L'ours polaire

L'ours polaire

Histoire des Chiricahuas : Ceux qui ne se sont jamais rendus

 

 

 

Et tout commença par un mensonge....

 



 

Vers 1980, j'empruntais dans une bibliothèque un livre intitulé « Les 100 premières années de Nino Cochise ». Il s'agissait des mémoires d'un homme qui prétendait être le petit-fils de Cochise et le fils du fils de ce dernier, Taza (1840-1876). Ce Nino Cochise (1870-1984) assurait que Taza, avec l'appui de l'ami de Cochise Tom Jeffords, avait fait partir au Mexique un groupe de 38 personnes avant que les Chiricahuas ne soient transférés à San Carlos. Du coup, ces membres de la tribu n'avaient jamais été recensés àpar le gouvernement américain et s'étaient réfugiés dans un lieu difficile d'accès de la Sierra mexicaine, à « Pa-Gotzin-Kay », sous la direction de la femme de Taza, Nod-Ah-Sti, et d'un vieux prêtre-guérisseur De-O-Deh. Là, dans les montagnes du Sonora, ils vécurent à l'écart des blancs et des mexicains, ne recevant qu'occasionnellement la visite de Géronimo et de ses hommes, qui prenaient grand soin à ne mener aucun étranger sur leurs traces.

Devenu grand, Nino Cochise était devenu le chef de cette communauté. Par chance (!), ils avaient trouvé un filon aurifère qu'ils exploitaient et sous la sage impulsion de Nino Cochise, se mirent à voyager jusqu'à Tucson sous la vêture d'hommes blancs pour échanger contre leur or des marchandises et des munitions. Leur vie devint alors confortable et ils veillaient à vivre en paix avec leurs voisins, des ranchers américains. Bref, le pays des Bisounours!

 

Ces ranchers américains, trouvant insupportables le niveau de taxes que levait sur eux l'état du Sonora, engagèrent comme cow-boys des hommes de Nino Cochise, puis reçurent l'appui de ce dernier quand ils se révoltèrent contre l'armée mexicaine (!?) La connaissance de l'existence de Pa-Gotzin-Kay s'étendit dans le monde extérieur, mais tant le gouvernement américain que le gouvernement mexicain s'en désintéressèrent.

Pa-Gotzin-Kay semble alors être devenu le refuge de tous les exclus puisque selon les dires de Nino Cochise, plus de 300 Tarahumaras y trouvèrent refuge pour y échapper aux collecteurs d'impôts. Johnny Hallyday et Aznavour n'étaient pas encore nés, sinon, ils auraient été présents! Nino aurait même épousé « Golden Bird », la fille du chef Tarahumara, mais de façon classique elle fut tuée lors d'un combat contre la cavalerie mexicaine sans lui avoir donné d'héritiers. Snif!

 

Au fil des années, l'exode rural frappa comme dans «La montagne » de Jean Ferrat. La plupart des habitants de Pa-Gotzin_Kay quittèrent l'endroit pour mener une vie plus facile dans le monde extérieur, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Nino et sa vieille maman.

Quand la chère âme eut rendu l'âme, il partit à son tour et devint le garde du corps d'un riche propriétaire de mines. Il gagna ensuite la Californie où il tenta de devenir acteur et apprit à piloter un avion avant de vivre jusque passé cent ans.

Belle histoire, non? Le problème c'est qu'elle est totalement fausse! Les Chiricahuas et leur tradition orale sont formels : Taza n'a jamais eu d'enfants! Selon les versions, la raison en diffère, mais toutes l'affirment : Nino Cochise ne peut être qu'un usurpateur, un escroc, qui devait avoir au moins vingt ans de moins que l'âge qu'il prétendait avoir! Mieux encore, la supposée mère de « Nino Cochise » est morte en 1913 sur la réserve Mescaleros, trois jours après y être arrivée avec les autres Chiricahuas!!

Une vieille amie des Chiricahuas, qui collecta beaucoup de l'histoire orale de ceux ci (« In the days of Vittorio »), Eve Ball (1890-1984), identifia dans les « écrits » de Nino Cochise une quantité importante de matériel provenant des articles qu'elle avait fait paraître. Pire encore, ce dernier accumulait les erreurs sur la culture Apache, telle que la mention des « frères de sang », totalement étrangers aux coutumes des Apaches. Ajoutons, ce que je viens d'apprendre d'ailleurs, qu'il n'y a pas de système de clans chez les Chiricahuas au contraire des autres Apaches, Il ignorait aussi que les mocassins des Apaches étaient totalement différents de ceux des autres nations indiennes, qu'ils ne fumaient pas le calumet ou n'employaient jamais les signaux de fumées!!!!

 

Bien entendu, ayant appris cela, je rejetais les mémoires de ce Nino Cochise au rayon des beaux romans d'aventures.

Cependant, dans tout mensonge, il y a un noyau de vérité, aussi, chers lecteurs, retenez les éléments suivants :

  1. Des Apaches auraient pu trouver asile dans les zones les plus reculées des sierras mexicaines;

  2. Les Apaches connaissaient la valeur de l'or et se servaient de longue date de ce dernier qu'ils trouvaient dans les montagnes pour obtenir des marchandises, des armes et des munitions;

  3. Ils n'hésitaient pas à se faire passer pour des Mexicains ou des indiens « civilisés » pour commercer aux États Unis

  4. Dans la mesure du possible, ils évitaient tout contact avec des Yeux-Pâles et les Mexicains, ainsi qu'avec les Apaches des réserves.



La fille sauvage

 

 

Tout allait changer le jour où j'allais avoir entre les mains le roman de Jim Fergus « La fille sauvage ».

 

 

Pour ceux qui ignorent le contenu de ce roman, il relate l'histoire de Ned Giles, un jeune américain qui se retrouve orphelin à l'âge de 17 ans. Menacé d'être placé dans une famille d'accueil, il achète avec le maigre héritage laissé par son père un appareil photo et a la chance d'être engagé comme photographe dans une expédition dont le but avoué et de retrouver l'enfant d'un riche rancher mexicain kidnappé quelques années plus tôt par des Apaches. L'expédition tourne court en raison des obstacles mis sur sa route par les gouvernement mexicain et américain. Mais entre temps, une jeune fille Apache, la « nina bronca » est capturée par un trappeur à demi-fou. Ned se met en tête de se servir de celle-ci pour obtenir la libération du jeune garçon. Accompagné d'un équipage disparate : une anthropologue carriériste qui veut faire une thèse sur les Apaches « Broncos », un homosexuel dandy et provocateur flanqué de son majordome très british, puis d'un vieux Chiricahua porteur de biens de secrets accompagné d'un jeune Apache élevé au contact de la civilisation blanche, il se met en route.

Non seulement le roman me plût, mais j'allais avoir un déclic en découvrant que les faits formant le point de départ du roman étaient parfaitement exacts.

Près de cinquante après la reddition de Geronimo, il y avait toujours au Mexique des Chiricahuas qui vivaient libres!

 

 

L'étrange voyage d'un fils sur les traces de son père.

 

 

Quelque peu intrigué, j'ai aussitôt lancé une recherche sur le net et c'est ainsi que j'ai découvert les

Goodwin père et fils...

 

 

Grenville Goodwin naquit le 20 juillet 1907 à Southampton, sur l'île de Long Island. Sa famille était très riche et influente après avoir fait fortune dans les assurances et les chemins de fers. Ses parents possédaient cinq maisons qui tenaient plus du château que de la bicoque. Ils avaient une armée de serviteurs, fréquentaient les célébrités de la jet set de l'époque, pratiquaient le polo, chassaient le renard comme les lords anglais et voyageaient de par le monde.

Enfant, Grenville adorait jouer aux indiens dans les bois proche de la résidence familiale de Long Island. Il s'intéressait peu à la richesse de sa famille et ne se souciait pas d'en profiter. A quatorze ans, il fut mis en pension à Groton, un collège privé très select. Il était programmé pour rentrer à Yale, mais détesta l'endroit et n'y resta que quelques mois.

 

En 1922, son destin bascula quand on découvrit qu'il était atteint de tuberculose. On l'envoya pour sa santé dans une région au climat sec : l'Arizona, à Mesa Ranch School près de la ville du même nom. Cela n'empêcha pas son état d'empirer lors de sa deuxième année dans cet établissement. Sa mère, qui avait divorcée de son père en 1914, le fit alors entrer dans un sanatorium près de New York. Il y resta un an avant de reprendre ses études dans le Connecticut. Il passait ses vacances à Santa Fe et retourna en Arizona à l'été 1927.

Il alla sur la réserve Navajo et se mit à lire tout ce qu'il pouvait trouver sur l'archéologie, la zoologie, la botanique, l'anthropologie et l'histoire coloniale espagnole. Il rejoignit ensuite l'un de ses cousins qui tournait un film documentaire sur les Ojibwe de l'Ontario au Canada, revenant à la belle saison à l'Université d'Arizona pour participer à des fouilles sur un site précolombien près de Flatsgaff.

 

A la fin de cette année, il fut intrigué par des articles de journaux relatant une attaque menée trois ans plus tôt par des Apaches de la Sierra Madre à une centaine de kilomètres au sud de la frontière américano-mexicaine. Elle s'était soldée par la mort d'une femme et le kidnapping d'un enfant mexicain. Une expédition, ou plutôt une sorte de « safari à l'Apache » tenta alors de s'organiser dans la ville de Douglas (Arizona). Goodwin s'y rendit pour y recueillir des informations sur ces mystérieux Apaches qui avaient commis ce méfait. Qui étaient-ils? Pourquoi ne s'étaient-ils pas rendus avec Géronimo? Etaient-ils vraiment des Apaches Chiricahuas? Et si oui, quelles informations pourraient-ils communiquer! Le Graal d'Apaches exempts de tout contact avec le monde des Blancs apparaissait à Goodwin.

Cette première expérience sur le terrain le passionne a tel point qu'il décida de quitter le monde clos de l'université pour l'ethnologie « de terrain », une discipline alors toute nouvelle. Il se rendit sur la réserve de San Carlos et y apprit durant des mois la langue Apache, y conversant longuement avec les indiens dans leur langue et en les écoutant aussi avec patience, ce qu'ils appréciaient beaucoup.

Ils s'intéressa surtout aux personnes âgées qu'il encourageait à lui raconter dans leur propre langue la vie qu'ils menaient avant l'époque des réserves. Une fois qu'ils comprirent que ce jeune « Yeux Pâles » s'intéressait réellement à leur culture et qu'il ne les considérait pas avec dédain, ils partagèrent avec lui bien des choses sur leur mode de pensée, leurs espoirs, leurs désirs, leur religion. Goodwin sera invité par eux à toutes les cérémonies publiques, sociales et religieuses de leur peuple. Goodwin, tout en prenant soin de rester un auditeur neutre et un spectateur attentif prit d'énormes quantités de notes sur les sujets les plus divers.

 

Il passa chez les Apaches toute l'année 1932 et la majeure partie de l'année 1933. Il se met ensuite au travail pour tirer de ses notes une somme intitulée : « L'organisation sociale des Apaches de l'Ouest » qui demeure un ouvrage fondamental sur l'ethnologie culturelle des Apaches.

Un nouvel accès de tuberculose le fit repartir en sanatorium à Colorado Springs. Il ne sera pas capable de retourner à San Carlos avant janvier 1935. L'année suivante, il retourna sur la côte Atlantique avec sa fiancée Janice Thompson. Ils se marièrent à Holbrook et le couple s'installa à Tucson où Goodwin se mit au travail sur ses notes manuscrites, écrivant notamment « Mythes et Contes des Apaches White Mountains ». A partir de 1935, il publia des articles dans des revues d'anthropologie et alla en 1939 à l'Université de Chicago pour étudier l'anthropologie. Cependant, il était déjà accepté dans le milieu fermé de l'anthropologie comme un anthropologue à part entière, même sans diplôme officiel.

Malheureusement, alors qu'il travaillait toujours sur ses notes, on diagnostiqua chez lui une tumeur cérébrale. Une opération la retirera, mais elle reviendra et tuera Goodwin le 30 juin 1940 alors qu'il se rendait à Los Angeles. Deux ans plus tard ses travaux furent publiés et toute la communauté des ethnologues américains le salua comme l'un des plus grands.

 

Il aura un fils, Neil Goodwin, qui deviendra producteur de films documentaires et écrivain. Il se passionnera pour le travail de son père, reprenant ses notes et renouant des contacts avec les familles Apaches avec lequel son père était en relation. Il tirera de cette expérience un film documentaire « Geronimo and the Apache Resistance » en 1988. Dans ce dernier, il laisse la parole aux Chiricahuas et emmènera même en car tout un groupe sur les lieux de la dernière reddition de Géronimo au Mexique. Il écrira surtout un livre, hélas non traduit en français : « The Apache diairies : a father-son journey » dans lequel il dialogue à travers le temps avec son père. C'est dans cet ouvrage que l'on trouve les notes et les recherches que Goodwin consacra aux Apaches Broncos.


 

Et c'est grâce à ce livre que je vais pouvoir maintenant parler de nos Apaches Broncos. C'est grâce à lui que j'ai su qui ils étaient, quel avait été leur histoire, sans cependant avoir réponse à toutes les questions, comme nous le verront!

 

 

Qui étaient-ils ces Broncos?

 

 

Stricto sensu, les espagnols nommaient « indios broncos » ou « indios bravos » les indiens qui refusaient de se soumettre à leur loi.

Un « bronco Apache » était donc un Apache qui refusait la soumission et la vie en réserve, préférant vivre libre en continuant de mener le même genre de vie que ses parents et grands-parents.

Pour le sujet qui nous intéresse, il faut distinguer deux sortes de « Broncos »:

  1. Des Nednis, ou « Pinery Apaches ». Ces Chiricahuas étaient ceux qui vivaient le plus au sud. Ils nomadisaient dans le Sonora sur le cours supérieur du Rio Bavispe dans les pinèdes de la Sierra Madre. Quand Géronimo se rendit en 1886, ils ne se sentirent pas tenus de respecter les termes d'une reddition qui ne les concernaient pas et restèrent dans leurs montagnes mexicaines;

  2. Jusqu'aux premières années du 20ème siècles, des Apaches de l'Ouest, surtout des White Mountains, s'échappaient des réserves pour gagner le Mexique. C'était en général des groupes de deux ou trois hommes, parfois même des isolés. Il s'agissait d'hommes las de la vie sur les réserves ou de hors-la-loi comme « Apache Kid ».

Combien étaient-ils en tout? Goodwin estimait que vers 1890 ils étaient entre 130 et 150. Comme on peut le deviner, ils ne vivaient pas en groupe compact, mais par petites communautés de vingt ou trente personnes au maximum, femmes et enfants compris.



Relations avec les Mexicains, les « Yeux Pâles », les Apaches des réserves et les autres indiens du Mexique.

 

 

a) Avec les Mexicains : Sans surprise, celles-ci étaient très conflictuelles ! Les Mexicains tiraient en effet « à vue » sur les Apaches et ces derniers ne les traitaient guère mieux. Toutefois, comme par le passé, il y avait une certaine ambiguïté dans leurs relations. Non seulement « business is business », mais les deux camps pouvaient respecter des sortes de trêves comme l'illustrent les deux histoires suivantes qui se déroulèrent dans le secteur de Nacori Chico, l'un des derniers bastions des Nednis du Mexique. Toutes deux se sont déroulées lors des années 1920.

Nacori Chico

 

La première est le témoignage d'un mexicain, Valenzuela, rapporté par Neil Goodwin. Alors qu'il revenait vers Nacori Chico, il aperçut un Apache endormi sous un arbre. Il décida de le tuer en lui fracassant le crâne avec une grosse pierre. Il s'approcha prudemment de sa victime désignée pour se rendre compte avec horreur que non seulement celle-ci était toute à fait éveillée, mais qu'en plus trois autres Apaches lui barraient toute retraite. Étrangement, les Apaches n'étaient pas du tout agressifs et la situation tourna à la discussion mondaine. L'un des Apaches, qui se présenta comme « Apache Juan », conversa avec lui. Notre mexicain découvrit avec étonnement que les Apaches connaissaient au moins de vue tous les habitants de son village. « Apache Juan » lui avoua alors qu'il lui arrivait sous un déguisement d'aller dans certaines villes. Notre homme s'attendait à être tué à la fin de la discussion, mais les Apaches le laissèrent repartir sans même lui dérober quoique ce soit.

 

L'autre s'est déroulée le soir où les habitants de Nacori Chico fêtèrent Santo Nino de Atocha durant l'année 1934. Un vieil habitant de cette petite ville raconta à Neil Goodwin que lors de la fête les habitants entendaient de part et d'autre de la localité des hululements de chouette. Tous savaient que ces cris ne venaient pas d'oiseaux de nuit, mais des Apaches qui observaient les villageois et qui communiquaient entre eux par ce biais.



b)Avec les Yeux-Pâles.

 

 

Pour les Broncos, les Américains étaient aussi haïssables que les Mexicains. Il était dangereux pour des Apaches d'avoir affaire à la justice de l'homme blanc. Généralement, ils finissaient au bout d'une corde ou subissaient de longues peines de prison. Au moins durant la fin du 19ème siècle, les Apaches ne pouvaient pas sortir des réserves sans être porteurs d'une autorisation et être accompagnés d'un ou de plusieurs blancs. Ils étaient sinon catalogués comme « Hostiles » et risquaient au mieux la prison, au pire une balle! Pourtant, des rumeurs parleront de blancs accompagnant ou commandant des Apaches Broncos lors de raids! Ce qui est certain c'est que sur plusieurs campements des Pinery Apaches on trouvera des objets comme des boîtes de cigares ou des paquets de cigarettes dans les années 1920-1930. Présence de blancs venus chercher refuge chez les Apaches de la Sierra après avoir été dans le camp des perdants lors des révolutions qui agitèrent le Mexique lors des années 1910-1911? Aventuriers qui avaient réussi à ce faire accepter par eux, ou simple « contamination culturelle » des Broncos par des marchandises européennes? Il faut se garder de prendre comme argent comptant toutes les légendes d'hommes blancs présents au milieu des Broncos Apaches, ou à fortiori les commandants.

 

En tout cas, contrairement à ce que l'on pense, la reddition de Géronimo et l'exil des Chiricahuas ne fera que faire baisser la fréquence des raids des Apaches venus du Mexique sur le sol américain! Mais pas les arrêter. En voici une liste non exhaustive donnée par Neil Goodwin et complétée par votre serviteur :

En août 1892, 8 Apaches attaquèrent le ranch Davenport près de Deming (Arizona). Ils tuèrent deux cowboys nommés Escalante et Hodgin, puis pillèrent le ranch. Ils repartirent tranquillement au Mexique sans être rattrapés.

Le 3 décembre 1895, Elisabeth Merrill et son père Horatio Merrill sont tués par six Apaches près de Solomonville (Arizona). Poursuivis, ils sèment leurs suivants et disparaissent.

Le 28 mars 1896, ils tuent un nommé Alfred Hands dans sa cabane près de Portal en Arizona.

En mai 1896, une patrouille (posse) conduit par John Slaughter, ancien sheriff de Cochise County, tombe sur un campement Apache hâtivement abandonné par ses occupants. Slaughter y recueille un bébé Apache qu'il nommera Apache May. Cette dernière décédera accidentellement six ans plus tard au grand désespoir de son père adoptif.

 

Apache May

 

le 17 mai 1896, une patrouille formée de soldats du 7ème de cavalerie, de scouts Apaches et de quatre civils dont l'inévitable John Slaughter surprennent un campement composé de deux hommes et trois femmes. Ils l'attaquent, mais malgré leur supériorité numérique écrasante ne parviennent pas à empêcher les Apaches à s'échapper, bien que l'un d'entre eux était sérieusement blessé. Ils n'ont de leur côté aucune perte. Ce sera le dernier affrontement entre des militaires américains et des Broncos Apaches.

Le 9 avril 1900, des Apaches tuent un nommé J. D. Mack dans les Chiricahuas Mountains. La même année deux femmes Broncos sont capturées près de Solomonville en Arizona.

En 1908, ils apparaissent près de la localité de Willcox pour tenter de kidnapper des femmes Apaches. Ils échoueront. Ils feront une autre tentative en 1919 sur la réserve de San Carlos, sans plus de succès.

En 1923, des prospecteurs aperçoivent cinq Broncos Apaches près de Douglas (Arizona). Ces derniers volent du bétail. Poursuivis par une patrouille de volontaires, ils doivent abandonner leur butin, mais disparaissent au Mexique.

Des Apaches venus de la Sierra Madre sont signalés dans Animas Valley au Nouveau Mexique en 1924. Ils tuent un cowboy nommé Frank Fisher et échappent à toute poursuite. Cinq ans plus tard, on en voit dans les Huachuca Mountains dans le sud de l'Arizona, puis sur la réserve de San Carlos à l'automne.

 

Vers 1890, des Mormons tenteront de s'implanter sur le versant occidental de la Sierra Madre avec l'accord des autorités mexicaines. Mal leur en pris! Ils étaient venus là car ils voulaient continuer de pratiquer la polygamie. Ils étaient en effet sommé d'y renoncer pour que l'Utah soit intégré dans l'Union.

Parmi ces colons, il y avait les Thompson qui s'installèrent à Cave Valley. D'origine danoise, ils ne connaissaient d'autres indiens que ceux très pacifiques qu'ils voyaient de temps en temps. Ils ignoraient totalement la présence d'Apaches dans les montagnes et allaient payer très cher leur ignorance!

 

Un jour de septembre 1892, leur ferme fut attaqué par un groupe de Broncos Apaches comprenant des hommes et des femmes. Ceux ci ne surgirent pas au grand galop, mais à pied et par surprise, sans cris de guerre ou autres fantaisies cinématographiques. Ils blessèrent mortellement de deux balles le père de famille et blessèrent grièvement d'une balle dans le ventre sa femme. Celle-ci se traîna jusqu'à un banc où les femmes Apaches l'achevèrent en lui brisant le crâne avec une pierre. Pour qu'elle ne puisse faire du mal à des Apaches dans « l'autre monde », elles lui écrasèrent ensuite les mains.

Ils ne firent aucun mal aux jeunes enfants du couple, mais s'emparèrent de tout ce qui pouvait les intéresser avant de repartir. Sans mettre le feu où que ce soit. Le plus âgé des enfants, qui avait environ six ans, gagna à cheval la ferme la plus proche pour y dire : «Il y a des indiens à la maison et ils sont vraiment méchants! ».

Une patrouille sera aussitôt organisé pour pourchasser les Apaches, mais est-il besoin de dire qu'ils ne parvinrent même pas à en trouver la piste?

Ce ne sont cependant pas les raids des Broncos qui mettront fin à la tentative de colonisation des Mormons, mais les désordres de la révolution mexicaine...

 

Toutes les rencontres ne furent cependant pas aussi sanguinaires. La dualité est au cœur de l'âme humaine!

Ainsi Grenville Goodwin reçut en août 1927 le témoignage de l'ancien shérif de Colombus (Nouveau-Mexique), alors chef de la Police sur la Réserve Navajo, Mr. Hoffman. Ce dernier lui déclara qu'un groupe d'une trentaine d'Apaches Broncos vivaient dans les sierras au sud de la frontière Mexicaine, comme « ceux de l'ancien temps ». Il raconta à Grenville Goodwin qu'un jour où il conduisait des chevaux à travers la Sierra Madre, il rencontra leur camp et resta avec eux pendant trois jours, ses chevaux ayant besoin de repos. Ils soignèrent et surveillèrent ses chevaux. Quand il décida de repartir, ils lui amenèrent ses chevaux et lui donnèrent un message pour les Apaches de San Carlos.

Ce dernier dira aussi à Grenville Goodwin que les Apaches ne faisaient rien aux Blancs, mais n'hésitaient pas à voler et à tuer les Mexicains isolés surpris dans les montagnes. Il racontera également aussi que les Broncos se rendaient parfois dans des petites villes pour commercer et les quittaient précipitamment une fois l'affaire faite.

Impitoyables avec leurs ennemis, les Apaches se sont aussi montrés de tout temps hospitaliers envers les voyageurs, aussi surprenant que cela paraisse!

 


c)Relation avec les Apaches des réserves.

 

De façon peu étonnante, les Apaches vivant sur les réserves étaient effrayés par les « Broncos ». Et il y avait de quoi! Rappelons-nous d'Ulzana tuant les gens de son propre peuple parce qu'ils ne voulaient pas le suivre au Mexique en 1885...

Il n'y avait pas un Apache qui ne voulait prendre le risque de voir son peuple partir en exil comme les Chiricahuas. Ils ne craignaient rien de plus à titre individuel ou collectif que de se voir accuser de complicité avec les « Hostiles ». La prison ou la potence devenait pour eux une possibilité effrayante.

Ils savaient aussi que des « Broncos » tentaient de kidnapper des jeunes femmes pour les emmener au Mexique. Mildred Cleghorn, une ancienne des Chiricahuas,  racontera à Neil Goodwin que quand elle était jeune elle faisait les quatre cents coups, ce qui rendait folle sa mère. Celle-ci s'emparait alors d'un sac en grosse toile et le pendait à un arbre près de sa maison en disant à la jeune Mildred que si elle continuait, elle l'enfermerait dans le sac et qu'à la nuit tombée elle serait emmenée par « Ceux que l'on ne nomme pas ».

 

Un bon exemple est l'histoire que raconta à Neil Goodwin un Chiricahua. Cette histoire, il ne l'avait jamais raconté auparavant à qui que ce soit, blanc ou indien. Un jour de 1937, il était parti à la recherche de bétail égaré dans la partie la plus sauvage de la réserve Mescaleros. Alors qu'il était arrivé au sommet d'une colline, il vit au sommet de la suivante une scène étrange...

 

Deux indiens, un homme et une femme vêtus « comme dans l'ancien temps » se tenaient près de deux chevaux à l'attache. L'homme semblait enterrer ou poser quelque chose sur le sol, tandis que la femme tenait ses bras tendus vers le ciel comme si elle priait.

Soudain, ils virent le jeune homme et se figèrent. Se rendant compte qu'il avait été vu, ce dernier ne demanda pas son reste et détala d'une traite jusqu'au plus proche endroit habité. Il prendra le temps de regarder derrière lui et verra que les deux indiens avaient eux aussi disparus, ce qui ne le poussa pas à ralentir sa course!

 

Il est certain que les « Broncos » éprouvaient du mépris pour les indiens soumis des réserves et qu'ils ne les considéraient pas comme tels. « Ni rouges, ni blancs » auraient-ils pu dire.

Toujours dans les années 1930, il y avait abondance de mustangs sauvages sur la réserve de San Carlos, jusqu'à ce que le gouvernement y mette bon ordre pour éviter le surpâturage. Ces chevaux étaient réputés pour avoir le pied sûr et être très endurant. Un officier de la Police Indienne aperçu un jour un groupe de Broncos qui capturait des chevaux. Ils étaient vêtus « comme des hommes blancs » raconta l'homme à Neil Goodwin. Mais à chaque fois qu'il tentait de s'approcher pour parler avec eux, ils se débrouillaient pour prendre le large et notre homme resta sur ses envies de discussions!

Toutefois, il est certains que certains de ces Broncos se rendirent dans les années trente sur la réserve Mescaleros pour y rencontrer des anciens. Que cherchaient-ils? des conseils? Sans aucun doute. Une chose était sûre : ils savaient y trouver des Chiricahuas!

 


d) Avec les autres indiens

 

 

Dans la Sierra Madre, les Apaches étaient en contact avec trois peuples avec lesquels ils avaient des relations conflictuelles : les Tarahumaras, les Yaquis, les Pimas et les Opatas.

 

Deux TarahumarasLes Tarahumaras étaient des semi-nomades qui sont aujourd'hui près de 80000 dans l'état mexicain du Chihuahua. Les heurts avec les Apaches étaient fréquents, mais ils intégrèrent cependant dans leurs rangs quelques guerriers chiricahuas isolés après la reddition de Geronimo comme l'attestent quelques témoignages rapportés par les Goodwin père et fils.

 

Les Yaquis considéraient littéralement les Apaches comme leurs «ennemis Yaquishéréditaires » (et vice versa, d'ailleurs!). Indiens du Sonora, les Yaquis avaient adopté le christianisme, mais refusèrent toujours de se soumettre tant aux Espagnols qu'aux Mexicains. Ils tentèrent en vain de fonder un état indépendant dans les années 1880. Jusqu'en 1911, ils seront victimes de cruelles persécutions de la part du Président Mexicain Porfirio Diaz qui les fera massacrer en grand nombre et déporter dans les champs de sisal du Yucatan où ils périront par centaines. Beaucoup de Yaquis iront se réfugier aux Etats Unis dans les environs de Tucson où ils ont une réserve depuis les années 1970.

Il est à peu près sûr que certains Broncos firent cause commune avec eux selon l'éternel principe : « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis... ». Du moins tant que la guerre dure....

Famille Pima vers 1870Les Pimas, qui vivent dans le Sonora et l'Arizona sont aujourd'hui aux environs de 13000. Ils pratiquaient l'agriculture par irrigation. Leurs relations avec les Apaches étaient tantôt hostiles, tantôt amicales selon les groupes et les aléas du commerce.

Avec les Opatas, c'était la même chanson. Ces derniers étaient de redoutables adversaires pour les Chiricahuas. Très tôt, des « liens » se créèrent entre les deux peuples, des Opatas épousant souvent des captives Chiricahuas. Là aussi un refuge possible pour des Broncos solitaires!

 

 

 

L'histoire des Broncos Apaches

A Partir de cela, on peut tenter de bâtir une histoire des Broncos Apaches de la Sierra Madre Mexicaine, en gardant cependant à l'esprit qu'il ne s'agira là que de généralités. Nous n'avons pas en effet affaire à un groupe uniforme, compact et cohérent, mais à plusieurs groupes qui ont peut être connus des sorts bien différents.

 

Dans une première période, qui s'étend environ de 1883 à 1915, les Broncos tentèrent au maximum de vivre selon le mode traditionnel des Apaches et dans une autarcie plus ou moins complète selon les groupes. Ils fabriquaient si possible ce qui leur était nécessaire : armes, vêtements, outils. Ils chassaient, pratiquaient la cueillette, mais aussi l'agriculture (maïs, courges, melons, pastèques…) à proximité de leurs refuges les plus secrets. Ces derniers sont situés dans les zones les plus difficiles d'accès des sierras et comprennent tant des wyckiups traditionnels que des bâtiments en pisé comprenant des charpentes.

 

A partir de 1915 et de la fin de des troubles au Mexique se dessine un mouvement de colonisation des sierras à partir des plaines.

Les Apaches sont alors de plus en plus en contact avec le monde extérieur ce qui aura sur eux d'importantes conséquences. D'un côté ils obtiennent des armes modernes par des biais divers : fusils Mauser ou Mannlicher, pistolets Luger, etc..., des objets manufacturés de diverses natures....

De l'autre, ils voient leur « espace vital » se réduire peu à peu et leurs ressources s'amenuiser. Du coup, les heurts entre colons mexicains et Apaches se multiplièrent jusqu'en 1929. A cette époque, il ne restait plus qu'une vingtaine d'Apaches à vivre selon l'ancienne façon dans les sierras, selon les estimations de Neil Goodwin, la plupart étant des femmes ou des enfants.

 

 

Francisco "Ferocious" Fimbres

 

 

C'est dans ce contexte qu'éclata « l'affaire Fimbres ». le 15 octobre 1927, Francisco Fimbres, un gros propriétaire terrien voyageait à cheval avec sa femme. Cette dernière portait avec elle son fils Gerardo âgé de trois ans et le fusil de Fimbres se trouvait sur son cheval. Alors qu'ils s'approchaient de Nacori Chico, ils furent attaqués par des femmes Apaches. Celles-ci tuèrent sa femme, qui était enceinte, la poignardant à mort avant de la jeter dans un ravin. Francisco Fimbres, qui était désarmé et avait avec lui sa fille Vicki, âgée de deux ans, ne put rien faire pour défendre sa femme, d'autant que tout se passa très vite et qu'il était éloigné du lieu de l'agression. Gerardo fut kidnappé par les femmes.

Fou de douleur, désireux de se venger et de retrouver son fils, Fimbres leva une petite milice privée d'une douzaine d'hommes avec laquelle il parcourut la sierra en tout sens pendant deux ans sans trouver la moindre trace! Il refusera d'écouter les conseils de Lupe, une Apache qu'il avait capturé en 1915. Celle-ci lui avait conseillé de jouer la patience en lui disant que plus longtemps Gerardo serait avec les Apaches, plus ces derniers s'attacheraient à lui et moins ils risqueraient de lui faire du mal. Il commit là une erreur grave en voulant tout à la fois venger sa femme et libérer son fils prisonnier.

 

En janvier 1929, il reçut l'appui d'un candidat à la présidence du Mexique et du Gouverneur du Sonora. Ils décidèrent de monter une expédition d'envergure pour exterminer les Apaches des Sierras. Les membres de l'expédition se rassemblèrent à Douglas en Arizona. Ils étaient près d'un millier qui avaient payé pour participer à cette chasse à l'homme. Ils avaient même un avion avec lequel ils espéraient localiser du ciel les refuges des Apaches! Visiblement, le fait d'accrocher un scalp d'Apaches dans son salon n'avait pas de prix à l'époque et était « fashion » !!

Cette armada inquiéta le gouvernement mexicain : il refusa à l'expédition l'entrée sur son territoire et intervint auprès du gouvernement de Washington. Sous la pression conjuguée de Mexico et de la Maison Blanche, l'expédition avorta.

 

Moins d'un mois après l'abandon de cette dernière, la chance tourna pour « Ferocious » Fimbres. Il surprit un camp Apache avec ses hommes. Ils tuèrent trois Apaches et posèrent fièrement avec leurs scalps pour le photographe. Il s'agissait d'un homme identifié comme « Apache Juan » et de deux femmes, respectivement la mère et la sœur de Lupe. Ils scalpèrent les morts et se firent photographier avec leurs hideux trophées, laissant les corps pourrir sur place.

Ses hommes revinrent sur les lieux quelques jours plus tard. Ils s'aperçurent que les trois morts avaient été très soigneusement ensevelis. Ils trouvèrent plus tard le corps du jeune Gerardo, vêtu à la manière des Apaches, portant sur lui un petit couteau. Les femmes Apaches l'avaient tué à coups de pierres.

 

Obsédé par ses idées de vengeance, Fimbres continua de rôder durant des années à travers la Sierra Madre, à la poursuite des derniers Apaches. Il n'allait cependant pas parvenir à les exterminer tous, de son propre aveu….

Toutefois, après les années 1930, les Broncos disparaissent....



Captifs

 

 

Par une chance extraordinaire, nous avons deux témoignages amérindiens sur la vie des Nednis du Sonora par le biais d'Apaches capturés par les Mexicains.

 

La première est Lupe, une Chiricahua capturée à l'âge de 14 ans par Fimbres en 1915 et confié par lui à une famille mexicaine qui la baptisera Guadalupe Fimbres Munoz. Lupe témoigna qu'un homme blanc aux cheveux rouges et aux yeux bleus avait vécu pendant longtemps parmi eux avant de disparaître brutalement. Elle affirmait être la fille d'Apache Kid, l'un des plus célèbres hors-la-loi Apache. Elle avait été prise alors qu'elle montait la garde sur l'une des pistes menant au camp des siens, mais aura le temps de donner l'alarme pour que ces derniers puissent s'enfuir.

En 1920, elle s'installa en Californie avec sa fille Asuza. Elle était toujours en vie en 1958. Elle sera interrogé par Grenville Goodwin et lui donnera d'importants détails sur la vie des Broncos, notamment les précautions qu'ils employaient pour effacer leurs traces. Les blessés devaient par exemple jeter hors de leur chemin la terre tachée de leur sang pour ne pas laisser de piste derrière eux.

 

La seconde, Carmela, avait été capturée en 1935 alors qu'elle n'avait guère plus de sept ou huit ans. Elle sera adoptée par une famille américaine qui l'emmènera à Los Angeles. Au contraire de Lupe, elle aura tendance à taire ou à nier son héritage Apache. Elle donnera pourtant des détails importants sur la période finale des Broncos Apaches. Elle révélera qu'elle vivait dans un campement uniquement composé de femmes et d'enfants, les hommes ne venant les voir qu'occasionnellement, notamment un  « qui portait de grandes plumes ». Cette division des sexes n'est pas dans la tradition Apache et devait correspondre au souhait de les protéger au mieux les femmes et les enfants. Elle se souvient que les femmes fabriquaient tout ce qui était nécessaire ou presque.

Elle fera des études en histoire de l'art et se passionnera pour la Renaissance Italienne. Elle décédera brutalement dans la ville de Pérouse en Italie qu'elle était allée visiter avec son mari et ses enfants.



Une tentative de contact : l'expédition de Helge Ingstad

 

 

Grenville Goodwin ne pourra jamais mener comme nous l'avons déjà vu l'expédition qu'il rêvait de conduire dans la Sierra Madre pour prendre contact avec les Broncos Apaches. Mais il allait donner toutes ses informations et connaissances sur le sujet à un homme qui se proposait de réaliser son rêve : Helge Ingstad.

 

 


 

Ce norvégien était né à Tromsoe le 30 septembre 1899. Il n'était pas à l'origine un ethnologue, mais un explorateur.

A la fin de ses études, en 1922, il deviendra avocat et ouvrira un cabinet à Levanger. Mais il avait le démon des voyages et des explorations. Il vendra son étude prospère et partira au Canada dans les Territoires du Nord-Ouest en 1926 pour devenir trappeur. Pendant trois ans, il accompagnera des trappeurs Crees. En 1930, il retourne en Norvège et fait paraître un livre sur son expérience « The land of feast and famine »

Quand la Norvège annexa en 1932 la partie orientale du Groenland, Ingstad en devient le premier gouverneur, mais dès l'année suivante, la Cour Internationale de justice de La Haye décida que ces terres appartenaient au Danemark. Ingstad vit alors son poste supprimé, mais fut en échange nommé Gouverneur du Spitzberg et des îles avoisinantes. C'est là qu'il rencontre sa future femme, Anne Stine.

Intrigué par les Apaches Broncos dont il apprit l'existence après avoir passé deux ans comme cow-boy chez les Apaches White Mountains, il décida en 1936 d'explorer la Sierra Madre pour les trouver et prendre contact avec eux. Il n'ignorait pas dès le départ qu'il n'aurait que peu de chances de les trouver, et que si c'était le cas, il jouait sa vie et celle de ses compagnons à la roulette russe. Grenville Goodwin était d'ailleurs très pessimiste à ce sujet et craignait qu'Ingstad « ne soit comme une proie au milieu d'une meute de loups ».

Ingstad prépara avec soin son expédition. Il recruta un guide Yaqui qui connaissait bien les montagnes, Mora, et deux Chiricahuas : un vétéran qui avait parcouru ces régions avec Géronimo et un jeune, venant tous deux de la réserve Mescalero.

L'expédition sera un échec total. Son guide Yaqui n'avait d'autre idée en tête que de retrouver un trésor espagnol légendaire. Les deux Chiricahuas devinrent de moins en moins convaincus de trouver le contact avec les Broncos au fil du temps. Doutaient-ils de leurs chances de survie en cas de rencontre, voulaient-ils les protéger ou étaient-ils eux aussi sensibles à l'idée de trouver fortune?

Mora et les Chiricahuas montreront à Ingstad mains signes de pistes laissés par les « Pinery Apache » et des traces de campements. Mais quand Ingstad verra une silhouette humaine lui semblant vêtu d'un vêtement de peaux en scrutant avec ses jumelles le sommet boisé d'une crête, les trois lui déclareront unanimement sans le convaincre qu'il avait vu un cerf!

De toute façon, pour Greenville Goodwin, Ingstad était trop inexpérimenté pour avoir la moindre chance de prendre contact avec les Broncos. Pour lui, il aurait eu autant de chance de les voir en parcourant les montagnes avec une fanfare! Il était convaincu que les Apaches de la Sierra n'avait pas perdu le moindre des faits et gestes d'Ingstad et de ses compagnons et s'en étaient même amusé.

Ingstad se rattrapera de cet échec en allant vivre après 1945 en compagnie des Nunamiut dans le nord de l'Alaska et en découvrant le site Viking de l'Anse aux Meadows à Terre-Neuve dans les années 1960. Il décédera à Oslo le 29 mars 2001.


Héritiers et descendants

En 1933, des cow-boys mexicains capturèrent une jeune Apache d'environ quatorze ans. Elle était nue, sale et affamée. Ils lui donnèrent des vêtements et l'emmenèrent à Nacori Chico où l'on ne savait qu'en faire. Aussi, on décida de la mettre dans la prison. Les curieux se rassemblèrent et payèrent pour pouvoir rentrer et la voir dans sa cellule. Elle, elle leur tournait constamment le dos et refusait toute nourriture et toute boisson. Pas une seule fois elle n'adressera la parole aux curieux ou à ses gardiens. Quelques jours plus tard, elle était morte.

Passé la Seconde Guerre Mondiale, on ne trouve plus trace ou mention des Apaches Broncos. Une dernière fois on signale un petit groupe en Arizona sur les terres d'une très grosse entreprise d'élevage bovin. Les cowboys qui gardaient le bétail reçurent comme consigne de les laisser abattre quelques bêtes chaque année et de ne pas leur chercher noise. C'était vers 1943.

Vers 1950, Nacori Chico futt relié au monde extérieur par une route carrossable. Des entreprises de bois s'intéressèrent aux pinèdes et effectuèrent des coupes « à blanc » dans celles-ci. Le bétail gagna les hauts pâturages et des routes sillonnèrent en tous sens la sierra.

Il n'y a alors plus aucun signe des Broncos Apaches. Aujourd'hui, si l'on parcours en tous sens les montagnes près de Nacori Chico, on court plus le risque de tomber sur un champ de pavot illégal, dont la production est destiné aux États Unis, que sur d'improbables Broncos.

Est-ce à dire qu'ils ont tous été exterminés ou assimilés par d'autres peuples?

Oui et non.... Voici deux histoires racontées à Neil Goodwin.

Une étrange histoire est arrivée peu après la fin de la Seconde Guerre à deux frères Western Apaches qui étaient partis faire des affaires dans la ville frontière de Ciudad Juarez. Alors qu'il déambulaient dans la rue en parlant en Apache, ils furent abordés par un homme vêtu comme un mexicain qui s'adressa à eux dans leur propre langue. Il était accompagné par deux femmes. Ils parlèrent longuement avec lui. L'homme leur dit qu'il était un Apache vivant au Mexique et qu'il n'était pas le seul. Ils vivaient à plusieurs endroits, s'adonnaient à l'agriculture et vivaient au sein même de la société mexicaine en s'efforçant du mieux possible à cacher leur véritable identité. Il évita soigneusement de leur dire d'où il venait

Autre histoire curieuse, Neil Goodwin cite le cas d'une famille d'immigrants mexicains vivant au Colorado. Il se lia d'amitié avec une jeune fille de cette famille qui lui raconta qu'elle apprit un jour que sa grand-mère paternelle allait venir du Mexique pour vivre avec eux. Quand elle arriva, elle parla avec son fils (le père de la jeune fille) dans une langue qui n'était ni de l'anglais, ni de l'espagnol. Elle apprit à la maison cette langue avant même de savoir que c'était de l'Apache! Sa grand-mère et son père étaient nés dans un village des montagnes à l'ouest de Chihuahua « où chacun est lié aux autres », selon les dires de sa grand-mère. C'était dans les années 1950....

Alors qui sait?



12/06/2010
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