caricaturer, dans l’Est, il était montré, exhibé et cité comme l’exemple d’une assimilation réussie. Par contre, dans l’Ouest, à chaque fois qu’il voulait ouvrir un cabinet, c’était un échec, sa clientèle potentielle n’ayant pas confiance en lui en raison de ses racines Sioux.

Sa vie sera aussi marquée par la mort de sa fille unique lors de l’épidémie de grippe espagnole en 1918. Trois ans plus tard, sa femme et lui se séparèrent, sans cependant officialiser le fait.

Il exercera une influence importante vers la fin de sa vie lors de la constitution de la Commission Meriam qui rendra un véritable réquisitoire et un exposé sans fard de la situation des amérindiens quelques années plus tard.

 

Carlos "Wassaja" Montezuma vers 1896Eastman n’était pas un cas unique. Carlos Montezuma "Wassaja" (1866?-1923) était lui un Apache Yavapai de naissance. En octobre 1871, alors qu’il n’avait environ que cinq ans, les siens furent attaqués par des Pimas. Wassaja fut capturé par ces derniers avec d’autres enfants et amené à Adamsville. Contre 30 dollars en argent, il fut acheté par un photographe itinérant italien, Carlo Gentile (1835-1893), qui était venu en Arizona pour y photographier des amérindiens.

Cela sera pour Wassaja un sacré coup de chance, car Gentile était un homme cultivé, intelligent et libéral qui avait quitté son Naples natal dans les années 1850.

Il adopta Wassaja et le renomma "Carlos Montezuma".

Carlos suivit son père adoptif dans ses pérégrinations dans l’Ouest. En 1872-1873, tous deux rejoignirent la troupe de spectacle montée par l’écrivaillon Ned Buntline et Buffalo Bill Cody. C’est Gentile qui prenait les photos qui servaient de publicité aux artistes et Wassaja figurait dans une scénographie intitulée "Les éclaireurs de la Prairie" sous le nom de "Azteka, l’enfant Apache de Cochise" (sic!)

Ils allèrent ensuite s’établir pour plusieurs années à New York, mais lorsque Gentile vit périr la plupart des membres de sa famille en 1877, ils repartirent à Chicago.

Carlos fut scolarisé à partir de 1872 et ne tarda pas à se révéler être un élève brillant et consciencieux, curieux de tout. Cela poussa Gentile en 1878 à le confier aux Bons soins du "Indian Department of the American Baptist Home" qui le plaça chez le prêtre baptiste William Steadman.

En 1880, Carlos entrait à l’Université de l’Illinois alors qu’il n’avait que 14 ans. Il y étudia l’anglais, les mathématiques, l’allemand, la physiologie, la biologie, la zoologie, la minéralogie, la physique, la logique, l’histoire constitutionnelle, politique et économique des Etats Unis et la géologie. Il était aussi un chimiste talentueux. C’est là aussi que commença à se révéler son activisme en faveur des amérindiens à travers un article du journal universitaire de 1883 citant une conférence qu’il avait donné où il comparait les indiens aux "Spartiates aux Thermopyles".

Ses études s’achevèrent l’année suivante. Il regagna alors Chicago pour y suivre des études de médecine et reçut sa licence de praticien et son doctorat en 1889.

A l’époque, Carlos croyait fermement et sincèrement que le seul futur possible pour les amérindiens était l’assimilation pure, simple et complète dans la société blanche américaine. Il était même contre l’existence des réserves dans l’existence desquelles il voyait un frein dans cette assimilation.

Aussi, il n’est pas surprenant que dès 1887 il entre en correspondance avec le major Henry Pratt et réponde favorablement aux invitations de ce dernier pour donner des conférences à New York et Philadelphie, Carlos étant pour Pratt le modèle parfait de ce qu’il voulait obtenir.

Grâce au soutien de Pratt, il sera engagé par le Bureau of Indian Affairs comme médecin. En 1889, il sera en poste à Fort Stevenson dans le Dakota, puis en 1890 dans le Nevada chez les Western Shoshones. 1893 le verra sur la réserve Nez Percé de Colville dans l’état de Washington avant qu’il ne gagne la même année l’école indienne de Carlisle pour y travailler avec Pratt.

A la mort de son père adoptif, Carlos était assez riche pour aider financièrement sa veuve et sera même tuteur légal de son fils de six ans avant qu’elle ne parte en Californie.

En 1896, il s’établira comme médecin à Chicago et ouvrira un cabinet. Ce n’est qu’en 1900 qu’il reviendra en Arizona, près de 30 ans après sa capture par les Pimas. Il y rencontrera sa famille d’origine qu’il n’avait pas vu depuis et d’autres Yavapai. Tous lui dirent la souffrance qu’ils éprouvaient de ne pouvoir vivre sur leurs terres natales. Comprenant l’importance que ce fait avait pour eux et la puissance de cet attachement, Carlos admit qu’il lui fallait revoir son point de vue sur les réserves et se donna pour mission d’obtenir une pour son peuple qui soit située dans leur territoire d’origine en utilisant son influence. Il obtiendra gain de cause en 1903 avec la création de la "Fort McDowell Yavapai or Mohave-Apache Reservation".Wassaja, première page du numéro de mai 1919

A partir de 1905, il attaqua directement le gouvernement sur les conditions de vie imposées aux Indiens, s’opposant notamment au Bureau des Affaires Indiennes, dont il refusera à deux reprises la direction. En 1911, il fonda à Columbus (Ohio) la "Society of American Indians", première organisation pro-indiennes créé et dirigée par des amérindiens, pour la préservation des cultures indiennes. Les cofondateurs de cette association étaient Charles Eastman (voir ci-dessus) l'Omaha Thomas Sloan, le Peoria Charles Dagenett, l'Oneida Laura Cornelius et l'Oglala Lakota Henry Standing Bear. En 1916, il créa le mensuel "Wassaja" pour diffuser ses vues sur la politique indienne du gouvernement, l’éducation, les droits civiques et la citoyenneté des indiens.

En 1922, gravement malade, il alla sur la réserve des Yavapai où il décéda le 31 janvier 1923. Il sera enterré au "Fort McDowell Indian Cemetery" et tombera dans l’oubli. Ce n’est que dans les années 1970 que les historiens américains redécouvriront ses travaux.

 

A bien des égards, Carlos "Wassaja" Montezuma annonce ce que seront les futurs activistes amérindiens qui apparaîtront à partir des années 1960. Des hommes et des femmes instruits, voire très instruits, sachant utilisant tous les médias pour promouvoir leurs combats.

 

Fin de la première partie.

 

 

 

Seconde partie : de 1924 à 1960, le panier et le serpent

 

 



13/07/2012
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